
« Himalaya » est un recueil poétique d’Anne Lemaître (née en 1971), paru à l’automne 2024 dans la collection Lieu n°406 des éditions Encres Vives, fondées par Michel Cosem (1939-2023) et dirigées depuis 2023 par Eric Chassefière.
Ce recueil évoque le voyage au Tibet de la poète, entre 2023 et 2024, les différents lieux par lesquels elle est passée, les personnes qu’elle a croisées (des habitants de ces régions), l’épreuve physique qu’elle a endurée, les réflexions et méditations inspirées par ce toit du monde. Poésie toute en verticalité, à l’image de ces hautes montagnes, chaque vers est bref, réduit souvent à un ou deux mots, rappelant sans doute au lecteur que l’oxygène, en altitude, se fait plus rare, que chaque parole est comptée et d’autant plus précieuse. La spiritualité est présente, en filigrane, par quelques rares mots, sans que la poète s’appesantisse, mais on perçoit cet arrière-plan.
Cet article s’inscrit dans mon mois thématique sur le voyage.
Quatrième de Couverture
Globe-trotter depuis l’adolescence, Anne Lemaître traverse les vallées secrètes des Annapurnas en 2023 et 2024.
Nar Phu est l’une des régions les plus reculées de l’Himalaya. Les « cavaliers du ciel » y installèrent, à la fin des années 50, leurs camps de base militaires, luttant contre l’invasion chinoise du Tibet. Le récit poétique de cette longue randonnée contemplative évoque la nature brute, les peuples racines, l’altérité, la violence, la rêverie.
Note biographique sur la poète
Anne Lemaître est peintre et dessinatrice (encouragée par Christian Bobin et Gérard Garouste). La littérature a toujours nourri son imaginaire, elle est récemment entrée en poésie.
(Source : éditeur)
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(Page 15)
Sur la route de Tilicho
La nature est lente
Vénéneuse
Je serpente
Dans la chaîne himalayenne
Entre gouffre et abîme
Un pas de côté
Et le ravin
Me dévore.
Je m’enfonce
Au centre de la terre
Dans un paysage de
Grande solitude
Le relief agressif
Ses pâles aiguilles
Brûlent les yeux
Les cheminées de fée
S’élèvent
En silex
Les crêtes
Ont la couleur
Du purgatoire.
Et là,
Quatre chevaux un peu fous
Trottent sur les flancs abrupts
D’un sentier minuscule
A tout moment
Le risque d’une chute
La chute
Des anges rebelles.
Là-haut
Les glaciers
Et les roches
Métamorphiques
Contemplent
Nos enveloppes
Infimes
Petites natures
Incapables de voler.
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