Comment libérer le parlement de la dictature des partis politiques ?

Publié le 05 août 2008 par Objectifliberte

Je l'avoue: je me suis royalement... euh, je veux dire, allègrement... Enfin non, complètement contrefichu du vote sur la révision de la constitution de notre merveilleuse république. Non point que je sois à ce point devenu indifférent aux micro-réformettes et autres stupidités régulièrement promues par nos  politiciens au rang de refondation majeure, mais très franchement, lorsqu'est évoqué le nième tripatouillage de notre pauvre constitution révisée 17 fois ces quinze dernières années, j'ai un peu de mal à m'y intéresser. C'est un tort, tant les constitutions sont le socle fondateur du droit, dont des détails peuvent dépendre la prospérité ou la faillite d'un pays.

Ceci dit, qui l'aurait cru, les péripéties politiciennes autour du vote de ce toilettage dudit texte fondateur de nos institutions m'ont donné l'idée d'une réforme jamais envisagée, et qui pourtant, peut-être, pourrait réellement redonner au parlement une place significative dans la vie politique française.

Les non-événements qui ont réveillé ma conscience citoyenne sont d'une part le revirement de quelques députés de droite (entre autres, MM. Mariton, Tron et Debré) qui, après dit qu'ils n'aimaient pas le texte, l'ont voté "par nécessité de ne pas mélanger leurs voix à celle des socialistes" (Oh le bel argument que voilà...). Disons plutôt qu'ils ont sans doute reçu  injonction des missi dominici de l'élysée de voter "oui" sous peine de représailles majeures.

D'autre part, la réaction quasi hystérique des socialistes après le vote "oui" de Jack Lang a révélé que les statuts du parti socialiste faisaient bien peu de cas de la à mon avis fort nécessaire liberté de conscience du député par rapport au vote.

Commençons donc par notre gauche. Les statuts du PS prévoient, je cite, dans leur article 9.6, que:

(9,6) Les membres du groupe socialiste au parlement acceptent les règles internes du Parti et se conforment à sa tactique. En toutes circonstances, ils doivent respecter la règle de l’unité de vote de leur groupe. En cas d’infraction à cette règle, le Conseil national peut faire jouer les dispositions prévues à l’article 11.12. (NdVB: c'est une erreur, je suppose qu'il s'agit du 11,11, après lecture, mais passons)

Ah, justement, l'article 11,11, que prévoit il ?


(11,11)
Chacun des parlementaires, en tant qu’élu, et l’ensemble du groupe, en tant que groupe, relèvent du contrôle du Conseil national. Les élus qui commettent des infractions à la discipline sont rappelés au respect des décisions du Parti, par le Conseil national. Celui-ci peut, le cas échéant, prononcer une des sanctions prévues aux articles 11.5 et 11.6
(11,5)
La Commission (fédérale ou nationale) des conflits peut rejeter la demande de contrôle ou appliquer les peines prévues ci-après (...) :
- l’avertissement
- le blâme
- la suspension temporaire
- l’exclusion temporaire ou définitive
(11,6)
La suspension temporaire de toute délégation comporte, pour l’adhérent(e) qui est frappé(e) de cette peine, l’interdiction d’être candidat(e) du Parti (...)

Inutile de dire qu'une foule de socialistes aux confins de l'hystérie demande l'application des statuts et le licenciement... pardon, l'exclusion de Jack Lang. Ah, la belle conception de la liberté individuelle que cela dénote ! MM. Valls et Delanoë ont encore beaucoup de boulot pour rajeunir les mentalités dans ce parti.

Je n'ai pas étudié les statuts de l'UMP (j'ai autre chose à faire, vraiment), mais je suppose qu'ils recèlent des joyaux de démocratie interne du même ordre. J'ai déjà eu l'occasion d'évoquer les mésaventures du fort estimable Georges Mesmin, ancien député de Paris au temps où l'UMP s'appelait le RPR, qui osa voter contre le budget présenté par le gouvernement Juppé fin 1995, et contre lequel le RPR déclencha une cabale peu ragoûtante afin de lui faire perdre son siège de député en 1997. Avec succès.

Bref, cher citoyen, vous croyez voter pour un député, pour une personne qui vous représentera... Et en fait, vous contribuez à augmenter le nombre de droits de vote à l'assemblée d'une toute petite coterie qui contrôle le Politburo du parti auquel appartient votre candidat. Car si un Jack Lang, avec son ancienneté et ses réseaux, peut peut-être ne pas trop craindre des statuts de son parti et jouer les tontons frondeurs, inutile de dire que l'immense majorité des députés de base du PS doit avoir une trouille bleue de ne pas pouvoir se représenter aux élections suivantes avec l'étiquette officielle du parti, ce qui équivaut à une mort politique. Quant au trouillomètre de MM. Tron, Mariton, Debré et consors, je n'y reviens pas...

L'on prétend que les députés sont les godillots de l'exécutif. C'est faux. Ils sont les esclaves des oukases de l'état major de leur parti. Comment changer cela ? En effet, il paraîtrait salutaire qu'au moment de chaque scrutin parlementaire, en son âme et conscience, un député puisse voter contre la direction de son parti, et, si sa base militante locale lui pardonne cet écart, se représenter tout de même devant les électeurs avec son label.

Bref, il faudrait qu'un Ron Paul Français puisse voter contre son propre parti même lorsque celui ci est au pouvoir si sa conscience lui dicte de le faire, et pouvoir représenter à nouveau ce même parti aux élections suivantes si les militants lui renouvellent tout de même leur confiance (*).

Seul problème: un libéral ne peut en aucun cas exiger que les statuts d'un parti soient validés par l'état, ou trop sévèrement contraints par la norme législative... Toutefois, il existe un moyen à mon sens parfaitement légitime d'obtenir le même résultat. Il suffirait d'exiger que :

"Tout parti dont  les statuts, le règlement intérieur ou tout autre document interne régissant les règles de son fonctionnement, ou le mode de désignation des candidats, entravent la nécessaire liberté de conscience et de vote des élus du peuple aux différentes assemblées législatives nationales et locales, ne peut présenter de candidats aux élections concernées."

Une telle exigence ne paraît pas exorbitante. Après tout, quoi de plus normal, pour une nation, d'exiger que les représentants du peuple puissent effectivement le représenter ? Est-il anormal d'exiger que des députés de la majorité puissent, si les quelques têtes pensantes de l'exécutif se fourvoient, amener un peu de contre-pouvoir ? Si l'on veut redonner la place qu'il mérite au parlement, ne doit on pas rendre au député sa liberté de débattre et de contester, y compris sur les sujets difficiles où les positions peuvent transcender les clivages politiques traditionnels ?

La rédaction proposée - qui n'est qu'une ébauche, bien entendu -  a en outre l'intérêt d'être énoncée en terme de résultats et non de moyens, laissant aux partis une large marge de manoeuvre quant aux choix de leurs procédures internes, pourvu qu'ils respectent l'obligation énoncée.

En l'état actuel, si une telle loi constitutionnelle venait, par une sorte de miracle, à être promulguée, aucun grand parti ne pourrait présenter de candidats, et donc tous devraient se réformer vers plus de démocratie interne. Gageons donc que cette proposition ne rencontrera absolument AUCUN écho auprès de notre classe politique et de ses grands partis !

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(*) Ron Paul, représentant  républicain du Texas à Washington, n'a pas hésité à voter de nombreuses fois contre  les propositions de GW Bush lorsqu'il les jugeait contraires à la constitution des USA, et a osé se présenté aux primaires républicaines contre les candidats de l'Establishment. Le parti républicain a tenté de le punir et de lui faire perdre l'investiture de sa circonscription en lui jetant dans les pattes un opposant "docile". Peine perdue, les militants texans du GOP ont renouvelé leur confiance à Ron Paul à plus de 70%, et renvoyé les apparatchiks de Washington à leurs études.  En France, une telle attitude vaudrait à celui qui s'y risquerait une mort politique rapide, comme le montre le retour dans le rang de Mariton, Debré and co lors du vote constitutionnel...

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A lire également: François Goulard, député du Morbihan, dont on se demande s'il finira comme Georges Mesmin à force de critiques qui doivent sérieusement agacer son propre camp, estime que la réforme votée le 21 juillet, je cite, "ne peut se réclamer d'aucune cohérence avec des principes constitutionnels reconnus. C'est un mauvais texte, et il est totalement déplacé de parler à son propos de modernisation des institutions". Ce n'est pas moi qui l'ai dit !

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