Cabrini // De Alejandro Monteverde. Avec Cristiana Dell'Anna, John Lithgow et David Morse.
Avec Cabrini, le réalisateur Alejandro Monteverde s'attèle à un projet ambitieux : raconter l'histoire de Frances Xavier Cabrini, une religieuse italienne devenue un symbole d'altruisme et de dévouement envers les immigrants italiens en Amérique au XIXe siècle. Ce biopic, produit par Angel Studios, se veut un hommage sincère à une figure historique majeure. Pourtant, sous ses airs de récit inspirant, le film oscille entre grandeur d'intention et limites narratives. L'un des points forts indéniables de Cabrini réside dans sa reconstitution historique minutieuse. Monteverde transporte le spectateur dans une Amérique en pleine mutation, où les immigrants italiens faisaient face à un racisme systémique et à des conditions de vie déplorables.
Quand sœur Francesca Cabrini débarque à New York en 1889, elle ne possède rien, tout comme des milliers d'immigrants italiens. Avec l'aide de quelques sœurs, malgré sa santé fragile et son isolement dans une société patriarcale, elle va se lancer dans une aventure sans précédent, construisant un orphelinat, puis un hôpital et progressivement un véritable " empire de l'espoir ". Son audace, sa pugnacité et sa charité feront d'elle la première sainte des Etats-Unis d'Amérique, canonisée en 1946 par le pape Pie XII.
Dès la scène d'ouverture, le film plante un décor oppressant, rappelant les luttes incessantes des communautés marginalisées. Ce cadre offre une toile de fond puissante pour explorer des thématiques profondes telles que l'injustice sociale, l'exclusion et la résilience humaine. Cependant, malgré cette richesse historique, le scénario peine à exploiter pleinement son potentiel. Si Cabrini est montrée comme une femme intrépide, déterminée à combattre les inégalités, la narration s'égare parfois dans des stéréotypes et des scènes prévisibles. Le film suit une structure classique, presque trop sage, qui n'ose pas s'aventurer hors des sentiers battus. Cette approche limite l'impact émotionnel du récit, laissant le spectateur avec l'impression d'un potentiel inexploité.
Frances Xavier Cabrini, interprétée avec intensité et sensibilité par l'actrice principale, est incontestablement l'âme du film. Son combat contre le racisme, le patriarcat et les injustices de l'époque est une source d'inspiration. La performance de l'actrice parvient à capturer la complexité d'un personnage à la fois vulnérable et inébranlable, dont la foi inébranlable devient une arme contre les obstacles qui jalonnent son chemin. Pourtant, cette force de caractère est souvent illustrée de manière appuyée, voire caricaturale. Monteverde insiste à plusieurs reprises sur la fragilité physique de Cabrini, soulignant qu'elle n'aurait pas dû survivre plus de trois ans en raison de sa santé fragile. Ce recours aux miracles, typique des récits centrés sur la foi, finit par affaiblir le réalisme du personnage et son impact.
Le film oscille entre la célébration d'une femme exceptionnelle et une représentation mélodramatique qui pourrait aliéner certains spectateurs. Là où Cabrini déçoit le plus, c'est dans son incapacité à maintenir un rythme narratif captivant. Le film s'éternise sur des scènes de morale et de confrontation, donnant parfois l'impression de tourner en rond. La répétition de certains thèmes, tels que la détermination inébranlable de Cabrini et son combat contre l'adversité, finit par lasser. Plutôt que de creuser davantage les enjeux sociaux ou les dilemmes internes du personnage, le scénario semble s'enliser dans une forme de pédagogie appuyée, manquant de subtilité.Le ton religieux du film est omniprésent, ce qui peut diviser l'audience. Si Cabrini se veut un hommage à une femme de foi, la rigueur catholique qui imprègne le récit peut parfois sembler moralisatrice.
Cabrini est dépeinte comme une figure presque messianique, dispensant conseils et sermons aux plus démunis. Ce traitement peut donner lieu à un sentiment de distance, voire d'agacement, chez les spectateurs qui auraient souhaité une approche plus nuancée et moins dogmatique. Malgré ses faiblesses narratives, le film brille par sa qualité visuelle. Les décors, costumes et lumières sont méticuleusement travaillés, immergeant le spectateur dans l'époque décrite. Monteverde démontre un savoir-faire indéniable dans la mise en scène, offrant des séquences esthétiquement réussies. Toutefois, cette réalisation soignée ne suffit pas à compenser les lacunes du scénario.Malgré ses imperfections, Cabrini parvient à toucher grâce à son message humanitaire.
L'histoire de Frances Xavier Cabrini, qui a consacré sa vie à améliorer les conditions des plus vulnérables, reste inspirante. Le film rappelle l'importance de l'engagement et de la solidarité face aux injustices. Il invite à réfléchir sur des thématiques toujours d'actualité, comme la dignité humaine, l'accueil des migrants et le courage nécessaire pour défier les systèmes oppressifs.En conclusion, Cabrini est un film qui, malgré ses intentions louables, souffre d'une exécution inégale. Si la performance de l'actrice principale et la reconstitution historique méritent d'être saluées, le récit manque de profondeur et s'enlise dans une narration parfois caricaturale. Le mélange de drame religieux et de biopic conventionnel risque de diviser l'audience, certains applaudissant l'hommage sincère, d'autres regrettant un traitement trop didactique et répétitif.
Pour ceux qui cherchent une histoire inspirante, Cabrini vaut le détour, ne serait-ce que pour découvrir une figure historique méconnue. Mais pour les spectateurs en quête d'une œuvre audacieuse et novatrice, le film risque de laisser un goût d'inachevé.
Note : 4/10. En bref, Alejandro Monteverde a du mal à prouver sa capacité à adapter quelconque récit au cinéma. Après Sound of Freedom, beaucoup de bruit pour rien autour de ce réalisateur. Dommage car il y a de jolies choses à en tirer mais pas suffisamment pour en faire un film mémorable.
Sorti le 20 mars 2024 au cinéma - Disponible en VOD