En 2013, je me moquais du lancement par les banques françaises de Paylib, qui ne faisait guère que répliquer ce que propose PayPal depuis le début du siècle. Une décennie plus tard, ce sont les banques américaines qui s'éveillent à la même opportunité… Bank of America n'hésitant pas à la présenter comme une innovation majeure !
Appréciez donc la révolution du paiement en ligne portée par la solution Paze, développée par Early Warning System, l'entreprise détenue par un consortium d'institutions financières qui gère le système de paiement entre pairs Zelle (qui n'était lui-même pas très en avance sur son temps). Après sélection sur la page de règlement d'un site d'e-commerce partenaire, vous saisissez votre adresse de courriel, vous confirmez votre identité via un code à usage unique reçu sur votre téléphone, vous choisissez la carte à laquelle vous souhaitez affecter la transaction… et voilà !
Vous ne serez pas seuls à reconnaître dans cette description le fonctionnement, entre autres, de PayPal. Les bénéfices mis en avant sont d'ailleurs identiques, sans surprise, entre la simplification de l'expérience utilisateur (il n'est plus nécessaire de saisir les informations de sa carte) et le surcroît de sécurité (les données sensibles n'étant jamais transmises). Seules différences ? L'intégration dans les applications bancaires existantes, autorisant tout au plus l'actualisation automatique lors du renouvellement de carte, et l'absence de commissions pour les marchands… mais jusqu'à quand ?
Naturellement, la gratuité est le seul argument envisageable pour quiconque tente de s'infiltrer dans un marché occupé depuis 25 ans, sur lequel n'est apportée aucune différentiation concurrentielle (comment comprendre que le support sous-jacent soit la carte et non un virement bancaire, assorti, éventuellement, d'un option fractionnée ou de crédit ?). Et les banques qui soutiennent directement l'initiative ont les poches suffisamment profondes pour assumer une telle tactique. Mais les e-commerçants vont-ils se laisser convaincre aussi facilement par une énième option de paiement, qui, même si elle promet plus de fluidité à leurs clients, introduit d'abord un supplément de confusion devant la multiplication des choix disponibles ?
Cependant, le plus étonnant, selon mon point de vue, est la manière dont Bank of America essaie avec cet ajout de Paze à sa panoplie de services de se donner une image d'innovatrice qui ne peut tromper personne. À moins de considérer que la faculté pour un acteur traditionnel de rattraper son retard sur ce qui n'est plus une startup, après 25 ans d'observation… émaillée de collaborations, reste un exploit. C'est peut-être le même raisonnement qui prévalait aux débuts de Paylib et qui semble devoir encore jouer pour le démarrage balbutiant de son successeur européen Wero.