En juillet, une brève dans Marianne laissait penser que François Laborde, remplaçante d'Elise Lucet au journal de 13 heures de France 2, avait largement dénoncé les hypocrisies du petit monde de la télévision dans son dernier ouvrage : "Ca va mieux en le disant...".
Alors, en tombant dessus à l'espace Culture d'un Centre Leclerc de Bretagne, je décidai de découvrir les secrets de la télévision et ainsi meubler mes journées de pluies estivales. L'ouvrage était savamment mis en avant, entre le nouveau livre de Ségolène Royal et l'autobiographie de Marie-Paule Belle. Comme quoi, il n'y a pas que Christine Angot qui écrit des livres. Tiens, d'ailleurs, Christine Angot, qu'est-ce qu'elle devient ? Et bien, contre toute attente, elle vient d'écrire sur sa relation amoureuse avec Doc Gynéco. J'ose croire qu'on apprendra si Bruno Beausir en a une petite ou une grosse. Corde vocale, bien entendu.
Mais revenons à notre héroïne, l'Atala des journalistes, la Carmen du J.T., la Marianne des Quatre vérités : Françoise Laborde. A 54 ans, Françoise en a assez de mentir.
« Alors je veux bien dire la vérité, mais pas toute seule ! Si j'ai d'abord pu croire que j'étais la seule à mentir, une évidence s'est vite imposée à moi : dans ce pays, tout le monde ment. C'est même devenu un sport national. Je ne résisterai donc pas au plaisir de pointer du doigt les faux-semblants, les faux sincères et les faux culs, tous ceux qui s'accommodent d'un "presque", d'un "à peu près" ou d'un "pas tout à fait". Et ils sont nombreux ! » Catherine Laborde, Ça va mieux en le disant..., Fayard, Avril 2008, pp. 12-13
Bon sang ! Ça va saigner !
Le premier chapitre est intitulé "Les durs démarrages..." Comme vous l'aurez remarqué, l'éditeur de Madame Laborde aime bien les points de suspension. Ça donne de suspense... Ça laisse croire au lecteur qu'il n'imagine pas du tout ce qu'il va découvrir. Donc ça ouvre l'appétit. C'est sûr que les démarrages difficiles de Françoise on n'y croit qu'à moitié. Et une fois qu'on a terminé le chapitre, on n'y croit plus du tout. Françoise est la dernière née, après ses deux soeurs, nommées G. et C. dans le livre. On se sent superficiellement dans un roman d'espionnage. Alors qu'elle nous annonçait qu'elle allait tout avouer dans ce bouquin, ses soeurs sont affublées d'initiales. Ça laisse présager de la suite des "révélations". C. est Catherine Laborde comédienne déçue et déchue, devenue présentatrice de la météo sur TF1. Pour l'anecdote, je me rappelle un article de France Dimanche sur le passé de Catherine Laborde, où elle jouait nue ! Oui, chers lecteurs, il existe un film d'art et d'essai où on voit Catherine Laborde nue [1] ! Françoise Laborde a un autre moyen bien à elle de mouiller sa chemise : elle pratique l'aveu avec une déconcertante facilité. Ainsi, nous apprenons qu'elle est fille de professeurs, qu'elle passait ses vacances à Washington, qu'elle jouissait d'un étage avec ses sœurs dans la maison familiale bordelaise, qu'elle avouait de menus péchés à la confession. Bref, le vie de Catherine Laborde s'est déroulée bourgeoisement.
Avant d'être diplômée, Françoise suivit le chemin de sa sœur. Après avoir suivi les même cours de théâtre que Catherine, elle débarque à Paris. A elle la vie de bohème et les mises en scène post-soixante-huitardes !
« Je ne m'y suis pas reconnue, je m'y suis perdue. Je rêvais de grands textes, je rencontrais des imposteurs. Je rêvais de création, ils ne parlaient que "mouvements". » Françoise Laborde, p. 62
Enfin, elle retourne à ses chères études. Nous sommes passés à côté d'une immense actrice, nous gagnerons une diplômée de DEA de droit des affaires. Car, en 1974, il fallait oser le Bac + 5. Elle est comme ça, Françoise ! Elle n'a pas connu le chômage. Fraîchement diplômé, elle publie une annonce de recherche d'emploi dans Le Monde. Elle est contactée par une agence de presse spécialisée dans les informations européennes confidentielles. Un mois plus tard, elle est embauchée. Elle se fait une gloire de ne pas être passée par une école de journalisme, "ce nouveau sésame pour entrer dans les rédactions où l'on formate les esprits et finit par tuer le métier". Elle a donc travaillé à Bruxelles, en se spécialisant sur les questions agricoles. C'est le début de la success-story.
« Je sortais tout le temps, les fêtes au Parlement succédaient aux réceptions dans les ambassades, et le protocole était des plus souples.
J'ai rencontré là tout les dirigeants européens, des ministres français que je n'aurais pas même rêver de croiser à Paris. J'étais aussi la plus jeune des journalistes accrédités à la Commission. Pour la première fois, mon statut de petite dernière m'offrait des avantages que je savourais comme un cadeau inattendu : je pouvais sans rougir demander conseil aux plus "grands" - ceux qui signaient dans Le Monde, le Financial Times ou le Herald Tribune, tous les héros de mon panthéon personnel. » Catherine Laborde, p. 69.
Avec son carnet d'adresses bien rempli, elle retourne à Paris. Il s'ensuit une petite description du métier de journaliste. Puis, François Laborde passe au chapitre-phare : "Mes quatre vérités". Évidemment, il s'agit d'une subtile allusion au titre de son émission sur France 2. Une fois passés les mensonges anodins tel que tricher sur son âge ou laisser un faux diplôme sur son CV [2], on découvre les grosses cachoteries. Ainsi Françoise a simulé un accident de voiture pour échapper à une réunion professionnelle ! Franchement, j'attendais du méga scoop comme une interview de Sarkozy bourré, alors j'ai été complètement déçu. Mais ce n'était pas fini. Elle parle ensuite de son plaisir décrire et de voir son nom en couverture, en tête de gondole, piège qui m'a fait débourser 17,10 € pour ce récit autobiographique. Puis vient le cri du cœur de la bourgeoise :
Donc, moi qui ne suit pas membre d'une confrérie ou d'un parti, fille de, épouse de, maîtresse de, moi qui ne suis pas venue d'ailleurs ou de milieux "à part", moi qui suis désespérément dans la norme, française, provinciale, hétérosexuelle, blonde, n'appartenant à aucune de ces catégories qui bénéficient, au choix, d'un coup de pouce ou d'une discrimination positive, je sais qu'il ne me faut rien attendre que je ne doive à moi-même. Comme dit Cyrano (acte II, scène 8).
Et que faudrait-il faire ? [...] Chercher un protecteur puissant, prendre un patron, Et, comme un lierre obscur qui circonvient un tronc Et s'en fait un tuteur en lui léchant l'écorce, Grimper par ruse au lieu de s'élever par force ? Non, merci. [...] Puis, s'il advient d'un peu triompher, par hasard, Ne pas être obligé d'en rien rendre à César, Vis-à-vis de soi-même en garder le mérité. Bref dédaignant d'être le lierre parasite, Lors même qu'on n'est pas le chêne ou le tilleul, Ne pas monter bien haut, peut-être, mais tout seul !
Donc, Françoise Laborde se plaint donc d'être dans la norme. Elle aurait pu naître pauvre et cul-de-jatte. Et elle joue le numéro de Caliméro. Pauvre petite fille riche ! S'ensuit un chapitre sur ses problèmes de travaux. Les ouvriers n'ont pas bien fait leur boulot et il faut leur remonter les bretelles. Passionnant ! Un autre chapitre traite des chamailleries familiales. Nous apprenons que Catherine et Françoise se sont brouillées pour décider de la maison de retraite pour Tante Mita. C'est "Bas les masques" avec Françoise. Dans un dernier chapitre intitulé "mensonges en vrac", vous apprendrez que Françoise ne supporte plus les files d'attente dans les bureaux de poste, les incivilités au quotidien, "les bandes de copains du show-biz prêts à se mobiliser pour n'importe quelle cause humanitaire qui leur permet de se produire à la télévision"...
Mais alors pourquoi ai-je décidé de faire un résumé du bouquin ? Tout d'abord, pour permettre une substantielle économie sur votre budget de rentrée. Car Soulès...tocade pense à votre pouvoir d'achat déclinant. Et El Ronchon voulait absolument saluer l'oeuvre de la journaliste. Moins "branchée de gauche" que Pascale Clark, elle signe son neuvième ouvrage et signe un joli paragraphe sur l'art du torero.
Toréer est bien le mot qui convient à l'art de l'interview. C'est en effet un exercice assez voisin de la corrida. Pour que le torero soit bon, il faut que le taureau soit brave, c'est-à-dire qu'il ne refuse pas l'affrontement. Et pour que le taureau soit bien toréé, il faut que le torero soit bien courageux, c'est-à-dire qu'il accepte les passes au plus près, là où l'on risque à chaque fois le coup de corne, car parfois l'animal est rétif - ou vicieux : on croit la passe terminée, et, d'un coup de reins, la bête se retourne et vous encorne ! Certes, dans l'interview, la mise à mort n'est pas indispensable : taureau et toréro en sortent tous deux vivants - et devraient sortir tous deux grandis. Sauf que, dans l'interview, celui qui gagne les oreille et la queue n'est pas forcément le torero : et c'est ce qui fait toute la beauté de la chose.
En dehors de toute tournée promotionnelle pour Ça va mieux en le disant, au journal de France 2 du 21 août, alors que la France profitait de ses derniers jours de congés, Françoise Laborde se lâchait définitivement.