Ce quatrième tome de la série des Actuelles d'Albert Camus a une histoire tout à fait singulière qui nous est racontée à la fois dans l'avant-propos de Catherine Camus et dans la très intéressante préface de Vincent Duclert un des meilleurs spécialistes de Camus, dont j'avais particulièrement "Camus ,du pays des libertés".Tout part d'un petit dossier trouvé à Lourmarin et qui était le plan et les textes que Camus souhaitait publier au moment de sa disparition. Il travaillait donc ,à ce moment, à la fois au Premier Homme qui paru longtemps après sa mort et à la réunion d'articles , de discours , de lettres qu'il souhaitait réunir et publier dans Actuelles IV.Catherine Camus et ceux qui l'ont aidé font finalement paraître ce livre plus de soixante ans parés sa disparition et c'est une très heureuse initiative car beaucoup de la pensée de Camus se trouve là dans ce livre qui porte en sous-titre : " Face au tragique de l'histoire". On pourrait penser que ces textes sont dépassés, les temps ayant changé. Ce n'est pas du tout le cas et le lecteur y découvrira de nombreuses grilles de lectures pour les temps présents., dans ce style magnifique de l'auteur.On y trouve de nombreux textes ( souvent des discours) concernant la guerre d'Espagne et la lutte contre les franquisme et ses crimes mais aussi concernant les crimes commis à l'Est et devant lesquels de trop nombreux intellectuels en France et en occident se montraient soit aveugles soit complaisants. IL est bon de relire ces textes au moment où le monde est , de nouveau, confronté au tragique et à la guerre.Dans un texte intitulé Poznan il écrit : "Depuis quelques mois, un mythe s'écroule irrésistiblement devant nos yeux. Nous connaissons aujourd'hui ma tristesse d'avoir eu raison en refusant de considérer les régimes de l' Est comme révolutionnaires et prolétariens. Tristesse en effet; qui se réjouirait d'avoir eu raison en annonçant que des millions d'hommes souffraient véritablement de misère et d'oppression? Aujourd'hui la vérité, la terrible vérité éclate, le mythe vole en éclats. Mais nous savons que ce mythe pendant des années a perverti les consciences et les intelligences européennes. Même devant l'éclat du jour, ces aveugles diront encore qu'il fait nuit. Ils le diront plus malaisément aujourd'hui. Les ouvriers de Poznan viennent de porter le dernier coup à une mystification longtemps triomphante, longtemps cynique. Il ne peut plus y avoir d'aveugles, ou naïfs, aujourd'hui ,autour de cette déchéance. IUL ne peut plus y avoir que des complices." ( p. 116).On trouve aussi , dans ce livre trois lettres très émouvantes d'une jeune Hongroise qui écrit à Camus la façon dont il est lu dans ce pays par la jeunesse et le réconfort que l'écrivain apporte à cette jeunesse sous le joug soviétique dans ses efforts pour se libérer. Vous lirez aussi la réponse d'Albert Camus chaleureuse et forte à cette jeune fille.Camus nous emmène à réfléchir sur le fait totalitaire, encore existant de nos jours en Russie par exemple, et il met en garde: " ..Il n' y a pas d'évolution possible dans une société totalitaire. La terreur n'évolue pas, sinon ,vers le pire, l'échafaud ne se libéralise pas, la potence n'est pas tolérante. Nulle part au monde on n'a pu voir un parti ou un homme disposant du pouvoir absolu ne pas en abuser absolument.Ce qui définit la société totalitaire, de droite ou de gauche, c'est d'abord le parti unique et le parti unique n'a aucune raison de se détruire lui-même." (p.140). Cela est toujours vrai.Enfin une partie du livre est consacrée à sa réflexion sur l'engagement de l'intellectuel et ces articles démontrent son engagement permanent pour la liberté et la justice.Il y a , enfin , dans cet ouvrage quelques lettres adressées ou reçues par Camus dans le cadre de son engagement. Parmi elles quelques lettres de Gisèle Halimi, importantes , pour moi, car elle font justice de ce qu'a écrit Olivier Gloag dans son "Oublier Camus et que j'avais déjà critiqué.Nous avons là un livre qui nous montre l'essentiel de la pensée politique de Camus, l'illustration de ce qu'il a écrit un jour et qui me paraît la quintessence de sa pensée en ce domaine "Si l'on échoue à réunir la justice et la liberté on échoue en tout."