Dans la longue liste des innovations que l’on attribue aux Beatles, on évoque souvent leur rôle de pionniers dans l’écriture de leurs propres chansons, leurs tournées dans des stades gigantesques, ou encore leur incursion inattendue dans le monde du film. Mais parmi les mille et une prouesses qui leur sont associées, il en est une qui passe parfois inaperçue : leur impact profond sur la pratique instrumentale elle-même.
C’est peut-être parce que leurs chansons semblent, à première vue, assez simples. Le mythe du « trois accords et c’est parti » s’est largement répandu, alimenté par la convivialité et l’accessibilité de leur musique. Pourtant, la facilité apparente de leurs morceaux dissimule une grande finesse. Les Beatles étaient des instrumentistes accomplis, chacun dans son domaine, avec un sens aigu de la composition et des arrangements. John Lennon, George Harrison et Paul McCartney étaient loin de se limiter au format « guitare-riff-voix » ; même Ringo Starr, souvent sous-estimé, est considéré par de nombreux professionnels comme un batteur remarquablement nuancé, au service de la chanson.
S’il faut néanmoins distinguer un musicien plus talentueux que les autres, le nom qui revient sans cesse est celui de Paul McCartney. Outre sa voix singulière, sa polyvalence instrumentale, son aisance au piano et ses aptitudes de compositeur, Macca s’est illustré comme l’un des plus grands bassistes de l’histoire du rock. Son jeu de basse, vif et mélodique, ne se limitait pas à soutenir la rythmique. Il s’invitait dans les lignes de chant, complétait la structure harmonique, et pouvait transformer un morceau en lui donnant une profondeur supplémentaire.
Ce constat n’est pas uniquement celui des fans ou des critiques : Geddy Lee, le virtuose de la basse au sein du groupe Rush, a lui-même salué le jeu de McCartney. Dans une interview pour Rolling Stone, Lee le place au panthéon des bassistes légendaires, aux côtés de Jaco Pastorius et de John Entwistle. Il insiste sur la façon dont Paul, plutôt que de se contenter d’une simple ligne de basse fonctionnelle, pouvait insuffler une dimension mélodique et inventive, offrant à la chanson un relief inédit.
Lee cite en exemple « Taxman » et « Come Together » : deux titres emblématiques où la basse de McCartney joue un rôle clé. Sur « Taxman », la ligne de basse est nerveuse, bondissante, un véritable moteur qui propulse la chanson. Sur « Come Together », elle glisse et se faufile entre les accords, ajoutant un sous-texte mélodique presque hypnotique. Pour Geddy Lee, ces lignes de basse étaient si marquantes que c’est « Taxman » qui l’a incité, adolescent, à saisir pour la première fois une basse.
Loin d’être isolé dans sa pratique, McCartney puisait lui-même son inspiration chez d’autres maîtres du groove, à commencer par James Jamerson, légendaire bassiste de la Motown. Paul n’a jamais caché son admiration pour cet artisan discret, dont le jeu raffiné et souple a façonné le son de centaines de hits de la soul américaine. Interviewé par Ronnie Wood, McCartney déclarait que Jamerson était sa « principale influence » à la basse, citant son sens du placement, sa fluidité, et la façon dont il animait chaque chanson de lignes vibrantes et inoubliables. Geddy Lee partage ce point de vue, admirant autant les lignes fluides de Jamerson que celles de McCartney.
Cette interconnexion entre musiciens est au cœur de l’évolution de la musique populaire. Les Beatles, souvent considérés comme des extraterrestres apparus de nulle part, étaient aussi des épongeurs d’influences, écoutant attentivement ce qui se passait autour d’eux, étudiant les techniques et les trouvailles de leurs prédécesseurs et contemporains. Ils n’ont pas seulement inventé : ils ont absorbé, transformé, intégré des éléments du rock, de la soul, de la pop, pour en faire une synthèse nouvelle. Et dans ce processus, la basse de McCartney témoigne de leur ouverture, de leur capacité à apprendre des meilleurs, qu’il s’agisse de James Jamerson ou d’autres maîtres des lignes mélodiques.
En fin de compte, c’est un dialogue permanent. Paul McCartney s’est formé en écoutant Jamerson, Geddy Lee s’est trouvé une vocation en écoutant McCartney, et ainsi de suite. Les Beatles ont, certes, accompli de nombreux « premiers pas », mais ils n’ont jamais cessé de dialoguer avec leur époque et leur environnement sonore. En soulignant l’importance du jeu de basse de Macca, Geddy Lee ne fait pas seulement l’éloge d’un musicien brillant ; il rappelle aussi que la grandeur des Beatles ne résidait pas uniquement dans leur statut de pionniers, mais aussi dans leur rôle de passeurs et d’interprètes inspirés, nourris par un océan d’influences.
C’est cette capacité à intégrer des traditions, à puiser dans les trouvailles d’autres musiciens, à transcender les limites du format pop, qui continue d’assurer au groupe une place à part dans l’histoire de la musique. Et quand un virtuose comme Geddy Lee se met à louer la basse de McCartney, c’est la preuve que, derrière la simplicité apparente de leurs morceaux, les Beatles demeurent des modèles de finesse, d’écoute et d’évolution permanente.
Cet article répond aux questions suivantes :
- Quels aspects des Beatles ont influencé les instrumentistes ?
- Pourquoi Paul McCartney est-il considéré comme un bassiste exceptionnel ?
- Qu’a déclaré Geddy Lee à propos de la basse dans les chansons des Beatles ?
- Quelle était l’influence de James Jamerson sur Paul McCartney ?
- En quoi les Beatles s’inspiraient-ils de la musique de leur époque ?