Depuis 1945, Edgard Varèse, un célèbre compositeur d’origine française, a une idée fixe. Il veut inventer une musique qui ressemble au désert de Gobi. En 1954, il donne vie à son envie et achève enfin Déserts. La partition, très originale pour l’époque, est interprétée par 14 instruments à vent (2 flûtes, 2 clarinettes, 2 cors, 3 trompettes, 3 trombones, 2 tubas), 5 percussions, 1 piano et un dispositif électro-acoustique. On dit de ce type d’œuvre, combinant un orchestre et des bandes magnétiques enregistrées, qu’elle appartient à la musique mixte. Le projet de Déserts, sans précédent, est de mettre face à face la musique électronique et la musique orchestrale : trois séquences de « sons organisés » sur bande sont interpolées dans une composition pour un orchestre de vents, de piano et de percussions.
Selon Edgard Varèse, le titre de la pièce concerne « non seulement les déserts physiques de sable, de mer, de montagne et de neige, l’espace interstellaire, les rues désertes des villes… mais aussi l’espace intérieur lointain… où l’homme est seul dans un monde de mystère et de solitude essentielle ».
Varèse commence à composer en 1952-1953, grâce au don anonyme d’un magnétophone Ampex. Ann McMillan, une jeune compositrice américaine, devient son assistante et enregistre, les sons des usines et des instruments de percussion que Varèse utilisera dans cette composition. Après quelques retouches en studio, les Déserts peuvent être interprétés.
La création à Paris, au Théâtre des Champs-Élysées, le 2 décembre 1954, cause un véritable scandale. Cette exécution s’inscrit dans le cadre d’un concert radiodiffusé, devant un public non préparé et majoritairement conservateur, Déserts étant placé entre des pièces de Mozart et de Tchaïkovski. La réaction du public est plus que virulente. Les auditeurs sont surpris par tant d’innovations sonores. Dès les premières mesures, le public siffle, puis la contestation enfle. Des huées, des cris, des rugissements emplissent la salle, à tel point que la musique devient inaudible !
Ecoutez l’enregistrement de la première représentation ci-dessous !
La réaction de la presse française est tout aussi féroce. Varèse et son œuvre sont « massacrés » dans la plupart des journaux. Le pauvre chef d’orchestre qui a dirigé l’œuvre est quant à lui interdit de travailler à Paris. Heureusement, la présentation de Déserts au public de Stockholm reçoit un accueil très chaleureux. Varèse peut alors faire voyager son œuvre jusqu’aux Etats-Unis et devenir l’un des plus grands représentants de la musique concrète.
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