Je me souviens encore comment, posé sur les pelouses de la fac de lettres de Grenoble, après avoir subit un parcours du combattant pour intégrer l'école de journalisme et de communication, je me suis dit "Ca manque de gestion de la connaissance, par ici...".
Dix ans plus tard, après avoir cédé puis résisté aux sirènes parisiennes de la télévision et du cinéma, après avoir réussi mes études, appris un métier, repris mes études et désappris mon métier, je me retrouve sur le point de mettre en place un gros projet de gestion des connaissances administratives à l'Université.
A grand renforts de costumes, de réunions de cadrage, de power-points avec des petits bonshommes qui sourient et de dossiers remplis de graphiques pertinents pour dénicher un budget de fonctionnement.
Posé nonchalamment contre le dossier bien dur de ma chaise volontairement spartiate, faisant semblant de me soucier autant du monde que James Dean pourrait se soucier du cours de la Bourse à Tokyo, détendu comme un petit moine zen détaché des réalités quotidiennes, je m'apprête à attaquer de front l'une des forteresses les mieux protégées du territoire : le fonctionnement de l'administration française, dont le monde entier nous envie l'immobilisme et les délicieux moments d'absurdité.
"Ah non, le formulaire E411, c'est au bureau 33b, au troisième étage. Mais là, il y a personne, donc il vaudrait mieux passer à l'annexe du secrétariat, qui est dans l'autre bâtiment. Mais plutôt demain matin…"Comment expliquer aux personnels administratifs, mes collègues, tous charmants, compétents, efficaces et bien souvent sincèrement dévoués au service public, que la somme de leurs efficacités individuelles résulte souvent en un joyeux foutoir, côté usager ?
Toute la théorie apprise et élaborée durant mon master me servira certainement, au mieux, à me rassurer et à donner un peu plus de rigidité amidonnée à mon costume, lorsque l'on m'expliquera comme, on l'a déjà fait, que "les choses fonctionnent comme ça depuis plusieurs décennies, et que ça ne changera pas avant que Machine parte à la retraite...".
Esprit de Don Quixotte, je sens que je vais encore avoir besoin de toi…
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