Quel hebdo, quel mensuel féminin, quel quotidien digne ou indigne ne s’est–il pas déjà fendu d’un article ou dossier sur le « Phénomène Poker » ? On pourrait ici dresser une liste presque interminable de toutes ces lignes qui, personne ne s’en plaindra, ont contribué à populariser le poker en général et le Texas Hold’hem en particulier.
Cette première vague passée, les articles de deuxième génération commencent a faire quelques jolies fleurs de papiers dans toute la presse francophone. Comme toujours, on assiste au bon vieux phénomène du pompier pyromane. Dans un premier temps les médias amplifient un phénomène de mode (ils vous répondront qu’ils relayent juste une information, mais leur contribution dans la popularisation et la généralisation des « modes » est indéniable) pour ensuite mieux mettre en garde contre ses grands dangers.
Je lis aujourd’hui de nombreux articles concernant le « Black Poker », des descentes de police sur les lieux de tournois clandestins, de rafles opérées sur les mêmes lieux par des hommes armés et cagoulés, de l’addiction des plus jeunes au poker qui se voit désormais servir de mode de transfert d’argent de poche a la récré dans les moyennes et grandes classes et de ces sites Internet majoritairement aux mains de grandes organisations criminelles. Et voila, on nous a crée un nouveau diable en boite pour agiter les bonnes consciences du pékin moyen jusqu’au ministrable en mal d’audience. Un épouvantail qui sera très certainement récupéré par une Europe politiquement de plus en plus a droite.
Bien sur, les jeux d’argent sont addictifs, bien sur ils sont dangereux pour la santé patrimoniale des individus qui s’y livrent avec frénésie, bien sur, à certains niveaux d’enjeux, il existe un risque réel de criminalisation, individuelle (tricherie) organisationnelle ou extérieure. Bien sur il est souhaitable qu’un cadre définisse les limites de ces pratiques… Mais je refuse de marcher encore une fois dans le sensationnalisme pour bobonnes bien pensantes.
Quand je pense a ce qu’ont coûté, au total, mes pertes en centaines de billes (j’ai jamais été très adroit), en milliers de figurines Panini et en dizaines de jeux Nintendo a cristaux liquides par rapport a ce qu’ils ‘mont laissé comme développement intellectuel dans mes facultés de raisonnement, de développement stratégique ou de calcul, je me dis que j’aurais du me mettre au poker a 5 ans.
J’ai aussi passé 15 ans a jouer assidûment aux jeux de rôles. 15 ans a lire d’un œil agacé, que cette simple pratique faisait de moi un schizophrène avéré, un dépressif en puissance, un suicidaire confirmé, voire un satanisme convaincu, alors que ces jeux m’ont permis en plus de l’amusement et du délassement, de rencontrer une foule de gens différents et de nouer des amitiés fidèles.
Encore aujourd’hui, lorsque je brosse une rapide analyse des coûts liés aux loisirs, je me rends compte a quel point se distraire coûte cher. Quelques DVDs, un jeu playstation, deux places de concert ou de théâtre, et vous voila déjà a 100€ par mois. Si en plus vous pratiquez un sport, n’importe lequel, comptez de 50 à 200€ supplémentaires (hors Golf, Polo et Regate). Et si, comme moi, vous sortez de temps a autres en boite, avec bar et resto en « before », chaque soirée doit vous coûter entre 75€ et 150€. Faites simplement l’honnête somme de vos loisirs mensuels, juste pour vous écarquiller un peu les mirettes devant ce chiffre, forcément beaucoup plus impressionnant que vous ne l’imaginez.
Non seulement le poker ne me coûte jamais plus de 50€ la soirée mais en plus il s’agit du seul hobby qui me rapporte ! Depuis que je comptabilise mes gains en parties privées sur Excel, j’affiche une balance positive de près de 2.500€ en 12 mois sans avoir joué plus de 50 parties. Soit un remboursement intégral de tous les bouquins, revues et cdroms achetés concernant le poker en plus de la mallette de 1000 jetons 14 grammes, des 4 jeux copag 100% pvc et des différents tapis. Plus bénéfices. Et je ne pense pas être une exception, juste un joueur de plus en plus éduqué et décidé à en apprendre d’avantage, comme beaucoup d’autres.
La presse déboulonne systématiquement les vagues qu’elle a contribué à faire déferler. Des pins vendus pour des sommes faramineuses, aux flippos tueurs d’enfants en passant par les jeux de rôles qui poussent au suicide, les jeux vidéos provoquant l’épilepsie ou la démence, les fusillades dans les lycées ou l’augmentation de comportements hyper violents des adolescents, tout comme les mangas et les séries télé. Du rap au rock, du gothique a la techno, la presse a tiré sur tout et sur tout le monde. La peur fait vendre. En ces périodes creuses ou on manque d’articles de fond, au moment même ou les WOSP battent leur plein, la presse a bon jeu de tailler un costard à notre petit poker du dimanche.
Et nous voila déjà en train de surveiller nos mails d’invitation, d’imaginer les flics débarquant dans notre petit tournoi hebdo a 50€ de cave ou de craindre que le gagnant se fasse braquer a 2h du matin en sortant de sa caisse. Pire, l’on se voit déjà à l’amende ou sous les verrous, criminels par simple amour d’un jeu de stratégie, de réflexion ou l’argent représente simplement un enjeu et une motivation, sans pour autant être vraiment une fin en soi.
Il faut pourtant rappeler que les jeux d’argents les plus sollicités, les plus répandus les plus accoutumants et les plus sournoisement dangereux sont ceux dispensé par les Loteries Nationales qui engrangent des bénéfices colossaux, heureusement redistribués. Souligner également que le rang 1 de l’euro million hebdomadaire représente systématiquement près du double ou du triple du premier prix du Main Event du WOSP pour un nombre infiniment plus élevés de joueurs. Que des formules de jeux comme les grattages ou le « rapido » a tirage instantané séduit les plus jeunes et les plus précarisés, que le PMU draine un chiffre d’affaire colossal et que les casinos vivent, à chaque table, sur des probabilités ouvertement truquées en leur faveur. Et, mis a part pour le BlackJack (et encore), il n’existe aucune stratégie permettant d’influencer positivement la « chance » en faisant, sur le long terme, basculer les statistiques en faveur du joueur. La seule façon générale de gagner définitivement sur les loteries, roulettes et consort est d’avoir la chance de toucher gros une seule fois et de ne plus jamais rejouer.
Reste encore à répéter, qu’en marge de la manne journalistique qu’il représente, le foot fera toujours plus d’argent sale, plus de blessés, de morts et de casse que tous les clubs clandestins de poker.
Reste, pour finir, a réaffirmer qu’il est indispensable que le législateur fixe un cadre ferme quand a l’organisation de cash game et de tournois réguliers dans le cadre sécurisé de cercles de jeux patentés, histoire de professionnaliser et de décriminaliser le milieu du poker, ou d’au moins le sortir de ce flou artistique qui empêche au public et aux autorités de distinguer clairement l’immense majorité d’agneaux des quelques loups sévissant dans l’ombre.