Il pleut bergère de Georges Simenon

Par Etcetera

L'écrivain, poète, éditeur et blogueur Etienne Ruhaud a créé le défi de lecture " Un classique par mois" , et j'essaye tant bien que mal de m'y tenir. Il s'agit de découvrir chaque mois un écrivain classique que l'on n'a encore jamais lu. Voici le lien vers son blog Page Paysage.
Comme Ana-Cristina m'avait conseillé Simenon, j'ai pensé qu'il entrerait parfaitement dans ce challenge littéraire.
Ayant longtemps associé cet écrivain aux enquêtes de Maigret, et n'étant pas tellement attirée par cette figure trop bien connue, j'ai choisi d'entrer dans son univers par le biais d'un roman qui n'est pas tout à fait policier bien qu'il y ait tout de même une forme d'enquête et du mystère.

Note Pratique sur le livre

Editeur : Folio
Genre : Roman policier
Date de parution initiale : 1941
Nombre de Pages : 215

Note biographique rapide sur l'auteur

Georges Simenon, né en 1903 à Liège et mort en 1989 à Lausanne, est un écrivain belge francophone. L'abondance et le succès de ses romans policiers - dont les Maigret - éclipsent en partie le reste de son œuvre très riche : 193 romans, 158 nouvelles, plusieurs œuvres autobiographiques et de nombreux articles et reportages publiés sous son propre nom, ainsi que 176 romans, des dizaines de nouvelles, contes galants et articles parus sous 27 pseudonymes. Il est l'auteur belge le plus lu dans le monde.
(Source : Wikipédia)

Extrait de la Quatrième de Couverture

Quand il avait sept ans, Jérôme passait toutes ses journées à la fenêtre, regardant le spectacle de la rue. Dans la maison en face de la sienne, il y avait un petit garçon, Albert, qui, lui aussi, était toujours à sa fenêtre. Une grande sympathie naquit entre les deux enfants et Jérôme peu à peu découvrit le secret de son petit voisin : le père d'Albert était un assassin recherché par la police et dont la tête était mise à prix.

Mon Avis

Ce livre fait partie des romans de Simenon et non pas de la série des Maigret. Malgré tout, il plane une atmosphère de mystère tout au long de cette histoire et on peut dire que le petit garçon - Jérôme, le héros du livre - est une sorte d'enquêteur, avec sa façon bien à lui de s'interroger, de faire des hypothèses et des déductions, mais aussi de protéger ses informations. Ce qui est intéressant ici c'est la présence néfaste et redoutable de la tante Valérie, qui se comporte comme une ennemie du petit garçon et qui cherche à empiéter sur son enquête et à découvrir les résultats de ses investigations. Non seulement cela rajoute du piment à l'intrigue mais cela nous donne une image de l'enfance qui me paraît juste : soucieuse de garder ses petits secrets et de ne pas dévoiler ses trouvailles aux yeux des adultes. Parallèlement, une chose intéressante c'est que les adultes autour de cet enfant lui cachent également des tas d'événements et de réalités. Il semble vivre entouré de non-dits, ce qui l'oblige à faire des suppositions et lui donne un temps de retard probable par rapport à son entourage familial. Et pourtant, son ingéniosité et son obstination vont lui permettre d'aboutir à la vérité avant tout le monde.
J'ai particulièrement apprécié la manière dont Simenon restitue les sentiments, l'état d'esprit, les révoltes et les doutes de l'enfance. J'ai aussi aimé les descriptions de la pluie et du climat sombre et humide de cet appartement, de ce quartier et de cette ville. La façon elliptique de dessiner les caractères des personnages, à partir de phrases tronquées ou laissées en suspens, m'a plu également. Les dialogues sont souvent laconiques mais ils nous renseignent tout de même beaucoup sur ce qui reste caché ou sous-entendu.
La reconstitution d'une époque - le début du 20è siècle - avec son climat social agité, ses luttes entre policiers et grévistes, de même que ses nombreux attentats anarchistes, m'a également intéressée.
Une lecture qui restera pour moi un souvenir agréable, avec une écriture subtile et assez épurée, une ambiance qui a énormément de charme.

Un Extrait page 73

J'ai collé mon visage à la vitre. Un mouvement venait de se produire au marché. Un colleur d'affiches s'était arrêté près de la grande entrée et avait appliqué une feuille blanche sur le mur de pierre. De loin, je pouvais lire, en gros caractères très noirs, un chiffre : 20 000. Et j'étais presque sûr que le mot qui suivait était francs.
Tante Valérie n'avait rien vu. Les mains croisées sur le ventre, elle reprenait haleine, sans toutefois laisser à M. Livet le temps de parler. D'un signe, en effet, elle lui indiquait qu'elle allait continuer.
Je ne sais pas pourquoi je me suis levé et ai quitté la pièce sans bruit. Il y faisait tiède et gris. Il y sentait le tissu, comme tous les vendredis. En bas, je trouvai ma mère sur le seuil en conversation avec une cliente et toutes deux regardaient de loin le groupe qui s'était formé devant l'affiche.
- Tu vas prendre froid, Jérôme... Mets ton paletot...
Je me faufilais déjà entre les bancs du marché tandis que la pluie me rafraîchissait la tête. Je me retournai machinalement. Je vis la jupe de ma tante, ses pieds toujours enveloppés comme des pansements. C'étaient des pantoufles de feutre dont elle était obligée de fendre le dessus, car elle avait les chevilles enflées. Près d'elle, avec sa figure de Chinoise, mademoiselle Pholien me suivait des yeux.
" Une récompense de 20 000 francs est offerte par le gouvernement à toute personne dont les indications permettront de découvrir l'auteur de l'attentat de l'Etoile... "