Ces deux poèmes sont extraits du recueil « La révision« . Je ne connaissais absolument rien à la poésie écossaise avant de découvrir ce livre, par hasard, chez Gibert. Ce recueil est composé de trente-six poèmes, trente-trois en anglais et trois en langue écossaise.
La présence de la nature, d’une quête de sens, d’images révélatrices de significations plus profondes (cf. le poème « Ombre et faucon » ci-dessous), savent toucher le lecteur.
Le poème sur les roses m’a énormément plu – non seulement pour sa beauté mais parce qu’il renouvelle avec talent un très vieux thème poétique (qui fait penser à Ronsard ou même à l’Antiquité grecque) et, aussi, parce qu’il propose des citations de Rosa Luxembourg (phrases en italiques) qui donnent beaucoup de saveur et de piquant à ces roses !
Note pratique sur le livre
Éditeur : La Baconnière (suisse)
Date de publication : 2024 pour cette édition francophone, 2012 pour la version originale
Édition bilingue
Traduit de l’anglais et de l’écossais par Christian Garcin
Nombre de pages : 95
Présentation de l’éditeur
À la question comment vivre, Kathleen Jamie répond par l’observation du visible et de l’invisible. Son recueil témoigne de l’intensité des souvenirs et des présences à ses côtés, que ce soit lors de la perte d’un être aimé ou de l’apparition soudaine d’une harde de cerfs… Elle s’adresse aux oiseaux et aux vents dans une langue claire et sensible.
(Source : Quatrième de Couverture)
Notule biobibliographique sur la poète
Poétesse et essayiste écossaise, Kathleen Jamie (née en 1962) a publié une dizaine de recueils de poèmes et gagné plus d’une quinzaine de prix, dont le prestigieux prix anglais, The Forward Book of Poetry. Deux de ses essais ont paru aux Éditions La Baconnière Tour d’horizon et Strates. Élue Makar en 2021, elle est l’actuelle ambassadrice de la poésie écossaise.
(Source : Editeur)
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(Page 31)
Ombre et faucon
Je regardais un faucon
planer au ras de la colline,
sa propre ombre noire
dans ses serres, comme une proie.
Il inclina ses ailes,
bascula dans l’air —
et l’ombre poursuivit sa course
sans lui, comme un lièvre.
Peu en harmonie avec
ma soi-disant âme,
en partie faucon détaché,
en partie ombre en liberté surveillée,
j’ai agi avec désinvolture,
gardant l’un en vue
et abandonnant l’autre.
Le faucon prit de la hauteur :
sa compagne au sol
commença à s’estomper,
jusqu’à ce que ciel et colline soient vides,
et que j’aie peur.
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(Page 53)
Roses
pour M D
C’est le moment où les roses
tombent en cascade sur les murs des ruelles,
envahissent les jardins publics —
leurs couleurs crème ou rose froissé
se déployant désormais pour révéler
une pensée inavouée.
Ce monde est aussi à nous ! osent-elles affirmer,
sans souci du lendemain
et totalement privées de leadership
car qui monterait sur une estrade
pour défendre la cause des roses ?
«Je marchande ma petite
part de bonheur »,
dit chaque fleur, égale aux autres, dans la masse parfumée.
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