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Critique Ciné de Noël ☃️ : Un Conte de Noël (2008)

Publié le 12 décembre 2024 par Delromainzika @cabreakingnews
Critique Ciné Noël Conte (2008)

Cette année, pour Noël, j'ai décidé de faire 28 critiques de films de Noël (nouveaux et anciens) pour les 28 jours qui arrivent avant le jour de Noël. Le film est le quinzième film de Noël de ce petit rendez-vous de fin d'année. Si vous avez envie de suggérer un film, je vous laisse le faire en commentaire. Retrouvez les films précédents en Un conte de Noël cliquant ici.

☃️ Un Conte de Noël ☃️ // De Arnaud Desplechin. Avec Catherine Deneuve, Jean-Paul Roussillon et Anne Consigny.

Le cinéma a ce pouvoir rare de marquer profondément la mémoire, et Un Conte de Noël d'Arnaud Desplechin figure parmi ces œuvres qui, dès le premier visionnage, laissent une empreinte durable. En dépit des années écoulées, il reste gravé dans mon esprit, preuve de son impact immédiat. Pourtant, avec le recul et l'évolution de mes goûts cinématographiques, le regard que je porte sur ce film a changé, révélant à la fois ses forces et ses failles. Ce qui frappe d'emblée dans Un Conte de Noël, c'est la qualité indéniable de son écriture. La richesse du langage, la subtilité des dialogues, et la manière dont Desplechin magnifie la langue française sont impressionnantes. Les personnages bénéficient d'une voix unique, leur permettant des envolées verbales qui touchent souvent au sublime. Cependant, ce talent se mue parfois en excès.

À l'origine, Abel et Junon eurent deux enfants, Joseph et Elizabeth. Atteint d'une maladie génétique rare, le petit Joseph devait recevoir une greffe de moelle osseuse. Elizabeth n'était pas compatible, ses parents conçurent alors un troisième enfant dans l'espoir de sauver Joseph. Mais Henri qui allait bientôt naître, lui non plus, ne pouvait rien pour son frère - et Joseph mourut à l'âge de sept ans. Après la naissance d'un petit dernier, Ivan, la famille Vuillard se remet doucement de la mort du premier-né. Les années ont passé, Elizabeth est devenue écrivain de théâtre à Paris. Henri court de bonnes affaires en faillites frauduleuses, et Ivan, l'adolescent au bord du gouffre, est devenu le père presque raisonnable de deux garçons étranges. Un jour fatal, Elizabeth, excédée par les abus de son mauvais frère, a "banni" Henri, solennellement. Plus personne ne sait exactement ce qui s'est passé, ni pourquoi. Henri a disparu, et la famille semble aujourd'hui dissoute. Seul Simon, le neveu de Junon, recueilli par sa tante à la mort de ses parents, maintient difficilement le semblant d'un lien entre les parents provinciaux, la soeur vertueuse, le frère incertain et le frère honni...

L'élitisme palpable du discours rend le film moins accessible, notamment pour ceux qui ne partagent pas les références culturelles ou sociales mises en avant. À mes yeux, cette distance crée un fossé entre l'œuvre et le spectateur, rendant certaines scènes artificielles, voire légèrement condescendantes. L'un des aspects les plus marquants, et également les plus irritants du film, réside dans son traitement des rapports humains. Le mépris y occupe une place prépondérante, presque glorifié, comme s'il s'agissait d'une qualité inhérente à certains personnages. Si ce choix peut sembler audacieux et pertinent dans une exploration des tensions familiales, il m'a parfois semblé excessif. La manière dont certains protagonistes s'arrogent une forme de supériorité morale ou intellectuelle m'a laissé un goût amer.

Ce mépris aurait pu être un outil narratif puissant pour interroger les dynamiques de pouvoir au sein de la famille, mais il est ici trop souvent utilisé comme un privilège immuable, déconnecté de toute remise en question.Sur le plan de la réalisation, Desplechin ne s'impose aucune limite. Avec une durée de deux heures trente, le film est dense, foisonnant, et s'autorise une liberté narrative impressionnante. Cette richesse est l'un des grands points forts du film : le récit est mouvementé, et les personnages, au cœur de l'histoire, sont développés avec soin. Toutefois, cette densité se retourne parfois contre l'œuvre, laissant certaines intrigues inabouties ou des longueurs pesantes. Ce déséquilibre peut frustrer, d'autant que certaines scènes semblent davantage se complaire dans leur esthétisme que servir l'avancée de l'histoire.

Le choix de situer l'action à Roubaix, loin des clichés parisiens ou bourgeois, est rafraîchissant. Mais cette originalité géographique est contrebalancée par la froideur de la mise en scène. L'austérité de certains décors et le ton glacial des interactions contribuent à un sentiment de détachement. Ce contraste entre l'intensité émotionnelle des disputes familiales et la froideur générale de la réalisation rend parfois difficile l'immersion totale dans le récit.Si Un Conte de Noël brille par un aspect, c'est bien grâce à son casting. Mathieu Amalric, dans le rôle d'Henri, livre une performance mémorable. Son personnage, à la fois détestable et attachant, incarne parfaitement la complexité humaine qui traverse le film. Ce n'est pas un " méchant " au sens classique du terme, mais plutôt un électron libre, un vilain petit canard dont l'irrévérence apporte une touche d'humour salvatrice.

Anne Consigny et Catherine Deneuve apportent également une profondeur à leurs rôles respectifs. Deneuve, bien qu'éloignée de l'image attendue d'une mère de famille traditionnelle, impose une présence imposante, presque matriarcale. Cependant, son interprétation, empreinte de froideur, peut paraître anachronique dans ce contexte familial. Le reste du casting, notamment les fidèles collaborateurs de Desplechin comme Emmanuelle Devos et Melvil Poupaud, contribue à donner vie à cette fresque familiale avec une grande justesse.Le film s'inscrit dans une tradition bien française des drames familiaux, où les secrets, les rancunes et les tensions prennent le dessus. Il explore avec minutie les blessures physiques et morales qui gangrènent les relations entre les membres de cette famille dysfonctionnelle.

Toutefois, il reste difficile de ne pas comparer Un Conte de Noël à d'autres œuvres du même genre. Là où ce dernier excelle par sa brutalité et sa vérité crue, le film de Desplechin semble parfois manquer de sincérité, préférant s'attarder sur des dialogues ciselés au détriment d'une véritable profondeur émotionnelle. Les conflits familiaux sont traités avec un mélange de légèreté et de gravité qui peut séduire ou agacer, selon les sensibilités. Certaines scènes, comme la dispute dans la cuisine, atteignent des sommets d'intensité dramatique et rappellent à quel point ces moments d'affrontement peuvent être cathartiques au cinéma. Pourtant, l'absence d'une issue claire ou satisfaisante à plusieurs intrigues laisse un sentiment d'inachevé, comme si le réalisateur s'était davantage concentré sur la forme que sur le fond.

En définitive, Un Conte de Noël est un film qui ne laisse pas indifférent. Sa richesse narrative, son casting exceptionnel et sa mise en scène audacieuse en font une œuvre marquante du cinéma d'auteur français. Mais ses défauts - une certaine froideur, des longueurs et une tendance à l'élitisme - l'empêchent d'atteindre le statut de chef-d'œuvre. Ce film m'a marqué par son ambition et ses moments de grâce, mais il m'a aussi frustré par son incapacité à se départir de certaines conventions ou à véritablement impliquer le spectateur dans l'intimité de ses personnages. Il reste une expérience cinématographique forte, mais qui, comme une réunion de famille tumultueuse, peut laisser un goût doux-amer.

Note : 6.5/10. En bref, une fresque familiale captivante, mais imparfaite.

Sorti le 21 mai 2008 au cinéma - Disponible en DVD, Blu-ray et VOD


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