« Et nous danserons encore » est le genre de récit qu’on hésite à entamer, de peur d’ajouter une couche supplémentaire à ce surplus de haine et de violence quotidiennes qui polarisent de plus en plus ce monde qui part en vrille.
Mais bon, étant assez fan de Sébastien Spitzer depuis « Ces rêves qu’on piétine », premier roman où l’auteur relatait non seulement les derniers jours du régime nazi à travers l’histoire étonnante de Magda Goebbels, mais proposait surtout les histoires bouleversantes de quelques rescapés des camps de concentration. En recueillant les témoignages des victimes du 7 octobre 2023, ce sont d’autres survivants de l’horreur, d’autres détenteurs d’une vérité qu’il sera impossible de nier qu’il invite à suivre dans « Et nous danserons encore ».
Il suffit de regarder le journal télévisé plus d’un an après le drame pour constater à quel point le 7 octobre 2023 constitue un tournant dans l’histoire de notre monde. Un catalyseur de haine, de stigmatisation et de polarisation, cherchant à diviser les gens, d’un côté les partisans du blanc, de l’autre ceux du noir, alors qu’il n’y a qu’une seule couleur à retenir de ce drame : le rouge ! La couleur de cette haine qui ne mène à rien ! La couleur de la honte censée colorer les joues des « grands » de ce monde pour tout ce qui a suivi ! La couleur du sang versé en abondance et surtout inutilement car la plupart des victimes du 7 octobre 2023 étaient des partisans de la paix et de la cohabitation…certains le sont d’ailleurs encore !
Ce sont leurs témoignages que Sébastien Spitzer recueille, cherchant non seulement à nous rapprocher de la vérité, mais également à saisir les nuances du drame. Pour ce faire il a rencontré des dizaines de rescapés du pogrom, des otages libérés et des nombreuses familles impactées dans les kibboutz proches de Gaza et au festival Nova dans le désert du Neguev. L’auteur nous emmène derrière ces images qui collent à notre rétine depuis qu’elles ont défilé à la télé et sur les réseaux sociaux…des images qui servaient surtout à véhiculer encore un peu plus de haine et derrière lesquelles Sébastien Spitzer place dorénavant une histoire foncièrement humaine, de gens qui s’aiment, de gens qui veulent la paix… de victimes innocentes comme il y en a tant des deux côtés de la frontière de Gaza…
« Et nous danserons encore » vient ainsi mettre des visages humains derrière les images de ce drame qui ne l’étaient malheureusement pas.
Lisez également « Apeirogon » de Colum McCann, qui s’inspire d’une amitié réelle entre deux pères endeuillés et partisans de la paix, l’un palestinien, l’autre israélien, afin de mettre le doigt sur les multiples facettes du conflit israélo-palestinien.
Et nous danserons encore, Sébastien Spitzer, Albin Michel, 256 p., 19,90€
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