Objets manufacturés détournés de leur utilisation première.
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Le carquois
Un carquois hyperbolique
Jeune homme avec un arc et un grand carquois et un ami avec un bouclier, Tiepolo, 1730-50, Rijksmuseum
On ne sait rien sur cette toile : ni son sujet (le titre traditionnel, Télémaque et Mentor, est désormais abandonné), ni si elle se suffit à elle-même ou faisait partie d’un ensemble plus vaste : toutes les spéculations sont donc permises. Cependant, les commentateurs n’ont pas été frappés par la disporportion flagrante entre le carquois et le petit arc à moitié caché.
Tandis que son ami relève discrètement son manteau à l’abri du bouclier, le jeune homme placé à l’avant pourrait être du côté de ceux qui ne tirent pas les flèches, mais les accumulent. Le croisement des deux troncs au dessus – l’un souple et l’autre rigide – semble appuyer cette lecture.
Un carquois métaphorique
Le carquois épuisé
Gravure de Nicolas Delaunay apres Baudoin, 1775, MET
La jeune femme se refait une beauté d’un oeil critique, tandis que le jeune homme la regarde d’un air flapi.
Cet échange muet se poursuit, au delà, par des objets symboliques qui expliquent la situation : le pinceau minscule dans les doigts de la belle, le pubis infantile de Cupidon, le carquois vide et les bougies éteintes.
Des carquois humoristiques
Amor Imperator, 1887, Museum Villa Stuck Cupidon au bal masqué, collection particulière
Franz von Stuck
Dans ces deux oeuvres souriantes, le carquois est utilisé comme une sorte d’étui pénien disproportionné.
Dans la première, Cupidon emprunte les attributs d’un empereur germanique : arc à la place du sceptre dans la main droite, boule du monde dans la main gauche. Le symbole habituel de la croix plantée sur un double mont est remplacé par un coeur planté sur une croupe.
Dans la seconde, Cupidon déploie deux objets érectiles – l’aile et l’éventail – tout en faisant avec sa flèche le signe du silence.
La colonne
Une inutile leçon de morale L’examen du docteur
Godefridus Schalcken, 1680-85, Mauritshuis La Haye
« La femme, armée d’un gros livre de bonnes manières… lève le doigt pour souligner la leçon, mais la jeune fille ne lui prête aucune attention. Au lieu de cela, elle regarde intensément le spectateur, tout en posant sa main sur un précieux coffret en imitation de laque. Dans le coffret se trouve un petit oiseau aussi bleu que sa robe . Bien qu’elle n’ait soulevé que légèrement le couvercle, l’oiseau – symbole de sa virginité volatile – est sur le point de s’envoler ». Jasper Hillegers ([17], p 135)
Sur ce thème, voir L’oiseau envolé.
La Grande Bacchanale (détail), Gérard de Lairesse, vers 1675
Si Schalcken censure le détail classique que Gérard de Lairesse n’avait pas craint de montrer, c’est pour le reproduire, en énorme, sous la forme de la colonne.
Dans le pendant, on retrouve la même jolie jeune femme, en pleurs.
« La raison de sa détresse va sans dire, mais elle nous est révélée d’une manière tout à fait peu conventionnelle. Un charlatan tout à fait ridicule, à en juger par sa tenue étrange et son apparence désuète, brandit un urinoir contenant « l’eau » de la jeune femme. Au XVIIe siècle, cette pratique de « regarder l’urine » était une méthode depuis longtemps dépassée, considérée à juste titre comme absurde. Et pourtant, le charlatan est capable d’identifier le problème de cette manière aberrante : Il détecte un bébé qui nage dans la fiole. »
On remarquera d’autres symboles fortement connotés :
- le jeune garçon qui fait le geste obscène de la figue (voir – Faire la figue) ;
- le clystère posé sur la table ;
- le panier tenu au bout d’un fil par le médicastre, et dont le couvercle bée élégamment.
Sur la composition, voir Les pendants de Schalcken .
Une allégorie de Fragonard (SCOOP !)
Rêverie
Fragonard, 1790, Frick collection, New York
Cette toile a été réalisée à Grasse à l’intention d’Alexandre Maubert, le cousin de Fragonard, pour compléter les quatre tableaux de la série Les Progrès de l’Amour, peints en 1771-72 pour Madame Du Barry et finalement refusés par elle.
Le programme iconographique de la série initiale, s’il y en a un – est sujet à discussions, et il est improbable que ce tableau réalisé vingt ans plus tard s’y insère. Le caractère familial de la commande rend possible une intention érotique, qui n’a été timidement envisagée que par de rares historiens d’art [38].
Le premier point à élucider est celui du garçonnet ailé perché sur le globe du cadran solaire. Personne a ma connaissance n’y a reconnu Zéphyr, pourtant bien caractérisé par ses ailes de papillon.
Gravure de Claude I Duflos d’après Antoine Coypel, 1675-1721 Francois Gaspard Adam Gruft, 1749, Château de Sanssouci
Zéphyr embrassant Flore
Si Zéphyr est le plus souvent représenté adolescent, il peut être parfois considérablement rajeuni, par analogie avec Cupidon. Spécialisé dans l’enlèvement des jeunes vierges, il est en général accompagné par une cavalière :
- soit la nymphe Flore, qu’il embrasse, épouse, et transforme en déesse des fleurs ( Ovide, Fastes, V) ;
- soit Psyché, qu’il transporte, depuis le rocher escarpé où elle attend la venue d’un mari terrible, au palais où ce Dieu se révélera être l’Amour (Apulée, L’Ane d’or, IV, 35, 4).
Ce second thème, prétexte à des envolées de nudités synchronisées, se développera surtout au XIXème siècle. Fragonard l’évoque de manière allusive, suggérant une première interprétation de la colonne : le rocher sur lequel la vierge Psyché a été laissée seule :
« Qu’en ses plus beaux atours la vierge abandonné
Attende sur un roc un funèbre hyménée. »
Le côté humoristique de la composition commence à apparaître dès lors que l’on s’avise que la posture de la jeune fille – assise, une main entre les cuisses et l’autre étendue latéralement – inverse celle du garçonnet. Très précisément, celui-ci étend le bras pour servir d’aiguille au cadran solaire, marquant l’heure de midi.
L’analogie entre les deux mains posées, l’une sur le sexe de la jeune fille, l’autre sur la colonne du garçonnet, invite à reconnaître dans le fût et le globe un organe masculin assez bien caractérisé, à laquelle l’ombre ajoute une précision anatomique bienvenue. Il est malheureux qu’une trouvaille aussi ingénieuse n’ait pas été saluée par l’Histoire de l’Art.
La massue
Spranger, vers 1585, Kusthistorisches Museum Wien Daumier, 1842
Hercule et Omphale
La massue du héros devient d’autant plus phallique que quelqu’un d’autre s’en empare.
Dans la composition très osée de Spranger (voir Pendants avec couple pour Rodolphe II), elle ridiculise par sa taille le minuscule fuseau qui remplace le sexe d’Hercule, comme le suggère le fil qui passe devant.
Dans la caricature de Daumier, c’est un Cupidon malingre qui transporte la massue, en tirant le héros par le bout du nez vers une Omphale tout aussi décharnée. L’image va plus loin que la légende, en suggérant un retournement de situation inattendu : les deux index croisés d’Hercule font le geste aujourd’hui oublié du « Je t’en ratisse » (voir Surprises et sous-entendus) qui signifie peu ou prou « va te faire voir ». Il semble que cet Alcide musculeux n’est pas tout à fait disposé à se faire enchaîner par ces squelettes.
La torche
Cupidon découvre Psyché dans son lit
Gravure de Jan Harmensz Muller d’après un modèle de Spranger, 1600-10
Jalouse de la beauté de Psyché, Vénus lui envoie son fils Cupidon, pour qu’il la venge de cette concurrence insupportable :
« Aussitôt elle appelle son fils, ce garnement ailé qui ne respecte ni morale, ni police, qui se glisse chez les gens comme un voleur de nuit, avec ses traits et son flambeau, cherchant partout des ménages à troubler, du mal à faire, et ne s’avisant jamais du bien… Elle gémit, elle pleure de rage : Mon fils, dit-elle, je t’en conjure, au nom de ma tendresse, par les douces blessures que tu fais, par cette flamme pénétrante dont tu consumes les cœurs, venge ta mère; mais venge-la pleinement, que cette audacieuse beauté soit punie. C’est la grâce que je te demande et qu’il faut m’accorder : avant tout, qu’elle s’enflamme d’une passion sans frein pour quelque être de rebut ; un misérable qui n’ait honneur, santé, feu ni lieu, et que la fatalité ravale au dernier degré d’abjection possible sur la terre. » Apulée, L’Ane d’Or, IV, 28, 4
Bien sûr c’est l’inverse qui se produit : devant la beauté de Psyché endormie, c’est Cupidon qui tombe amoureux d’elle : on lui détache son carquois, il laisse tomber son arc, et un écoulement éteint la torche mauvaise qui aurait dû embraser sa victime d’un amour abject. Cette image de la torche inondée par une urne béante est évidemment un motif pornographique, que la légende essaye de justifier comme l’extinction du feu vengeur par le feu gratifiant du désir :
Le fils venu venger l’honneur volé à sa mère
est blessé par ses propres flèches.
Dès qu’il voit Psyché, immédiatement blessé, il brûle d’amour pour elle,
et le châtiment préparé s’est transformé en désir.
Il n’en peut mais : il se lie à elle par le nœud conjugal,
et elle vécut ensuite auprès de Vénus qui l’accueillit comme sa bru.
Bienheureuse est Psyché que, plus divin encore ,
Cupidon , éternellement présent , réchauffe de son feu et de sa couche. [39]
Qui venit ulturus praereptos Matris honores,
Filius en iaculis laeditur ipse suis.
Ut Psychen vidit, visam mox saucius ardet,
Versaq[ue] in affectum poena parata fuit.
Nec modus: hanc nexu sociat sibi deinde iugali,
Quae viuit Veneri post quoq[ue] grata nurus.
At felix Psyche est, quam sanctior ille Cupido
Vsq[ue] suo praesens igne thoroq[ue] fouet.
A noter le morceau de bravoure maniériste que constitue le dialogue entre les deux mains de l‘amoretto : la visible, crispée sur l’anse, et l‘invisible sous le rideau, qui fait le V de la Victoire.
Cupidon volant avec sa torche
Greuze (attr), The Wallace Collection
Au XVIIIème siècle, la torche fumante est couramment associée avec une couronne de fleurs, censée ceindre le front de l’être élu, mais qui image aussi une évidente complémentarité anatomique.
Vénus entourée d’une ronde d’amours
Jean-Frédéric Schall, vers 1785 collection pariculière
Le siècle avançant, couronnes et torches prolifèrent et deviennent plus audacieuses : on notera ici la coopération entre un amour qui tire le voile et un autre qui tente d’éclairer l’endroit secret, tandis qu’un troisième s’est couché sur le sol pour bien voir.
Cupidon comme « Link Boy », Albright-Knox Art Gallery, Buffalo Mercure comme coupe-bourse, Faringdon Collection Trust.
Sir Joshua Reynolds, vers 1774
Dans ce pendant grinçant, Reynolds a représenté deux dieux de l’Antiquité comme des gamins des rues, avec les connotations associées à la prostitution homosexuelle juvénile.
Cupidon a des ailes de chauve-souris, brandit une torche et esquisse, de la main enserrant l’avant-bras, un geste obscène popularisé par quelques oeuvres hollandaises (voir plus loin). Les « link boys » [40] étaient des gamins à la réputation douteuse, qui pour un farthing éclairaient le chemin des piétons jusqu’à leur porte.
Mercure, dieu des voleurs, est représenté en pickpocket, tenant à la main une « bourse d »avare » dont les deux extrémités pesantes, autour d’une fente centrale, forment le complément anatomique parfait du brandon de Cupidon. Sa main dans le dos et son air soucieux sous-entendent qu’il lui sert de partenaire passif.
Les instruments de musique
Priape et Lotis (détail du Festin des Dieux)
Giovanni Bellini et Titien, 1514
Lotis pendant ce temps était plongée dans un sommeil profond.
Priape s’en réjouit, retira le voile qui lui couvrait les pieds,
et déjà il était sur la voie de réaliser ses voeux.
Voici que l’âne, la monture de Silène, se met à braire
d’une voix rauque, émettant des sons malvenus.
La nymphe se redresse effrayée ; des mains, elle repousse Priape
et, en fuyant, elle ameute tout le bois. Mais le dieu,
qui physiquement n’était que trop prêt à son acte indécent,
fut la risée de tous, sous l’éclat lumineux de la lune.Ovide, Fastes, I, 430
Le tableau montre l’instant juste avant le braiement. L’excitation de Priape est évoquée par les plis de sa robe, et matérialisée en dessous par le manche de la viole.
Deux allégories opaques de Van Hemessen
Allégorie de la Nature en nourrice des Arts
Jan van Hemessen, 1540-57, Rijksmuseum, Amsterdam
Ce sujet bizarre a été diversement interprété. On y a vu :
- un pastiche à partir de deux allégories italiennes tout aussi énigmatiques [41],
- Apollon avec une Muse ou une nymphe [42],
- un tableau de mariage représentant le gendre de Hemessen Chrétien de Morien (qui était organiste) et sa fille Catharina van Hemessen (qui était peintre)
L’interprétation allégorique (les Arts nourris par la Nature) est celle qui explique le plus de détails :
- l’opposition entre les deux éléments du paysage : la maison forte au bord de l’eau (côté Arts) et la grotte dans laquelle le berger abrite ses brebis (côté Nature) ;
- les allusions à Apollon :
- dans la chevelure rayonnante du musicien,
- dans la viole qui modernise la cithare
- dans l’idée d’allaiter l’instrument plutôt que l’artiste : on sait que les dons d’Apollon étaient attribués au fait qu’enfant, il n’avait pas été nourri de lait.
S’agissant de fécondité, un double-sens plus osé n’est pas à exclure : tandis que le berger plante verticalement sa houlette devant ses brebis nourricières, le musicien tient son archet à plat et le manche retourné vers lui, dans l’incapacité de jouer. Tout autant que l’inspiration, c’est la vitalité qui lui manque. Et le lait revigorant de la Muse, gaspillé vainement sur l’instrument, est peut être l’emblème de l’inanité des fantasmes solitaires.
Allégorie de l’Amour et de la Musique
Jan van Hemessen (attr), collection privée
Cette allégorie tout aussi opaque est plus clairement sous le ligne de l’Amour, comme le montre le tableau avec Vénus et Mars suspendu au baldaquin. Cette musicienne, l’air aussi consterné que les protagonistes de l’allégorie précédente, repose son luth sur la table, après l’avoir extrait de l’étui ouvert au pied du lit. Juste à côté, un autre étui ouvert contient trois flûtes partiellement sorties, la quatrième étant posée sur le tabouret. Sous la table on remarque un troisième étui d’où sortent de nombreux tubes. Le tabouret comme le pied du lit sont sculptés de figures exclusivement féminines, torse nu.
Une clé d’interprétation se trouve peut être dans le « tableau dans le tableau ». Notre Vénus solitaire tend sa main gauche à son petit compagnon à quatre pattes, à défaut de la tendre à Cupidon en vol ; et elle tient de l’autre main le manche du luth, faute de la poser sur la cuisse de Mars. Tout comme dans l’allégorie précédente, la tableau représente le fantasme de la musicienne esseulée, au centre d’un monde féminin peuplé de contenants séparés de leur contenu.
Nicolo l’aveugle de Pistoia
Gravure de Vilamena, 1597
Incapable de se satisfaire tout seul, le flûtiste recourt aux services de la vieille, comme le précise à mot couvert la légende :
La vieille souffle, n’ayant pas appris l’art d’agiter,
Et de la main et des doigts l’aveugle en tire des hymnes.
Ce que la vieille ne peut faire, celui qui est privé de lumière le peut.
Ce qu’ils ne peuvent pas faire séparément, ils se le rendent simultanément.
Inflat anus, pulsandi artem non docta, manuque,
Et digitis caeci exilit inde melos.
Non quod anus potest, hoc praestat lumine captus,
Quod nequeunt seorsum, reddit uterque simul.
L’auteur joue habilement sur la paronymie entre mellos (les hymnes) et mel (le miel).
Beter met de uil gezeten dan met de valk gevlogen
Gravure anonyme, Rijksmuseum
Le couple sera repris en Hollande, au sein d’un composition plus large, pour illustrer le proverbe : mieux vaut être assis avec la chouette que de voler avec le faucon.
A l’arrière-plan, Icare tombant du ciel et un homme chassé du bordel « Au faucon », à grand renfort de balais et de pot de chambre, illustrent les mésaventures de qui ne se contente pas des plaisirs simples.
Homme tenant un portrait miniature
Theodor Matham, d’après un dessin de Hendrick ter Brugghen, 1621-76
En regard de la crudité du geste de la main enserrant l’avant-bras [43], les légendes des deux versions sont parfaitement anodines :
« Quelqu’un a-t-il déjà vu une déesse des champs aussi belle
que la nymphe de ce tableau, que j’adore ?
Comme seul je puis possesseur
De ce pourtraict de ma Maistresse,
Ainsi je suis de son coeur,
Puisque seul Elle me caresse:
Tu le peus bien voir comme moy
Du reste ce n’est pas pour toy.
A peine la mention « Tu le peus bien voir comme moy » invite-t-elle le spectateur à un regard attentif.
Le joyeux violoniste
Gerard van Honthorst, 1624, collection particulière
Honthorst a exploité le même geste de serrage, auquel fait écho le manche de l’instrument coincé sous l’aisselle du violoniste.
Les trois musiciens, 1633-72, gravure de Willem Basse, d’après Adriaen Brouwer, Rijksmuseum
Au coin du feu, le premier chante, le second gratte son violon et, au dessus de sa braguette ouverte, le troisième actionne sa flûte : laquelle forme, avec l’archet et le manche positionnés aux bons endroits, une enfilade d’instruments probablement volontaire.
Un garçon et une fille jouant de la musique à la lueur d’une bougie
Molenaer, vers 1660, collection particulière
Deux adolescents sont descendus à la cave pour faire tranquillement de la musique. Certains commentateurs soutiennent que la composition aurait servi, sur un mode plaisant, à inciter à veiller sur la virginité des jeunes fille – voir la cruche au col brisé, en bas à gauche. Mais faire d’une intention morale le moteur principal du tableau serait un contresens à peu près aussi complet que de voir, dans le sourire des pinups, une exhortation à la chasteté des GI : l’intention est bien évidemment libidinale.
Le garçon se vante en portant haut son violon, selon la symbolique habituelle ; la fille se moque de lui en branchant la petite flûte vers le bas. Au centre l’archet, ainsi que le porte-chandelle allongeable, évoquent les mouvements qu’il importe de maîtriser.
Joyeuse compagnie sur une terrasse
Jan Steen, 1674, MET
Steen a peint plusieurs tableaux sur le thème de la fête transgénérationnelle, au sein de laquelle il se met lui-même en scène, ici dans le personnage du buveur assis à gauche. Il est probable que certains de ces personnages sont des membres de sa famille, mais on n’est pas sûr que la belle femme un peu éméchée, au centre, soit sa seconde épouse Maria van Egmond [44].Le pichet au couvercle entrebaillé, à ses pieds, évoque indubitablement sa disponibilité sexuelle.
Du point de vue qui nous occupe, le balle dame se trouve à équidistance de deux objets éloquents :
- la carafe sur le ventre de Steen, vers laquelle elle tend son verre vide,
- la cithare au long manche du jeune homme, sur le genou duquel elle pose le coude en retroussant son tablier.
Steen n’a en somme fait que détourner, dans une veine humoristique, le vieux thème du couple mal assorti : sans doute la jeune femme va-t-elle délaisser le séduisant musicien, pour lui préférer le vieux paillard qui la fait boire.
L’enchanteur
Watteau , 1712-14, Musée des Beaux Arts, Troyes
Pantalone
Giovanni Grevembroch, 18ème siècle, Museo Correr, Venise
Tous les commentateurs ont bien noté que la guitare est plus qu’un simple instrument de musique, d’autant plus qu’elle est tenue à l’envers, pour mieux impressionner les auditrices. Celui qui la manie ainsi porte un costume rouge évoquant le personnage de Pantalone, lequel arbore habituellement une braguette vantarde.
Pour nous prouver que cette belle
Watteau, 1719, Wallace Collection, Londres
La légende de la gravure de Surugue explique la situation et confirme la symbolique, chez Watteau, du manche des instruments à corde :
Pour nous prouver que cette belle
Trouve l’hymen un noeud fort doux,
Le peintre nous la peint fidelle
A suivre le ton d’un Epoux.
Ces enfants qui sont autour d’elle
Sont les fruits de son tendre amour
Dont ce beau joueur de prunelle
Pourroit bien gouter quelque jour.
La chanteuse est donc l’épouse du mandoliniste, fidèle au « noeud fort doux » qui a produit ses beaux enfants. Néanmoins elle ne repousse pas le séducteur qui la presse.
Ces tableaux font chacun partie d’une paire, et doivent être appréciés en fonction du pendant. Voir Les pendants de Watteau.
Le guitariste italien, dit Un oiseleur
Greuze, 1757, Musée national de Varsovie
Grand remployeur de métaphores hollandaises, Greuze ajoute à la symbolique de la cage ouverte et des oiseaux morts (ici des leurres d’oiseleur) celle de la guitare conquérante, que ce Don Juan de campagne enlace et règle avec amour avant de s’en prendre aux oiselles. Il fonctionne en pendant avec La paresseuse italienne. Voir Les pendants de Greuze..
L’outillage du peintre
Autoportrait en Zeuxis
Molenaer, 1632, collection particulière
Dans cette variante du couple mal assorti, le rôle du jeune homme est joué par le peintre lui-même : la vieille lui empoigne l’avant-bras, avec le geste obscène déjà mentionné. Comme le note Jasper Hillegers ([17], p 159) :
« L’analogie osée entre le pinceau, la peinture, les organes génitaux masculins et le sexe était bien connue, et cette insinuation métaphorique était certainement prise comme telle [45] . Plus précisément, la vieille femme rend visite à l’artiste pour qu’en échange de son argent, il fasse son portrait, c’est-à-dire qu’il l’immortalise. Le tableau est avant tout un commentaire satirique sur cette quête stupide, vaine et futile de l’immortalité. Le peintre regarde le spectateur en riant, car ils savent tous deux que tout – même l’art – est transitoire. Les symboles de la Vanité – les instruments de musique sur le mur, et surtout la nature morte sur laquelle le peintre est en train de travailler – en disent long à cet égard. »
Le pouce dressé à la verticale par le trou de la palette est le symbole d’une autre vanité, celle du peintre, dans l’affirmation facétieuse de sa virilité.
Par ailleurs, dans son Schilder-Boeck publié en 1604, Karel van Mander avait rappelé que Zeuxis s’étouffa et mourut d’un fou rire incontrôlable, en peignant d’après nature une vieille femme ridicule. Par cette référence savante, Molenaer se pose flatteusement comme un bon peintre, en plus d’un bon coup.
Salon de 1879, collection particulière Le monde illustré, 22 novembre 1879
Le portrait de la marquise, Frederik Hendrik Kaemmerer
Manipulateur expert du symbolisme du XVIIIème siècle, Kaemmerer invente ici une scène de genre entre une belle marquise et un vieux peintre :
- la tapisserie derrière l’une nous montre ce à quoi elle rêve : chasser à courre ;
- la grisaille au dessus de l’autre nous révéle ce qu’il a en tête : il la voit nue.
Les pinceaux érigés en éventail manifestent un regain d’intérêt, que la cornemuse flasque dément : le temps de la galanterie est révolu.
On remarque sur la reproduction un chien tondu et fripé assis sur son séant, alter ego comique du peintre dans son adoration canine. Il a dû être jugé trop phallique puisqu’il a aujourd’hui disparu.
Salacités involontaires
Studio à Paris
Jose Ferraz de Almeida Junior, 1880
Elève de Cabanel, ce peintre brésilien a peint plusieurs scènes d’atelier. Dans celle-ci, il se présente en artiste accompli, entre un rapin qui lui nettoie ses pinceaux et un visteur qui choisit un dessin. Tout montre sa maîtrise du métier : au mur des modèles en plâtre et une copie de Vélasquez, au plafond un squelette vers lequel, durant la pose, la fille bien en chair jette un regard comparatif. Sur le chevalet, le tableau en cours est une Vénus avec Cupidon, moins dénudée que le modèle. C’est donc sans penser à mal que le peintre fourre sa pipe dans la blague à tabac.
La séance du modèle, janvier 1881, collection particulière Moine sculptant un Christ en bois, Salon de 1874, Musée de Nantes
Edouard Dantan
Le nu dans l’atelier est un genre affriolant. Mais Dantan, qui en est un spécialiste, l’a sans doute pratiqué plus innocemment que les autres (en particulier Gérôme, voir Le paragone chez Gérôme). Fils d’un sculpteur renommé, peintre sérieux, il veut avant tout rendre hommage au métier et le montrer avec réalisme.
C’est donc sans aucun symbolisme qu’il se représente dans un moment de réflexion, rejeté en arrière, ses pinceaux à l’arrêt, tandis que seule la statue antique semble tendue vers le modèle.
De même, c’est sans intention castratrice que le saint moine dépose son maillet à da droite, aux pieds de la Vierge, en pensant probablement faire écho aux mots visibles du psaume « Dixit dominus » affiché sur au mur :
à ma droite…je déposerai… de tes pieds..le sceptre de la puissance
a dextris mea…ponam..pedum tuorum… virgam virtutus
Understatement
Le Peintre
William Worcester Churchill, 1913, collection particulière
Tandis que la modèle s’interroge sur un pot de forme tubulaire, le peintre lui donne la réponse en désignant l’équivalent, dans son autoportrait en satyre.
Tubes braqués : canon, télescope
Les canons de Danaé
Danaé
Pieter Isaacsz, 1612, Album Amicorum de Ernest Brinck, Koninklijke Bibliotheek, La Haye
Tandis que la pluie d’or de Jupiter féconde Danaé, des canons éjaculent des pièces d’or sur les murailles. Il s’agit officiellement d’illustrer un thème en vogue à l’époque, celui de l’or qui, selon l’expression de Van Mander, vient à bout » des murs les plus hauts… des chaînes les plus solides, des barrières de fer, des serrures, des verrous, des portails et des portes « ( [6] , p 30).
Canons et télescopes
Les progrès de la galanterie ou Les baisers volés sont les plus doux
Thomas Rowlandson, paru le 14 février 1814
Les aquarelles érotiques de Rowlandson [46] ont pour mérite de présenter sans filtre des symboles ordinairement voilés. Le vent soufle fort sur le rempart, comme le montre le tricorne du vieillard de gauche, noué sur son crâne par un foulard. Un vieux marin ventripotent est venu observer les bâteaux dans la tempête, en compagnie de son épouse. Tandis qu’il les regarde à la lunette, la femme détourne son parapluie pour embrasser un séduisant officier. Le titre « Les progrès de la galanterie » fait référence aux caresses en cours, dans le couple en contrebas comme dans le couple illégitime qui se forme sur le rempart. Mais aussi à la progression analogue entre deux objets phalliques :
- la maigre lunette du mari, qui l’aveugle ;
- le fût puissant qui, si l’on regarde bien, prolonge le jeune officier.
Les observateurs d’étoiles (the star gazers)
Thomas Rowlandson, vers 1815
La situation est à peu près la même : l’astronome observe les étoiles au travers de son télescope alors que, dans la chambre à côté, sa femme les voit par l’entremise d’un jeune homme. Les deux mappemondes conjuguées illustrent cet accouplement, tout en complétant le symbolisme du télescope.
La sphère de la Lune, Rops, 1881
Dans cette pochade, le petit amour de gauche mesure au compas une « hemisphesse » tandis que celui de droite pratique l’« à ce tou-nomie » au télescope.
Les élégances de Kaemmerer
Deux cordes à son arc La promenade en traîneau
Frederik Hendrik Kaemmerer, collection particulière
Adepte comme son maître Gérôme d’un érotisme élégant dans un passé fantasmé, Kaemmerer invente des scènes de genre suggestives tout en restant irréprochables : le plumet du hussard comme le cygne doré qui semble révéler l’intention du pousseur n’ont rien qui puisse faire hausser le sourcil.
Une après-midi de pêche A la plage, 1870
Frederik Hendrik Kaemmerer, collection particulière
De même, on ne saurait objecter ni à la manière dont le jeune homme tient sa canne à pêche, ni à la promenade de deux faux-culs entre deux culasses rouillées.
Le peintre Frederik Hendrik Kaemmerer à l’oeuvre à Oosterbeek
Jacob Maris, 1861-62, collection particulière
C’est en définitive Jacob Maris qui a le mieux révélé, involontairement ou pas, la tension érectile dans l’art de son ami.
Le canon de Cupidon
Vers 1906, cartes postales françaises
Dans cette série, un couple de Cupidons remplace l’arc par un canon décoré de fleurs, pour envoyer des colombes ou des bons voeux.
Carte postale anglaise, 1915 Carte postale française, 1914-18
Durant le conflit, le canon devient à la fois plus réaliste et plus cru : il se place dans la continuité anatomique de l’émetteur, qui se contente en attendant mieux d’envoyer des coeurs ou des fleurs.
Instruments à jet
Jets d’eau
Les Jets d’eau, vers 1765–70, Clark Institute Les Pétards, 1763-5, Museum of Fine Arts, Boston.
Jean-Honoré Fragonard
Ces dessins ont été conçus en pendant :
- deux beautés dans un grand lit et une plus jeune dans un petit ;
- une trappe au plancher et au plafond ;
- un chien terrorisépar les jets d’eau et un chat par les jets de feu .
Fragonard renouvelle avec gaité ce grand poncif des estampes galante, le clystère. Le pendant a été gravé par Pierre Laurent Auvray, avec des légendes anodines :
Cessés jeunes Beautés d’opposer un rideau
A cette invention gentille,
Pour eteindre le feu qui dans vos yeux petille
Il faudrait bien d’autres jets d’eau
De ces feux apprètés ne craignez point les flammes
Punissez plutôt l’indiscret
Les feux que vos appas allument dans nos âmes
Font moins d’éclat , mais plus d’effet
La Douche, Rops, 1878-81, pastel et gouache, Musée Rops Namur Où est le feu !, Rops, 1878-81, pastel et aquarelle, collection particulière
Rops a procédé lui aussi par symétrie pour moderniser le thème du jet d’eau, avec cette femme nue tantôt de dos, tantôt de face, opposée à deux praticiens de la lance.
Accessoires victoriens
Salière, sucrier et encensoir chez Millais
Je résume ici certaines des analyses de Carol Jacobi [47].
La salière d’Isabella
Isabella
John Everett Millais, 1849, Walker Art Gallery, Liverpool
Le sujet est tiré du Décaméron de Boccace, via un poème de Keats. Au cours d’un repas, la riche Isabella partage une orange sanguine avec Lorenzo, un pauvre apprenti, tandis qu’en face d’elle un de ses frères, de rage, repousse un chien du bout du pied et fracasse une noix. Violence qui préfigure la tragédie imminente : l’assassinat de Lorenzo par les frères outragés.
Sa tête, coupée comme l’orange sanguine, finira dans le pot de basilic de la balustrade [48].
Peinte à l’âge de vingt ans, cette oeuvre délibérément transgressive contient un petit secret : les initiales PRB en bas à droite, dont on saura plus tard qu’elles signifiaient Pre-Raphaelite Brotherhood. D’une certaine manière, cette toile-manifeste revendique, pour cette Fraternité de jeunes artistes prêts à tout, le patronage énergique des frères d’Isabella et de leur violence primitive.
Frederic George Stephens
Un des principes de cette nouvelle peinture est que la partie vaut le tout : chaque détail du tableau constitue en soi un tableau. Ainsi l’homme qui lève son verre est le critique d’art Frederic George Stephens, scrutant le sang qui s’annonce, tandis que la plume déchiquetée par le vautour fait écho aux noix fracassées.
La salière renversée sur la table annonce le malheur imminent, comme l’avait fait Léonard de Vinci dans sa Cène. Dans ce parti-pris d’allusions et de symbolisme généralisé, où convient-il d’arrêter le soupçon ? Carol Jacobi a détecté un symbole phallique dans l’ombre du casse-noix sur la table, et vu dans l’éjection du sel sa conséquence mécanique : le détail renverrait donc à l’auto-érotisme du frère, confirmé par la position de ses mains sur le casse-noix.
Mais jusqu’où aller trop loin ? La chaise qui penche sous le poids de la jambe tendue exprime le déséquilibre du jeune homme. Carol Jacobi n’a pas relevé les griffes qui serrent une boule et le pied prêt à retomber sur l’entrecuisse du chien. Ces détails ne sont-ils pas à relier avec le cassage des noix ? Ainsi le frère d’Isabella se revèle être à la fois onaniste et castrateur.
Ces sous-entendus probables perdent un peu de leur sel à être dits à haute voix : un peu comme lorsqu’on explique une contrepèterie. Et sans doute est-ce ainsi qu’il convient de les interpréter : des contrepèteries visuelles mise au point par un jeune artiste provocateur.
Le sucrier de la demoiselle d’honneur
La demoiselle d’honneur
Millais, 1851, Fizwilliam Museum
La demoiselle d’honneur fait passer sept fois un petit morceau de gâteau de mariage dans une alliance en or. Ce rituel folklorique assez transparent, pratiqué par une jeune fille la veille de la Sainte-Agnès avant d’aller se coucher, était censé lui faire voir en rêve celui qu’elle épouserait.
Le brin de fleurs d’oranger blanches, étendard de la virginité, forme couple avec le sucrier, forme sublimée de la virilité qu’elle attend.
L’encensoir de Mariana
Mariana
John Everett Millais, 1851, Tate Britain
Le tableau illustre le poème Mariana de Tennysson. Rejetée par son fiancé, Mariana mène une existence solitaire dans une grange entouré de douves. Mais elle est toujours amoureuse et aspire à se marier avec lui. Millais sous la montre au moment où, lasse de son travail de broderie, elle se redresse et cambre ses hanches douloureuses.
Lors de son exposition, le tableau était accompagné des quatre vers suivants :
« Elle dit simplement: « Ma vie est morne,
Il ne vient pas » ; Elle a dit aussi
« Je suis lasse, lasse,
Je voudrais être déjà morte ! »
Les feuilles sur le sol illustrent le dernier vers. Le vitrail avec l’Annonciation est à relier avec le blason inventé par Millais : le perce-neige à la corolle baissée, emblème de la virginité déçue de Mariana, remplace le lys de Marie, emblème de sa virginité triomphante. La devise latine In coelo quies (le repos dans le ciel) est une forme d’ironie : Marie a eu le couronnement dans le ciel, Mariana ne peut espérer que le repos dans la mort.
Tous les commentateurs ont noté deux symboles phalliques évidents :
- l’aiguille plantée droit dans la broderie devant le ventre de Mariana ;
- la souris, justifiée par le poème :
La souris, derrière les lambris en décomposition
criait ou regardait autour d’elle depuis la crevasse
Etude pour Mariana, John Everett Millais, Victoria and Albert Museum
Ces deux symboles figuraient déjà dans l’étude préliminaire, accompagnés d’un troisième, le peuplier, lui-aussi manipulé de main de maître par Tennyson :
L’ombre du peuplier tombait
sur son lit, sur son front.
Elle dit seulement : « La nuit est morne,
il ne vient pas ».
Dans le tableau, Millais a éliminé le peuplier trop voyant, ainsi que la bourse-réceptacle sur la hanche de Mariana.
A la place, il a recyclé son objet favori en encensoir, positionné de manière à recevoir le spot rouge de la bougie : ainsi le désir persistant de Mariana se résume à une flamme caressée par un parfum. Plus crument et plus cruellement, le triptyque posé sur l’autel ouvre ses volets à l’encensoir, tandis que les bras de Mariana s’ouvrent à l’absent.
Les enfants-fleurs de Sargent
Garden Study of the Vickers Children, 1884 , Flint Institute of Arts Carnation, Lily, Lily, Rose, 1885-86, Tate Britain
John Singer Sargent
La vue plongeante place les enfants dans un espace végétal et flottant, que seule la récession des lys rattache au monde réel. Il est impossible ici de résumer l’interprétation qu’Alison Syme propose de cette série de compositions, dans son livre très étayé et documenté sur la personnalité ambivalente de Sargent :
Plutôt que de symboliser simplement l’innocence et la pureté, les enfants de Sargent présentent une sexualité précoce, polymorphe et perverse, et une libido entre espèces, qui permettent à l’artiste de se figurer à la fois comme comme une plante hermaphrodite et comme son pollinisateur et, par conséquent, de travailler l’imaginaire de la fécondation et des naissances florales. Alison Syme ( [49], p 166)
Dans la première des toiles, le pot et l’arrosoir fonctionnement évidemment comme des organes sexués, et la miction est suggérée comme une forme de sexualité infantile. Mais la composition va bien au delà d’une simple gaillardise :
« Elle évoque la relation réciproque entre pollinisateur et plante : le rouge des lèvres de Billy reprend celui des anthères des lys, et la robe-blouse de Dorothy fait écho à leur corolle en trompe. Dans le tableau, les corps des enfants sont superposés, leurs mains entrelacées, et leurs jambes enchevêtrées forment une tige partagée. Noir et blanc, mâle et femelle, pollinisateur et plante sont ici combinés en une créature composite, dotée d’un arrosoir dont le bec proboscidiforme fait pousser le jardin, le fertilise, voire – peut-être – illustre une situation proustienne où les lys hermaphrodites « ne peuvent être fertilisés par eux-mêmes, mais peuvent l’être par d’autres hermaphrodites ». ( [49], p 168)
Références : [6] Eric Jan Sluijter, « Emulating Sensual Beauty: Representations of Danaé from Gossaert to Rembrandt », Simiolus: Netherlands Quarterly for the History of Art, Vol. 27, No. 1/2 (1999) https://www.jstor.org/stable/3780877 [14] E. de Jongh, Mirror of everyday life : genreprints in the Netherlands, 1550-1700 [17] Anna Tummers, Elmer Kolfin et Jasper Hillegers, The Art of Laughter: Humour in the Dutch Golden Age, 2017 https://www.academia.edu/70688197/The_Art_of_Laughter_Humour_in_the_Dutch_Golden_Age [38] Pour une synthèse récente, voir James McCabe « The Triumph of Men: Reassessing Gender inArticle suivant : 4 Phalloscopiques par destination : objets mis en scène
Fragonard’s Progress of Love », 2015, p 16 https://core.ac.uk/download/229340511.pdf [39] Traduction (légèrement modifiée) de Véronique Gély « L’invention d’un mythe, Psyché: allégorie et fiction, du siècle de Platon au temps de La Fontaine » 2006, p 176 [40] https://en.wikipedia.org/wiki/Link-boy [41] Les Trois âges de l’homme, de Titien, pour le musicien, et la nymphe allaitante du miroir Martelli. Voir Emanuel Winternitz « The inspired musician: A sixteenth-century musical pastiche » The Burlington Magazine Vol. 100, No. 659 (Feb., 1958), https://www.academia.edu/24036662/The_inspired_musician_A_sixteenth_century_musical_pastiche [42] Paul Wescher « Jan van Hemessen und Jan van Amstel » Jahrbuch der Berliner Museen, 12. Bd. (1970), pp. 34-60 (27 pages) https://www.jstor.org/stable/4125667 [43] Moins codifié que d’autres, ce geste se retrouve dans plusieurs oeuvres hollandaises à sous-entendu grivois. Voir [14], p 314 [44] Margaretta M. Salinger « Jan Steen’s Merry Company » The Metropolitan Museum of Art Bulletin, New Series, Vol. 17, No. 5 (Jan., 1959), pp. 121-131 https://www.jstor.org/stable/3257799
Sur les allusions sexuelles, voir le commentaire du MET : https://www.metmuseum.org/art/collection/search/437749
[45] Dans son poème burlesque « Du pinceau » (Del penello), Bronzino décrit ainsi son instrument :
Qui est celui qui ne prend plaisir à discuter
des choses que fait ce quelque chose
Fait de poil, de soie ou de queue ?
Et il n’y a pas d’homme ni de femme si bestial
qui ne cherche à avoir de ses choses
ou à se faire peindre d’après nature.
Chi è colui che a ragionar non goda
delle cose che fa questo cotale,
nato di pel de setola o di coda?
E non è uomo o donna sì bestiale,
che non cerchi d’aver delle sue cose
o di farsi ritrar al naturale.
Il se lance ensuite dans une description de toutes les positions que ce « pinceau » permet de « peindre ». Voir Deborah Parker « Towards a Reading of Bronzino’s Burlesque Poetry », Renaissance Quarterly, Vol. 50, No. 4 (Winter, 1997), p. 1024 https://www.jstor.org/stable/3039403
[46] Pour le répertoire de sa prolifique production , voir https://en.wikipedia.org/wiki/List_of_erotica_by_Thomas_Rowlandson [47] L’article de Carol Jacobi est très détaillé, documenté, et empreint d’esprit de sérieux. Mais l’artillerie lourde des théories contemporaines ôte toute légèreté à ce qui n’était sans doute que des provocations juvéniles et de l’érotisme sublibidinal.Carol Jacobi, Sugar, Salt and Curdled Milk: Millais and the Synthetic Subject, Tate Papers,n°18, Autumn 2012. https://www.tate.org.uk/research/tate-papers/18/sugar-salt-and-curdled-milk-millais-and-the-synthetic-subject [48] Pour une analyse détaillée et très pertinente, voir Gabrielle de Lassus Saint-Geniès « Lorenzo et Isabella, les amants tragiques de John Everett Millais » 2016 https://laplumedeloiseaulyre.com/?p=3771 [49] Alison Syme, (Alison Mairi) « A touch of blossom : John Singer Sargent and the queer flora of fin-de-siècle art » https://archive.org/details/touchofblossomjo0000syme/page/167/mode/1up