Deux Poèmes de Maria Galina

Par Etcetera

Ces deux poèmes sont extraits du recueil « L’Invisible est lumineux« , paru chez Agullo Editions en 2023.
C’est son superbe titre qui m’a donné envie de l’acheter, en plus de sa couverture m’évoquant a priori l’espace et les constellations mais qui s’est avéré, après vérification, être une illustration d’un ouvrage de 1660 représentant une carte de l’Ukraine.
La traduction du russe au français est de Denitza Bantcheva.

Mon Avis très bref

J’ai trouvé ce recueil intéressant, avec un ton original, des atmosphères insolites et diversifiées. Certains poèmes étaient un peu trop déroutants, de bout en bout, pour que des images me viennent. D’autres étaient déroutants seulement au départ et je rentrais petit à petit dans un monde qui finissait par me dire quelque chose (impression très agréable). Ceci dit, le mélange de fantastique avec des phénomènes réels donne des résultats piquants et pas communs, créant des décalages, des flottements. J’ai aussi beaucoup aimé sa petite suite de poèmes sur certaines grandes villes d’Europe et j’en reparlerai dans un futur article.
Comme choix de poèmes à partager ici, j’ai opté pour la plus grande clarté possible.

Note biographique sur la poète

Maria Galina est née en 1958 à Kalinine, Russie. Diplômée de la faculté de Biologie de l’Université d’Odessa, elle vit à Moscou à partir de 1987. Autrice d’une dizaine de romans. Elle officie également en tant que traducteur littéraire et a notamment traduit en russe Stephen King, Jack Vance ou Clive Barker. Son roman L’Organisation a été lauréat des prix Marble Faun, Portal et Silver Caduceus. Son œuvre est traduite en anglais, italien et polonais. Elle est également poète et critique littéraire. Elle décide de vivre à Odessa, en Ukraine, dès 2021, où elle consacre l’essentiel de son temps à tisser des filets de camouflage pour l’armée ukrainienne.
(Source : Editeur)

Quatrième de Couverture

Ce recueil de poèmes, le septième de Maria Galina a été écrit peu de temps avant la guerre en Ukraine, et achevé à la veille du conflit. Il contient une trentaine de poèmes plus ou moins longs, dont huit s’inspirent de la Description d’Ukranie [sic] qui sont plusieurs provinces du royaume de Pologne (1650) de l’ingénieur et cartographe Guillaume Levasseur de Beauplan. Les textes basés sur la Description alternent avec des poèmes qui évoquent un monde plus proche du contemporain, ou des univers assimilables au domaine fantastique. L’ensemble du recueil est parcouru par des thèmes communs : la beauté étrange de l’Ukraine ; la menace ou les séquelles de la guerre ; la difficulté d’y voir clair dans ce qui se passe ; le choix entre fuir et rester ; les liens entre la vie et la mort. Beaucoup de textes laissent reconnaître, pour le lecteur familier des romans de Galina, son art d’entrelacer le fantastique avec un réalisme empreint d’angoisse.

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CHOIX DE DEUX POEMES

Page 19

Il n’y a pas de gare ici, dit le vieillard.
Mais moi, je me souviens qu’il y en avait une. Je me rappelle la place qui la jouxtait… les marchandes de graines de tournesol. Et de pommes. Des seaux entiers de pommes à vendre. Des pommes jaunes aux joues tavelées. Sans doute ramassées au pied des arbres.
Personne n’en achetait, mais les marchandes n’en restaient pas moins là.
Peut-être, dit le vieillard, est-ce un faux souvenir.
La mémoire doit vous jouer des tours.
Comment, les pommes, je les aurais rêvées ?
Les gens commencent toujours par inventer des pommes.
Mais quand même, objecta-t-elle, j’ai dû prendre un train pour venir ici.
Je ne serais pas surpris si vous aviez toujours vécu ici, répondit le vieillard.
En tout cas, il doit bien y avoir une gare. Dans chaque ville, il doit y avoir un endroit d’où l’on peut partir. Partir à jamais. Sinon, ce n’est pas une ville, c’est n’importe quoi.
Il n’y a pas de gare ici. Peut-être que jadis, il y en avait une. Il y a très longtemps. Et même un aéroport.
Alors, demanda-t-elle, c’est impossible de s’en aller d’ici ?
Si vous voulez, je peux vous emmener en barque, proposa le vieillard.
Non, merci, fit-elle, merci beaucoup. Ce n’est pas la peine.
Alors éloignez-vous, dit le vieillard, sur cet endroit, on peut tirer de partout.

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Page 26

Nous avons offert nos voix
A l’homme fort
Au leader charismatique
Au manager efficace
Maintenant nous marchons
En parlant avec les mains
C’est tout ce qui nous reste

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