Critique Ciné : Les gens d'à côté (2024)

Publié le 10 décembre 2024 par Delromainzika @cabreakingnews

Les gens d'à côté // De André Téchiné. Avec Isabelle Huppert, Hafsia Herzi et Nahuel Perez Biscayart.

André Téchiné, réalisateur iconique du cinéma français, revient avec Les Gens d'à côté. Une œuvre qui, malgré ses ambitions thématiques, s'effondre sous le poids d'une mise en scène vieillissante, d'un scénario prévisible, et d'un jeu d'acteur inégal. Ce film, qui pourrait bien être son dernier en raison de l'âge avancé du réalisateur, peine à captiver et suscite davantage l'ennui que l'admiration. Le film suit Lucie, une policière en fin de carrière, qui tente de se reconstruire après la perte de son compagnon. Elle s'installe dans une banlieue pavillonnaire morose où elle développe une relation ambiguë avec ses voisins, un jeune couple engagé politiquement contre les forces de l'ordre. Ce point de départ offre un potentiel intéressant pour aborder des thématiques complexes comme la confrontation des valeurs, la résilience ou encore l'acceptation de l'autre.

Lucie est une agent de la police technique et scientifique. Son quotidien solitaire est troublé par l'arrivée dans sa zone pavillonnaire d'un jeune couple, parents d'une petite fille. Alors qu'elle se prend d'affection pour ses nouveaux voisins, elle découvre que Yann, le père, est un activiste anti-flic au lourd casier judiciaire. Le conflit moral de Lucie entre sa conscience professionnelle et son amitié naissante pour cette famille fera vaciller ses certitudes...

Malheureusement, le scénario se perd rapidement dans des lieux communs et une écriture paresseuse. L'histoire repose sur une mécanique usée du "film social français", où les personnages apprennent à dépasser leurs différences pour mieux se comprendre. Bien que l'idée de réconciliation soit louable, sa représentation ici est téléphonée et manque de subtilité. Tout est attendu, de l'évolution des relations entre les protagonistes aux leçons de vie tirées par chacun d'eux. Le résultat est une intrigue qui manque cruellement de souffle et qui ne parvient jamais à surprendre ou émouvoir véritablement.La mise en scène est l'un des points faibles majeurs de Les Gens d'à côté. Dès les premières minutes, les mouvements de caméra tremblotants s'avèrent distrayants et inutiles. Que ce soit pour imiter un certain réalisme brut à la manière des frères Dardenne ou pour tenter d'insuffler une énergie artificielle à un récit statique, l'effet est raté.

Ces effets deviennent rapidement irritants et accentuent le sentiment d'amateurisme qui plane sur l'ensemble du film. L'esthétique générale du film, avec sa lumière terne et son cadrage sans inspiration, contribue également à la monotonie ambiante. Certes, la morosité de l'environnement pavillonnaire est en adéquation avec l'état d'esprit du personnage principal, mais cela ne justifie pas une réalisation aussi plate. Ce qui aurait pu être un choix stylistique pertinent se transforme en une démonstration d'ennui visuel. Le casting, pourtant prometteur sur le papier, n'est pas à la hauteur des attentes. Isabelle Huppert, actrice de renom, livre une prestation monotone qui frôle l'apathie. Son interprétation manque d'émotion et de nuance, réduisant son personnage à une série de regards las et de gestes mécaniques.

Si sa réputation de grande actrice repose sur des choix de rôles audacieux et une palette de jeu subtile, ici, elle semble en pilotage automatique. Du côté des seconds rôles, le bilan n'est guère plus reluisant. Moustapha Mbengue, qui incarne l'un des voisins, donne l'impression de réciter son texte sans réelle conviction, tandis que d'autres personnages secondaires sont tout simplement oubliables. Une exception notable est Nahuel Pérez Biscayart, dont l'interprétation plus engagée parvient à insuffler un peu de vie à un film qui en manque cruellement. Un autre écueil majeur du film réside dans l'usage d'une voix-off omniprésente et mal exploitée. Celle-ci, assurée par Isabelle Huppert, se contente souvent de décrire des actions que l'on voit déjà à l'écran ou de combler maladroitement des ellipses narratives.

Au lieu d'enrichir le récit ou d'ajouter une dimension introspective, cette voix-off finit par alourdir l'ensemble et renforce l'impression de regarder une production télévisuelle plutôt qu'un film de cinéma. L'un des aspects les plus frustrants de Les Gens d'à côté est l'incapacité du scénario à approfondir ses thématiques. Les conflits idéologiques entre Lucie, représentante des forces de l'ordre, et ses voisins anti-policiers auraient pu donner lieu à des discussions stimulantes et à une véritable réflexion sur les tensions sociales contemporaines. Mais ces enjeux sont survolés, et les personnages eux-mêmes manquent de profondeur psychologique pour rendre leurs interactions crédibles. De même, certains éléments du récit semblent purement décoratifs, comme les scènes de jogging répétitives ou les séquences de danse et de patinage artistique.

Ces ajouts, qui pourraient être utilisés pour enrichir l'univers du film, donnent au contraire une impression de remplissage.André Téchiné, qui fut autrefois un pilier du cinéma français avec des œuvres marquantes comme Les Roseaux sauvages, semble ici à bout de souffle. Le film reflète malheureusement une carrière en perte de vitesse, où l'inspiration semble s'être tarie au fil des années. Si ses premiers travaux se distinguaient par leur finesse narrative et leur profondeur émotionnelle, Les Gens d'à côté apparaît comme une œuvre datée, déconnectée des attentes contemporaines.En somme, Les Gens d'à côté est une déception à presque tous les niveaux. Ni l'écriture ni la mise en scène ne parviennent à donner vie à un récit qui aurait pourtant pu être pertinent dans le contexte actuel.

Les performances d'acteurs, majoritairement ternes, et une esthétique dépassée achèvent de rendre l'expérience peu engageante. Ce film illustre tristement le déclin d'un réalisateur qui fut autrefois à la pointe du cinéma français. Si certaines scènes montrent encore une maîtrise technique et une sensibilité propre à Téchiné, elles sont noyées dans un ensemble laborieux et sans saveur. À la fois trop convenu et maladroit, Les Gens d'à côté laisse le spectateur sur une note d'amertume. Une œuvre que l'on oubliera rapidement, et qui, pour moi, ne fait que confirmer le caractère inégal de la filmographie de son auteur.

Note : 2/10. En bref, une oeuvre désuète et sans éclat.

Sorti le 10 juillet 2024 au cinéma - Disponible en VOD