
Roman - 195 pages
Editions Buchet-Chastel - décembre 2009
Annette, 37 ans, est descendue de son Nord natal pour rejoindre, avec son fils Eric, un paysan de 46 ans dans le Cantal. Il a suffi d'une petite annonce dans le journal pour que Paul rencontre Annette puis qu'ils décident qu'elle le rejoigne à la ferme, au hameau de Pradières, au milieu des champs mais aussi en compagnie des oncles et de Nicole, la sœur de Paul.
L'environnement d'un plateau du Cantal, d'abord exigeant, brut, âpre, ne fait pas l'objet de grandes difficultés sur la durée. Ce sont les personnes de cette famille qui déploient leur âpreté vis-à-vis d'Eric et Annette. L'intégration ne sera pas automatique au sein de ce clan qui cultive ses exigences, ses rituels, ses habitudes closes.
Extrait :
"La nuit de Fridières ne tombait pas, elle montait à l'assaut, elle prenait les maisons les bêtes et les gens, elle suintait de partout à la fois, s'insinuait, noyait d'encre les contours des choses, des corps, avalait les arbres, les pierres, effaçait les chemins, gommait, broyait. Les phares des voitures et le réverbère de la commune la trouaient à peine, l'effleuraient seulement, en vain. Elle était grasse de présences aveugles qui se signalaient par force craquements, crissements, feulements, la nuit avait des mains et un souffle, elle faisait battre le volet disjoint et la porte mal fermée, elle avait un regard sans fond qui vous prenait dans son étau par les fenêtres, et ne vous lâchait pas, vous les humains réfugiés blottis dans les pièces éclairées des maisons dérisoires."
Marie-Hélène Lafon use parfois de phrases courtes, souvent de phrases qui s'étirent, qu'il faut suivre comme de l'eau qui peut s'échapper, de l'eau qui dérive un peu, stagne très légèrement, puis reprend son lit. Les personnages sont des taiseux alors le récit les contourne, les dit, les enveloppe, les déplie dans un récit qui n'est pas linéaire. Cette histoire d'amour est pudique. Elle n'est que sous-entendue, suggérée. Il s'agit d'autre chose, il s'agit du quotidien, d'une terre d'asile, d'une vie à refaire pour Annette qui puise la force de se rapprocher à nouveau d'un homme après avoir souffert une vie aux côtés de Didier, le père alcoolique d'Eric. Et pour ce dernier, malgré son jeune âge, c'est aussi une nouvelle vie de découvertes, de frustrations, de brimades, d'espoirs.
Je découvre l'écriture de Marie-Hélène Lafon, ses lettres sont délectables.