La marge brute représente un indicateur financier fondamental pour évaluer la performance des entreprises cotées en bourse, tant en France qu'en Suisse. Son analyse permet aux investisseurs de mieux comprendre la capacité d'une société à générer des profits. Cet article explore les différents aspects de la marge brute et son importance pour prédire la performance des actions sur le marché français et suisse.
La marge brute : définition et importance en bourse
La marge brute représente la différence entre le chiffre d'affaires et les coûts associés à la production et à la vente de ses biens et services. Ce résultat est divisé par le chiffre d'affaires pour obtenir un pourcentage. La marge brute reflète l'efficacité opérationnelle d'une entreprise et sa capacité à générer de la valeur à partir de son activité. Une marge brute élevée indique généralement une forte capacité à absorber les coûts fixes et à générer du profit, tandis qu'une marge faible peut signaler des difficultés structurelles ou une forte pression concurrentielle.
L'évolution de la marge brute dans le temps constitue un indicateur clé pour analyser la santé financière et la performance globale d'une entreprise. Elle offre une perspective claire sur la manière dont l'entreprise s'adapte aux évolutions du marché et aux besoins des consommateurs, tout en soulignant sa capacité à maintenir une profitabilité saine sur le long terme.
Une augmentation progressive de la marge brute peut venir d'une meilleure gestion des coûts de production ou une optimisation des prix de vente. Cela pourrait inciter une entreprise à investir davantage dans la recherche et le développement ou à lancer de nouveaux produits, renforçant ainsi sa position sur le marché. À l'inverse, une diminution pourrait traduire des difficultés liées à la concurrence, à des coûts de matières premières en hausse ou à des changements dans la demande du marché.
Comparaison des marges brutes : France vs Suisse
Les entreprises suisses affichent généralement des marges brutes supérieures à leurs homologues françaises, notamment dans les secteurs du luxe, de la pharmacie et des services financiers. Cette différence s'explique par plusieurs facteurs, dont le positionnement haut de gamme des entreprises suisses, leur spécialisation dans des niches à forte valeur ajoutée et leur efficacité opérationnelle. L'environnement fiscal et réglementaire plus favorable en Suisse contribue également à ces écarts de performance.
Les marges plus avantageuses des entreprises suisses par rapport à celles de leurs homologues françaises se reflètent directement dans le cours de leurs actions, comme nous le démontrerons par la suite.
Impact des variations de marge sur le cours boursier
Les variations de marge brute ont généralement un impact direct sur les cours boursiers, particulièrement lors des publications de résultats. Une amélioration de la marge est souvent perçue positivement par les marchés, car elle suggère une meilleure efficacité opérationnelle et des perspectives de croissance des bénéfices. À l'inverse, une détérioration de la marge peut entraîner des corrections significatives du cours de l'action, les investisseurs anticipant une baisse de la rentabilité future. La sensibilité des cours aux variations de marge dépend également du secteur d'activité et du contexte économique global.
Comme nous le constaterons par la suite, c'est surtout l'évolution de la marge brute, bien plus que son niveau absolu, qui impacte la performance boursière d'une entreprise.
Secteurs d'activité et leurs marges caractéristiques
Chaque secteur d'activité présente des niveaux de marge brute caractéristiques, reflétant ses spécificités opérationnelles et concurrentielles. Les secteurs technologiques et pharmaceutiques affichent traditionnellement des marges brutes élevées, en raison de leurs investissements en R&D et de leur propriété intellectuelle. Le secteur de la distribution présente généralement des marges plus faibles, du fait d'une forte concurrence et de coûts logistiques importants. L'industrie lourde et la construction se situent dans une fourchette intermédiaire, avec des marges variant selon la complexité des projets et la valeur ajoutée.
Lorsqu'il s'agit de comparer les marges des entreprises, il est dès lors essentiel de le faire au sein des mêmes industries.
Backtest
Pour évaluer l'efficacité de ce ratio sur les marchés suisse et français, j'ai réalisé un test rétroactif s'étendant de 2004 à 2024. Les actions ont été classées en fonction de leur marge brute, allant de la plus faible à la plus élevée, puis réparties en quintiles. J'ai utilisé les données de marge brute du semestre le plus récent, car les résultats sont légèrement meilleurs qu'en retenant les marges des douze mois précédents. Le processus a été reconduit chaque année au cours de la période d'observation, permettant une analyse approfondie de la performance de chaque quintile.
J'ai également analysé la croissance de la marge brute en la classant par quintiles, allant de la plus faible à la plus élevée. Pour ce faire, j'ai utilisé la croissance des douze derniers mois par rapport aux douze mois précédents, ce qui a permis d'obtenir les résultats les plus pertinents.
Les résultats ont été ajustés pour prendre en compte les dividendes, les fractions d'actions et d'autres événements corporatifs susceptibles d'influencer la valeur des actions.
Pour les raisons expliquées ci-dessus, la marge brute et la croissance de la marge brute sont utilisées en comparaison avec les pairs au sein des industries. Par curiosité, j'ai également effectué un test rétroactif par rapport au marché global, mais les résultats n'étaient pas au rendez-vous. Je ne les publierai donc pas ici.
Résultats du backtest
- Marge brute, meilleur quintile CH : 10.76% (marché 8.36%)
- Marge brute, meilleur quintile F : 4.38% (marché 3.06%)
- Croissance de marge brute, meilleur quintile CH : 13.40% (marché 8.36%)
- Croissance de marge brute, meilleur quintile F : 5.52% (marché 3.06%)
Enseignements du backtest
- La marge brute et la croissance de la marge brute fonctionnent sur les deux marchés analysés. Quel que soit le pays et l'indicateur choisi, les actions les mieux classées battent le marché.
- La marge brute et la croissance de la marge brute fonctionnent mieux sur le marché suisse qu'en France. On avait déjà remarqué ce phénomène avec les autres ratios étudiés.
- La croissance de la marge brute fonctionne mieux que la marge brute (à noter que la combinaison des deux ne donne pas de bons résultats). La croissance de la marge brute constitue d'ailleurs le ratio unique le plus performant que nous avons étudié jusqu'ici en Suisse (13.4% par an pour le meilleur quintile). En France c'est toujours le rendement en dividendes au sein des industries qui fonctionne le mieux avec 7%/an.
J'ai backtesté ces ratios également en fonction de la capitalisation des entreprises. Malheureusement les résultats ne sont pas concluants, à une exception près : la marge brute des small et micro caps helvétiques, qui offre un très léger avantage (11.15% pour le meilleur quintile).
Conclusion
La marge brute reste un indicateur crucial pour mesurer la performance des entreprises cotées sur les marchés français et suisse. Toutefois, c'est avant tout sa croissance qui influence de manière significative l'évolution des cours boursiers. La marge brute est un ratio pertinent pour évaluer la qualité d'une entreprise. Il serait judicieux de l'associer à d'autres indicateurs qualitatifs ou de valorisation, comme nous l'avons exploré dans les articles précédents de cette série. Nous aborderons ce sujet dans l'un de nos prochains posts.