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Le club des enfants perdus

Publié le 06 janvier 2025 par Lorraine De Chezlo
club enfants perdusde Rebecca Lighieri

Roman - 510 pages

Editions P.O.L. - août 2024

Miranda est une jeune fille de vingt-six ans, fille d'un couple de comédiens reconnus. Miranda va traverser une période compliquée de dépression dans son adolescence, qui inquiétera ses parents. Enfin surtout son père. Sa mère est davantage froide, distante, vivant une maternité contrariée. Elle vient d'une famille allemande très libérée sexuellement, elle se coltine des traumatismes cachés. Miranda aussi connaît une période berlinoise de débauche exacerbée, avant de rencontrer Swan. Malgré tout, son mal-être subsiste, elle sait qu'elle fait partie du club des enfants perdus, du club des torturés connus qui se sont suicidés à vingt-sept ans...

Rebecca Lighieri est aussi l'autrice écrivant sous le nom d'Emmanuelle Bayamack-Tam. Elle laisse d'ailleurs un indice vers la fin du livre avec la phrase "Il est des hommes qui se perdront toujours", clin d'œil à l'un de ses précédents romans.

Première partie pour Armand, le père, qui parle de sa fille, fille qui l'inquiète, qui la rassure aussi, qui parle également de sa femme pour laquelle il voue une admiration et un amour charnel sans bornes. Seconde partie pour donner la voix à Miranda, lui faire dire ce qui l'anime, la passionne, la détruit. 

Extrait :

"Comme moi, ils avaient entendu des voix, perçu des auras et des vibrations; comme moi ils avaient vécu des expériences d'empathie totale avec des étrangers; comme moi, ils avaient senti se dissoudre les frontières de leur être et s'étaient douloureusement recomposés de ce côté-là du miroir, chaque voyage ébréchant un peu plus leur psychisme. On les avait crus fous, dépressifs, bipolaires, mais si mon diagnostic était le bon, ils n'avaient eu aucune pathologie mentale. Au contraire, ils avaient été plus richement doués que les autres, et avaient bénéficié de pouvoirs paranormaux - mais ces pouvoirs, j'étais bien placée pour le savoir, s'étaient avérés un fardeau plutôt qu'une bénédiction."

Et enfin, on redonne la voix à Armand pour un court chapitre alors que Miranda n'est plus là. Trois actes, le théâtre, on y revient. La dramaturgie, la fin qu'on connaissait - Miranda comme nous lecteurs-, mais que les parents ne pouvaient pas concevoir. Rebecca Lighieri s'attache à écrire sur de nombreuses complexités de la vie, sur nos héritages, sur l'inceste entre frère et sœur, sur la dépression chez les adolescents, sur le réel et l'irréel qui se combinent dans la vie trouble : des voix, des fantômes qui entourent Miranda, des oiseaux qui ne sifflent que pour elle, sa souffrance d'incomprise et d'extralucide. Il y a aussi cette place laissée au théâtre, surtout en fin de seconde partie, où le jeu, la fiction et les personnages dramatiques débordent dans le quotidien et les relations entre les protagonistes.

Un roman complexe, difficile, mais sublime qui révèle une histoire d'amour entre un père et sa fille, une fille et son père dont j'ai avalé les 300 dernières pages. Un récit à deux voix pour mesurer à quel point on ne connaît pas suffisamment, on ne sonde pas efficacement, nos propres enfants.

 Roman polémique selon des associations de "protection" de l'éducation, car oui certains passages sexuels crus peuvent choquer, mais en aucun cas constituer une incitation à la vie dépravée pour les Lycéens participant aux lectures pour le Goncourt !

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