C'est donc un long-métrage basé sur un fait divers survenu le 11 février 2005 où un couple (interprété par Liv Lyler et Scott Speedman) se fait suivre par un trio d'adultes masqués qui les terrorisent dans leur maison isolée. La comparaison avec Funny Games est totalement légitime puisque les deux films se ressemblent énormémement, il y a quelques divergences dans la structure et le propos est relativement absent dans The Strangers alors qu'il occupe un rôle omniprésent dans le remake de Michael Haneke dont vous pouvez lire la critique ICI.
La principale différence entre les deux films c'est que Funny Games est un film "vocal" au contraire de The Strangers qui reste extrêmement visuel. Bryan Bertino fait avec ce film ses premiers pas dans le domaine cinématographique en tant qu'auteur et réalisateur. Autant dire que les répliques sont reléguées au second plan pour laisser place à une dimension visuelle très intéressante : le point fort du film reste sa réalisation et le travail fait de ce côté est quasi remarquable et arrive à rendre l'heure et demie regardable et à faire oublier les faiblesses scénaristiques (répétition, ton monotone et baisse d'adrénaline dès le troisième quart d'heure)
Et c'est également ça qui paraît le plus abouti dans la BA. Les plans-séquence ne sont pas très nombreux mais la plupart des plans sont extrêmement bien vus. Tout l'aspect visuel de The Strangers est donc impeccable : les dialogues sont limités (mais pas aussi virulents que ceux de Funny Games certes), les expressions faciales des acteurs rendent le film facilement lisible et profond. La comparaison avec FG peut aller encore plus loin : là où on voit constamment les têtes des psychopates dans Funny Games (interprétés par Michael Pitt et Brady Corbet) puisque le film se base sur eux car c'est leurs répliques qui engendrent la controverse se dégageant du film, rien de tout ça dans The Strangers puisque les coupables sont masqués et ça pose pas mal de questions : est-ce l'acte criminel ou le coupable qui compte ? Si on se met dans la peaux des personnages de Liv Tyler et Scott Speedman (donc les vrais noms Kristen McKay et James Hoyt) qui étaient innocents, devons-nous se demander : qui nous fait ça ou pourquoi nous font-ils ça ? Bref, on peut aller encore loin et ces détails là sont intéressants.
Et pour revenir à la comparaison avec Funny Games, le sadisme qui se dégage du film se transmet à travers les répliques alors que le caractère sadique de The Strangers se transmet à travers l'image et les sourires se trouvant sur le masque d'une des trois tortionnaires (si mes souvenirs sont bons) : quelle que soit l'expression faciale du meurtrier, la provocation est réelle, et graphique.
Donc tous les détails se raccrochant à la réalisation du film sont très intéressants, apportent une certaine réflexion peut-être non intentionnelle mais arrivent à rattraper le vide causé par l'écriture.
Et là où Bertino réussit l'exercice d'offrir une réalisation fouillée, le film est assez long (pas par sa durée, soit 1h25 mais par son traitement) et laborieux. Autant on nous met dans le truc dès le départ avec une ébauche plutôt réussie et intéressante, autant le milieu du film devient trop répétitif. On nous offre quelques sursauts (encore une fois grâce à la bonne réalisation -- les masques apparant soudainement en arrière plan) l'adrénaline est là au début mais au bout d'un moment, on s'ennuie parce que le développement du film est trop linéaire. La torture psychologique et physique ne redouble d'intensité "que" vers la fin.
Le traitement du film n'est pas complètement loupé, disons que c'est correct à un quart d'heure près (quand Liv Tyler tourne à l'extérieur de la maison, passage assez peu prenant). Le gros problème que j'ai attribué à Funny Games c'est ses personnages. C'est un exercice plutôt délicat de rendre les victimes humaines ou peu superficielles dans un cadre scénaristique aussi peu fermé que celui-ci mais Bryan Bertino l'a dit, son film s'intéresse aux victimes et non aux coupables (soit le contraire de Funny Games) Mais le problème persiste (qui est néanmoins beaucoup moins pesant que dans le film de Michael Haneke) : les personnages nous ne sont pas familiers et sont seulement présents pour créer la profondeur du film. Les personnages nous sont inconnus donc le développement est beaucoup moins prenant. On est trop détaché.
Mais comme je l'ai dit, c'est moins pesant que chez Funny Games. Il y a cette furieuse impression d'avoir loupé une étape où l'on présente les personnages dans un cadre beaucoup plus routinier pour qu'on puisse s'identifier (soit la première demi-heure de Disturbia (Paranoiak, DJ Caruso (2007)))
Il reste néanmoins des répliques qui sont bien amenées mais l'effet coup de poing était bien plus fort sur Funny Games.
Liv Tyler et Scott Speedman sont plutôt bons dans leurs rôles. C'est assez difficile de juger la prestation quand l'écriture manque de profondeur mais bon.
Bref, Bryan Bertino réussit son premier long métrage sur les grands écrans avec un film qui marque surtout par son sens du détail sur la réalisation (qui manque beaucoup sur l'écriture néanmoins). Un parallèle avec Funny Games de Michael Haneke qui permet de tomber sur plusieurs divergences de choix entre les deux réalisateurs, ce qui est assez intéressant.