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Say Nothing (Mini-series, 9 épisodes) : Ne dis rien

Publié le 11 décembre 2024 par Delromainzika @cabreakingnews
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Say Nothing, une mini-série en neuf épisodes, s'attaque à un sujet à la fois complexe et délicat : les Troubles en Irlande du Nord. Inspirée du livre éponyme de Patrick Radden Keefe, cette série mêle habilement une reconstitution historique et une étude approfondie des personnages. Elle parvient à capturer l'intensité dramatique de cette période, mais laisse parfois un goût d'inachevé, notamment dans sa manière de traiter les responsabilités morales de ses protagonistes. Dès le premier épisode, Say Nothing plonge le spectateur dans une narration complexe. La série jongle avec plusieurs récits, étalés sur quatre décennies, tout en introduisant différentes versions des mêmes personnages à travers le temps. Cette structure narrative aurait pu s'avérer chaotique, mais grâce à une maîtrise remarquable des intrigues et des personnages, chaque scène trouve sa place.

Irlande du Nord. Jean McConville, une mère célibataire de dix enfants, est enlevée chez elle en 1972 et n'a jamais été revue vivante. Mais McConville n'était qu'une des nombreuses personnes qui ont été connues collectivement sous le nom de "disparus".

La tension est omniprésente, et le spectateur est tenu en haleine tout au long de cette fresque historique. L'histoire s'ouvre sur l'enlèvement brutal de Jean McConville, une mère de dix enfants accusée à tort d'être une informatrice pour l'armée britannique. Cet événement sert de point de départ à une exploration des violences perpétrées des deux côtés du conflit. Ce choix narratif est pertinent : il ancre la série dans une réalité humaine tragique, tout en établissant les enjeux moraux et politiques qui se déploieront par la suite. La série excelle dans la construction de ses personnages principaux, notamment Dolours Price, interprétée par Maxine Peake à l'âge adulte et par Lola Petticrew dans ses jeunes années.

Dolours, issue d'une famille républicaine, est dépeinte comme une jeune femme passionnée et déterminée, dont le militantisme pacifique se transforme peu à peu en une implication active et violente au sein de l'IRA. Le personnage de Gerry Adams, joué par deux acteurs (Josh Finan et Michael Colgan), est également fascinant. Adams est à la fois charismatique et terrifiant, incarnant l'ambiguïté morale qui traverse toute la série. Quant à Brendan Hughes, interprété par Anthony Boyle et Tom Vaughan-Lawlor, il illustre à merveille la désillusion qui guette les révolutionnaires vieillissants. Cependant, si les personnages principaux bénéficient d'un développement approfondi, les figures secondaires sont souvent reléguées au second plan.

Par exemple, la famille McConville, dont la vie est irrémédiablement bouleversée par l'enlèvement de Jean, est peu mise en lumière, sauf dans les derniers épisodes. Ce déséquilibre narratif affaiblit l'impact émotionnel de certaines intrigues.L'un des thèmes centraux de Say Nothing est l'attrait du radicalisme pour les jeunes. La série montre comment Dolours et sa sœur Marian, interprétée avec subtilité par Hazel Doupe, sont séduites par l'idéologie de l'IRA et leurs promesses de changement. Cette exploration est pertinente, car elle met en évidence la manière dont des idéaux peuvent justifier des actions moralement répréhensibles. Cependant, la série semble parfois romantiser ces choix, surtout dans ses premiers épisodes.

L'entrée des deux sœurs dans l'IRA, par exemple, est presque présentée comme une victoire féministe, ce qui atténue la gravité des actes qu'elles commettent par la suite. Cette approche pose problème, car elle ne souligne pas suffisamment les conséquences dévastatrices de leur engagement sur les victimes, directes et indirectes.Le principal reproche que je pourrais adresser à Say Nothing est son déséquilibre dans la gestion du temps narratif. Une grande partie de la série est consacrée aux activités de Dolours en tant qu'opérative de l'IRA. Si ces scènes sont riches en tension dramatique, elles manquent parfois de profondeur émotionnelle. À l'inverse, des moments cruciaux, comme la grève de la faim de Dolours et Marian ou les conséquences de leurs actes sur les familles des victimes, sont traités de manière trop succincte.

Les deux derniers épisodes parviennent cependant à recentrer le récit. Ils explorent avec une grande finesse la lutte intérieure de Dolours face à son passé, ainsi que la trahison ressentie lorsque Gerry Adams choisit de s'engager dans le processus de paix. Ces épisodes offrent une réflexion poignante sur le poids du silence et la manière dont les idéaux peuvent se heurter à la réalité.Un autre aspect problématique de la série est sa tendance à être trop indulgente envers ses personnages principaux. Bien que Dolours montre quelques signes de conscience dans les derniers épisodes, il n'y a pas de véritable confrontation avec les atrocités qu'elle a commises. La série semble éviter de condamner ouvertement ses actes, se contentant de les présenter comme des choix faits dans un contexte désespéré.

De plus, la violence infligée par l'IRA est souvent reléguée au second plan, tandis que les souffrances des familles des victimes, comme les McConville, ne reçoivent qu'une attention limitée. Cela crée un déséquilibre dans la manière dont les conséquences de ces actions sont présentées, donnant l'impression que certains silences sont trop commodes.Sur le plan visuel, Say Nothing est une réussite. La reconstitution des années 70 et 80 est impeccable, et les scènes de violence sont filmées avec une intensité qui reflète bien la brutalité de cette période. La musique, discrète mais efficace, accentue les moments de tension sans jamais être envahissante. Cependant, cette esthétique soignée peut parfois donner une impression de déconnexion par rapport au sujet.

La violence est montrée de manière réaliste, mais le récit n'insiste pas assez sur ses répercussions humaines et psychologiques, ce qui atténue l'impact émotionnel de certaines scènes. Malgré ses faiblesses, Say Nothing reste une mini-série captivante qui mérite d'être vue. Elle réussit à raconter une histoire complexe avec une grande clarté narrative, tout en offrant des performances d'acteurs remarquables. Si elle échoue parfois à équilibrer ses différents points de vue et à approfondir certains aspects de son récit, elle parvient néanmoins à capturer l'essence tragique des Troubles et les dilemmes moraux qu'ils ont engendrés. En fin de compte, Say Nothing est une série qui suscite la réflexion. Elle pose des questions sur le poids des choix, la loyauté, et le coût humain des idéologies.

Note : 6.5/10. En bref, une mini-série captivante mais imparfaite sur les " Troubles " irlandais. Même si elle laisse parfois trop de choses non dites, elle offre une plongée fascinante dans une période de l'histoire dont les échos résonnent encore aujourd'hui.


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