Point de vue du gÉnÉral cann sur l’afghanistan

Par Francois155

Je me dois de conseiller, à ceux qui n’en auraient pas encore pris connaissance, la lecture de l’analyse du Général François Cann, président de l’amicale des anciens du « 8 » et du « 7 », relative à l’accrochage meurtrier du 18 aout dernier en Afghanistan. Le général Cann, vétéran de l’Algérie et du Liban, est l’un de ces « anciens » dont la parole est précieuse. Le fait qu’il tape du poing sur la table doit donc nous alerter et l’examen attentif de ses arguments s’impose.

Pour résumer (très) rapidement son propos, signalons qu’il désigne l’organisation Al Quaïda comme l’ennemi d’une guerre de type contre-insurrectionnel ayant pour théâtre principal l’Afghanistan avec, comme base arrière, le Pakistan. Le fait qu’il évite soigneusement la sotte expression de « guerre contre le terrorisme » pour désigner nommément l’adversaire nous renseigne, si besoin était, sur la qualité de sa réflexion et de son expérience. Car, rappelons-le une fois de plus, on fait la guerre à un ennemi, à sa volonté de combattre, et non simplement à sa manière de combattre. Le terrorisme n’est qu’un procédé parmi d’autres qu’emploie l’adversaire dans la bataille des volontés. Si la martiale « guerre contre le terrorisme » peut faire recette sur les tréteaux ou les fenestrons, elle ne doit pas abuser ceux qui veulent regarder la réalité en face.

Sur le plan tactique, il en appelle fort justement aux expériences françaises d’Indochine et, plus encore, d’Algérie. Là encore, son raisonnement est sage et sonne juste, d’autant plus que, sur les enseignements passés, le général Cann sait faire preuve de modestie : il ne s’agit pas « tellement de suggérer ce qu’il faudrait faire mais de rappeler ce qu’il ne faut surtout pas refaire ». L’importance du renseignement, en particulier dans la gamme intermédiaire (forces spéciales, moyens aériens), est rappelée à propos.

Alors, bien sur, et comme tout propos bien senti, ce texte pourra agacer, pour de bonnes et de moins bonnes raisons. La dénonciation de ce qu’il nomme « l’inquisition médiatique » l’amène, par exemple, à écrire des lignes fort rudes à l’encontre de journalistes, « spécialistes autoproclamés ». Certaines paroles du Président de la République, considérées comme inutilement culpabilisantes pour les officiers, sont aussi soulignées. Dans un autre registre, le rappel des enseignements de l’Algérie pourra faire se crisper quelques mâchoires : pour certains, ce conflit demeure une collection d’effroyables crimes de guerre, et le citer sans critiques définitives vous expose aux pires soupçons…

Mais fâcher quelques personnalités médiatiques au poil un peu trop chatouilleux est de peu d’importance pour quelqu’un de l’envergure de François Cann. Il ne faudrait pas, en revanche, que nos jeunes officiers se cabrent à l’idée de recevoir des conseils de la part des anciens. La transmission des expériences, en particulier dans le domaine de la lutte contre-insurrectionnelle, est l’un des héritages précieux que possède notre armée. Il serait dommage qu’un tel savoir se perde à cause d’un manque de communication entre les générations.

Sur le fond du texte, on pourra émettre deux remarques sur des sujets que le président de l’amicale du « 8 » et du « 7 » n’aborde pas : l’une sur l’ennemi, l’autre sur les alliés.

- L’adversaire est donc désignée comme étant Al Quaïda, un groupe uni par une idéologie transnationale d’inspiration islamiste radicale qui s’est incrusté dans les montagnes afghanes. Fort bien. Dans ce cas, et en particulier avec le soutien du sanctuaire des zones tribales pakistanaises, la situation est déjà grave. Si, comme on peut le craindre, la guerre prend une dimension « libération nationale » avec, par exemple, une ethnie majoritaire (les pashtounes…) qui prendrait activement les armes contre la coalition, il sera alors très difficile de stabiliser la situation. Vaincre dans une guerre révolutionnaire est possible même si couteux et délicat ; si, de surcroit, une aspiration nationaliste se greffe à l’insurrection politique, la tâche, déjà ardue, se complique infiniment…

- Et puis, n’oublions pas que la France n’est pas seule dans cette lutte : les militaires tricolores ne peuvent, malgré tous leurs efforts, consolider leurs positions favorables si les initiatives de certains alliés contrecarre les actions vertueuses qu’ils pourraient entreprendre. Car il y a deux forces qui se superposent étrangement au pays de l’insolence et ne suivent pas toujours, dans les faits, les mêmes objectifs : l’ISAF et « Enduring freedom ». Cela n’est pas sans poser des problèmes évidents : une guerre contre-insurrectionnelle doit être menée fermement et selon une stratégie qui se déroule sans à-coups. Pour ne prendre qu’un exemple concret, des villageois amicaux l’après-midi avec les Français, mais qui reçoivent nuitamment la visite massacrante et pas toujours très précise de bombardiers US, se montreront brusquement moins coopératifs.

N’oublions pas la célèbre formule d’un Ferdinand Foch désabusé : « Depuis que j’ai commandé une coalition, j’ai beaucoup moins d’admiration pour Napoléon ».

Mais ce ne sont là que quelques remarques. Lisez ce texte et faites-vous votre propre opinion.

LIEN VERS L’ANALYSE DU GÉNÉRAL FRANCOIS CANN.