Avant de nous régaler d’un bonbon coloré translucide nous ne pouvions pas zapper les discours (quoique j’ai vu quelques malins qui se sont faufilés une heure trente après le début de la soirée). Il est vrai que les pouvoirs publics sont de précieux partenaires de l’Espace cirque et ils tiennent à ce que ça se sache et ne s’oublie pas.
Certains ont d’ailleurs les mots justes pour retracer l’histoire de ce pôle national, un des 14 existants dans notre pays et le seul en Ile-de-France. Leurs mots sont choisis pour signifier le vide et le fragile inhérents aux arts du cirque, témoignant combien l’acte du circassien est courageux et éminemment politique.
D’autres répètent, peu ou prou, les mêmes arguments. Tous s’accordent pour conclure combien avoir accueilli 84 chapiteaux différents proposant 695 spectacles ayant touché 210 000 spectateurs, enfants et adultes, sur 20 ans est une prouesse, preuve indéniable aussi de la capacité du cirque à parler à tous en remplissant un rôle crucial sur le plan de l’éducation artistique sur tout le territoire en multipliant (aussi) les interventions dans les écoles, les foyers, les Ehpad.
Antony est devenu au fil de ces années un pôle d’excellence et de référence majeure dans le domaine du cirque contemporain. Ce bilan est le résultat du soutien sans faille des institutions, combiné au dévouement des équipes et à l’énergie du binôme qui en assure la direction : Delphine Lagrandeur et Marc Jeancourt.
L’endroit est un lieu où se confirment les talents mais aussi où s’en découvrent de nouveaux. Il agit comme une rampe de lancement, sur laquelle se conjuguent la création, le dialogue, l’innovation, l’aventure et l’extraordinaire dans le domaine du cirque contemporain, mais pas exclusivement, en tout cas toujours loin du stéréotype d’un cirque figé dans le passé.
La culture du cirque ne se résume pas au divertissement. Elle incarne autant l’exigence que la liberté, avec une rigueur exemplaire dans la générosité du partage. Le pari audacieux d’un lieu unique est gagné : il occupe aujourd’hui une place incontestable, reconnue au niveau national.
Confier la mise en scène de la soirée d’anniversaire à Danny & Pepijn Ronaldo était donc amplement légitime puisqu’ils furent parmi les tout premiers à se produire à Antony. Il était impossible de faire venir les 84 compagnies qui y résidèrent mais près d’une quinzaine furent de la partie, enchaînant leurs numéros sur la piste « élisabéthaine » du Circus Ronaldo, un peu à la manière de la rétrospective de Da Capo, à ceci près que les performances étaient parfois des extraits de numéros en cours d’élaboration.
Si le public des plus-que-fidèles reconnaissait chaque artiste au premier coup d’œil et aurait pu en donner les titres des spectacles qui les avaient réjouis, d’autres ont vite été dépassés et n’ont pas compris le pourquoi du comment des enchaînements qui faisaient référence au passé.
Que le clown qui déversa le contenu foutraque de sa brouette était Bonaventure Gacon de la compagnie du Cirque Trottola dont beaucoup se souviennent du magnifique Campana (2021). Une de ses spécialités est la pyramide humaine et ce soir il la constitua avec sa complice Titoune.
Que les marionnettes humaines qui troublèrent l’ordre à de multiples reprises étaient celles que conçoivent les frères Petr et Matej Forman, fils jumeaux du réalisateur Milos Forman, spécialistes reconnus dans cette forme de théâtre et qui étaient venus en 2010 avec Obludarium.L’artiste flamande qui combine l’art clownesque et le fil de fer s’appelle Sien Van Acker et créé elle-même ses propres costumes dont elle se dépouille à la manière des transformistes. On pourrait dire d’elle qu’elle est un clown de la future génération.
Marlène Rubinelli-Giordano de la Cie L'MRG'ée, que l’on avait applaudie dans Un dernier pour la route avec le Collectif AOC en 2015 surpris avec un extrait de Ma maison. La musique du Circus Rolando revint pour chatouiller nos oreilles. Enfin Pauline nous éblouit en marchant littéralement dans les airs. Nous ne manquerons pas la création de son prochain spectacle.