
Quatrième de couverture :
En 1997, Robert Lubisch vide la villa familiale à la suite du décès de son père, un riche industriel qui a fait fortune dans les années d’après-guerre. Parmi ses papiers, il trouve une carte d’identité SS au nom d’un inconnu et la photographie d’une très belle femme. Quel est le rapport avec son père ? Lui, l’homme si parfait, si lisse, avait-il des secrets à cacher ? Au fil de ses recherches, Robert sent qu’il a réveillé un démon assoupi depuis la guerre et que l’histoire de son père est bien plus trouble qu’il l’a toujours pensé.
J’ai enfin saisi l’occasion de découvrir la plume de Mechtild Borrmann, romancière allemande, auteure de polars dont voici le premier roman traduit en français. Elle y met en scène Robert Lubisch, devenu médecin contre l’avis de son père, qui souhaitait le voir lui succéder à la tête de l’entreprise familiale, et qui découvre dans son héritage des documents intrigants liés à la seconde guerre mondiale. Ses recherches sur la photo d’une femme lui font rencontrer Rita Albers, une journaliste qui, ayant découvert le vrai nom de cette femme, flaire très vite une bonne histoire à vendre… et se fait assassiner peu après la dernière visite de Lubisch, finalement très anxieux à l’idée de ce qu’on pourrait découvrir sur le passé de son père. La femme de la photo s’appelait Therese Peters jusqu’en 1950, du nom de son mari qui a servi dans la SS en Allemagne. Elle s’appelle désormais Therese Mende et vit à Majorque. Le roman va alors faire des aller-retour entre le passé et le présent, où vivent encore certains protagonistes, jeunes gens dans les années de la guerre.
Sans porter de jugement, sans nous asséner de lourdes leçons d’histoire, Mechtild Borrmann réussit à aborder de nombreux aspects de la guerre du point de vue de jeunes Allemands qui l’ont vécue en profondeur. Jeunesses hitlériennes, partisans sans faille du national-socialisme, discriminations diverses, résistances intérieures et répression, mensonges et trahisons, retour à la vie normale sans représailles de criminels nazis, tout y passe dans ce roman rythmé et émouvant. Et comme souvent dans certains crimes, les mobiles sont liés aux passions humaines, exacerbées en tant de guerre, un contexte où les défauts peuvent se donner libre cours sous couvert d’une autorité aveugle et où les plus fragiles et/ou ceux qui osent résister doivent avoir une bonne dose de courage pour s’en sortir (ou pas).
« Therese cherchait à se remémorer le ciel de ce jour d’été. Avait-il vraiment été aussi infini qu’elle se l’imaginait à présent ? Assez vaste pour abriter la confiance naïve de six jeunes gens ? Quelques semaines plus tard, elle le savait avec certitude, ce ciel avait été tout autre. Quand elle s’était rendue à la gare, tôt le matin, pour faire ses adieux à Jacob et à Léonard, alors que le mot « guerre » s’élevait de toutes les tables et se mettait en marche, le ciel était bas et évoquait l’intérieur d’une coquille d’huître : un peu de vieux rose et de violet transparaissait encore sous les nuages couleur argent et gris acier. »
« Au cours de l’hiver 1944-1945, nous n’avions pas le temps d’avoir du chagrin, et je pense parfois que c’est là une des tragédies de cette guerre, et peut-être de toutes les guerres. Quand nous n’avons pas le temps d’être en deuil, nous perdons une dimension de notre humanité. »
« Ce que nous appelons toujours « le destin » n’est pas quelque chose qui arrive comme ça d’en haut, comme on le croirait, mais ce sont bien les mille petites décisions que nous prenons tous les jours et avec lesquelles nous allons dans une direction bien déterminée. »
Mechtild BORRMANN, Rompre le silence, traduit de l’allemand par Marlène Husser, Le Livre de poche, 2017 (Editions du Masque, 2013)