Santé, sécu, et génie français

Publié le 24 juin 2008 par Objectifliberte

Le génie français est-il en vous ? Pourriez vous prétendre à l'un des plus hauts postes à responsabilité de l'administration française ? Pour le savoir, répondez honnêtement et sans réfléchir à la question suivante:

Question : "A quoi sert une assurance maladie ?"

Si vous avez répondu: "A prendre en charge les coûts occasionnés par la survenance d'une maladie", alors, désolé d'être brutal, mais vous n'avez rien compris au génie Français et vous ne serez jamais admis à l'ENA, ce creuset sans limite d'où ce génie s'extrait tel le pétrole jaillissant d'une roche bitumineuse. Le caractère "primaire" de votre logique est à vrai dire consternant.

Sachez, détenteurs ordinaires du passeport de France, que le génie français est incarné par le directeur de la CNAM, un certain M. Van Roekeghem, qui propose, dans une nième tentative de colmater les brèches d'un système de santé que ses fondements absurdes vouent à la faillite, de dérembourser... un certain nombre de traitements liés aux affections de longue durée. Bref, une assurance maladie qui, sous certaines conditions, n'assure plus la maladie, voilà une innovation conceptuelle qui méritait une investigation approfondie.

Un des proches collaborateurs de M. Van Roekeghem a accepté d'éclairer la lanterne d'Ob'Lib':

"Mais, Msieur, une assurance maladie qui ne rembourse pas la longue maladie ne perd elle pas sa raison d'être" ?

Ha Ha Ha, vous êtes décidément de bien basse élévation intellectuelle. Mais il est là, le génie Français ! Une assurance maladie qui n'assure plus la maladie ! Personne n'y avait pensé avant ! Voilà qui redonne à la France la place incontestée de leader de l'exploration des solutions politiques aux problèmes du monde, assurément ! L'assurance maladie qui n'assure pas est à la santé ce que l'art contemporain subventionné est à la culture: un aboutissement de la démarche déconstructive des vieux schémas intellectuels qui nous empêchent d'inventer le monde de demain, un paradigme novateur qui transcende les frontières de l'impossible...

"Vous voulez dire: un gigantesque foutage de gueule ? A quoi bon sauver la sécu si elle est à chaque nouveau plan de sauvetage vidée de sa fonction première, de sa substance  ? Une assurance qui n'assure pas, quel intérêt ? "

Qu'il est amusant... Mais le génie français, vous en faites quoi ? Notre modèle social si habilement renouvelé par des concepts transgéniaux, pouvez vous le rayer d'un simple trait de plume ? Non, indécrottable manant, sachez que ni le génie français, ni les très confortables rémunérations de très hauts fonctionnaires qu'il autorise, ne sauraient souffrir de telles remises en question !   

"Je suis touché par tant d'élévation intellectuelle, O, grand vizir de l'inspection des finances, mais dites moi, si, malgré ce trait de pur génie, vous ne parveniez pas à enrayer l'explosion des déficits de la sécurité sociale, comment pourriez vous encore innover dans le renouvellement du génial modèle social français ?"

Hé hé... rassurez vous, nous avons plus d'un tour dans notre besace.  S'il le faut, nous inventerons le forfait inhospitalier pour vous décourager d'aller à l'hôpital, l'assurance vieillesse qui n'assure les vieux que lorsqu'ils sont jeunes, l'euthanasie pour convenances comptables, la métastase des cotisations ! Nos ressources en génie français sont inépuisables. Tout comme le pétrole, pour en trouver, il suffit de creuser plus profond encore le trou de la sécu...

"Mais ne croyez vous pas qu'il faille avant tout changer le comportement usagers et prestataires de santé ?"

Certes, certes....  Nous avons déjà commencé, en inscrivant dans la loi en décembre 2006 des sanctions très dures contre toute personne qui inciterait les français à essayer de quitter le système de santé génial qui est le nôtre. Comme l'a dit en son temps la divine Martine Aubry, nous ferons le bonheur des français malgré eux ! A la schlague, s'il le faut. Mais nous devons aller plus loin.

Pour ce faire, nous inscrirons le droit à la bonne santé opposable dans la constitution, afin d'obliger tous les français à être en bonne santé par décret.  Nous ne parlerons plus de "malades", mais de français en recherche de leur optimum de santé. Il faut sortir des schémas classiques: "malade", "en bonne santé", ces concepts sont rétrogrades. Demain, grâce au génie français, les gens exprimeront leur état en pourcentage de l'optimum de bien-portance, afin de souligner que la plupart des maladies ne touchent finalement qu'un nombre très limité d'organes. Les français découvriront que même dans les pires moments de souffrance, il existe en eux un potentiel de santé incroyablement élevé. Et du coup, ils n'éprouveront même plus le besoin de disposer de soins, puisqu'ils sauront qu'ils sont de toute façon en bonne santé !

Vous comprenez donc que notre proposition de déremboursement des traitements pour affections longues n'est qu'une première composante d'une longue série de mesures visant à transformer radicalement les schémas paradigmatiques anciens qui polluent l'intelligence française depuis  trop longtemps. 

"Merci, Docteur Knock, pour toutes ces lumineuses explications"

Non, moi, c'est Diafoirus, Knock, c'est mon patron.
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