Vendredi 13 décembre, me voici de retour à la Kulturfabrik, pour un nouveau concert.
(une nouvelle cure de jouvence ?)
La salle est plutôt bien remplie. Le groupe à l’affiche ce soir jouit d’une certaine renommée dans les milieux de la musique alternative.
Moi je ne le connaissais pas, je viens pour le découvrir.
Je vois autour de moi une foule éclectique mais principalement jeune, en tout cas plus jeune que moi évidemment. Parmi ce public, je remarque plusieurs adolescents et même certains enfants d’une dizaine d’années. Sont-ils venus avec leurs parents branchés ou sont-ils des admirateurs précoces du groupe ?
DIIV.
Un groupe de rock indépendant américain, originaire de Brooklyn, à New York.
Formé en 2011.
Quatre albums à son actif.
Composé actuellement de Zachary Cole Smith (chant, guitare), Andrew Bailey (guitare), Colin Caulfield (basse, claviers, guitare, chant) et Ben Newman (batterie).
DIIV s’inscrit dans l’esprit contestataire de la scène indie américaine.
Un groupe pur et dur.
Leur musique est construite comme une superposition de couches sonores - des guitares texturées posées sur des ryhtmiques denses et robotiques.
Un magma sonore complexe dans lequel on plonge.
Bien plus qu’un enchainement de chansons, le concert est une expérience immersive et lancinante.
La voix du chanteur ne domine pas, elle s’intègre comme une couche supplémentaire, un élément parmi d’autres de l’architecture sonore, laissant des bribes de mélodies se faufiler à travers le chaos contrôlé.
Le spectacle va au-delà de la musique. Pendant toute la prestation, on assiste à un défilement d’images projetées sur l’écran derrière les musiciens.
Des visuels percutants, mêlant ironie, sarcasme et critique politique, attaquant frontalement les travers du capitalisme moderne.
J’ai l’impression que ces jeunes gens ne se font guère d’illusions quant à la possibilité de régénération de la société actuelle.
(Plus tard, après le concert, je lirai le commentaire suivant au sujet du dernier album de DIIV Frog In Boiling Water :
The album, Frog in Boiling Water, is titled after Daniel Quinn's metaphor in philosophical novel The Story of B, and refers to the "slow, sick, and overwhelmingly banal collapse of society under end-stage capitalism, the brutal realities we’ve maybe come to accept as normal". The band describes the album as "a collection of snapshots from various angles of our modern condition which we think highlights what this collapse looks like and, more particularly, what it feels like. )
Dans la salle, la communion est totale. Je comprends que la plus grande partie de l’auditoire fait partie des fans du groupe, ils connaissent les morceaux, ils sont familiers de l’univers sonore, ils vibrent à l’unisson, ils sautent, ils dansent, ils écoutent fascinés.
L’esthétique du groupe se traduit par une attitude scénique minimaliste. Les musiciens jouent avec une froideur presque mécanique, sans chercher à interagir avec le public autrement que par leur musique.
Même si ce n’est pas le genre de musique que j’écoute habituellement (je suis un grand sensible et plus vraiment aussi romantico-nihiliste que DIIV), je suis heureux de voir qu’il existe encore du rock intelligent riche d’un message critique capable de toucher une partie de la jeunesse.
En plus, c’est impeccablement exécuté - le mélange d’intensité sonore et d’indépendance revendiquée donne au groupe une identité forte.
Côté photographie, le défi est de taille. La scène, plongée dans des lumières bleutées, rouges, violettes, etc. absorbe les musiciens dans une atmosphère brumeuse, presque irréelle. Les visages et expressions sont rarement éclairés directement, tandis que des éclats stroboscopiques engloutissent les crescendos de guitare, intensifiant encore l’immersion. Pas évident en termes de photographie mais passionnant comme exercice !
Au final, un bon concert, avec une vraie personnalité, en parfaite adéquation avec la programmation alternative et audacieuse de la Kulturfabrik.