Dans l’atelier d’un livre, épisode 5 : la relation aux livres.

Publié le 15 décembre 2024 par Sheumas

L'une des partenaires de cette aventure me confiait dans une réponse à l'un des épisodes précédents que, dans sa vie, la lecture n'allait pas de soi et que, du fait de la pression de l'école, ou d'un mauvais enseignant maniant le livre à la manière d'une baguette, loin d'être magique, cette dernière lui était devenue franchement rébarbative. Dans son " Chagrin d'école ", l'ancien cancre Daniel Pennac le dit aussi très clairement : " Ce qu'on nous force à lire, on ne le lit pas, on ne l'avale pas ! " J'aime bien la formule de Montaigne au sujet de ces " nourritures " soi-disant spirituelles que sont les livres imposés : " C'est témoignage de crudité et indigestion que de regorger la viande comme on l'a avalée ".
Pour lire, il faut en éprouver le besoin : l'une d'entre vous me parle de " thérapie " par le livre ; il faut également éprouver soif ou appétit, la fameuse " appétence " chère aux enseignants parfois trop zélés à vouloir faire ingurgiter n'importe quoi à leurs " apprenants ". Les plus touchants propos que j'ai entendus à propos de la lecture ont été ceux que m'ont tenus des " lecteurs tardifs ", qui sont venus aux livres par hasard et, en aucune manière, sous l'effet de la force, de la torture ou du gavage. À ce propos, je me rappellerai toujours la rencontre faite un jour dans le Palais du Grand Large de St Malo où je me trouvais avec une classe de lycéens que j'avais emmenée au Festival " Étonnants voyageurs ".
Comme tous les lycéens, il y avait parmi eux des tièdes, des rétifs et des franchement hostiles à la lecture, et s'ils m'avaient suivi jusque-là, c'était parce qu'ils y étaient contraints et parce qu'ils rêvaient surtout aux ruelles, aux remparts, aux pirates et aux flibustiers. Mais parmi les corsaires de papier qui naviguaient plus bas entre les lignes, il y en eut un, cependant, qui parvint à capter leur attention en leur déclarant, tout à trac, que, jusqu'à l'âge de 20 ans, il n'avait jamais pris un livre entre les mains et que, sans l'épreuve de la prison, il n'aurait jamais lu ni écrit une seule phrase.
Cet écrivain s'appelait René Frégni, et c'est lui qui a su intéresser toute mon escouade d'élèves. Lui qui animait des ateliers d'écriture à la prison des Baumettes et qui en profitait pour montrer à ses auditeurs que la lecture pouvait du jour au lendemain tendre au prisonnier un merveilleux laissez-passer. Avec un seul livre, ce dernier pouvait, au bout de quelques lignes, écarter les barreaux, laisser filtrer dans sa cellule la fraicheur de la brise, se mettre à caresser la chevelure d'une femme, à sentir son odeur, à boire avec elle un verre de vin au goût des collines de Manosque...
On le voit, la lecture ouvre des fenêtres et, dans une société qui enferme et appauvrit l'individu, cela devient de plus en plus vrai. C'est le sujet de l'épisode à venir.

PS : des nouvelles du livre ?

Maintenant que la correction est terminée, restent la couverture et la quatrième de couverture dont je vais discuter avec l'équipe graphiste de la maison d'édition. C'est une étape essentielle pour accrocher le lecteur et tâcher de lui faire appréhender, en moins d'une minute, le contenu du roman. Je vous en dis davantage la semaine prochaine à propos du... titre !