Wicked // De John M. Chu. Avec Cynthia Erivo, Ariana Grande et Jonathan Bailey.
Lorsque j'ai découvert l'annonce du film Wicked, mes attentes étaient mitigées surtout que j'ai adoré la comédie musicale à Broadway il y a plus de dix ans de ça. D'un côté, la présence d'Ariana Grande m'avait laissé sceptique quant à sa capacité à incarner Glinda, un personnage emblématique et complexe. D'un autre côté, la renommée de la comédie musicale originale, qui a conquis Broadway depuis des décennies, laissait présager une adaptation ambitieuse. Finalement, ce long-métrage s'est avéré être une surprise, alternant entre éclats de génie et moments d'hésitation. Dès les premières minutes, Wicked transporte son spectateur dans un univers visuel foisonnant. Sous la houlette de Jon M. Chu, la mise en scène reprend avec brio l'essence du théâtre. Les décors kitsch et colorés rappellent le monde fantaisiste d'Oz tout en lui insufflant une modernité bienvenue.
WICKED suit le parcours des sorcières légendaires du monde d'Oz. Elphaba, une jeune femme incomprise à cause de la couleur inhabituelle de sa peau verte ne soupçonne même pas l'étendue de ses pouvoirs. À ses côtés, Glinda qui, aussi populaire que privilégiée, ne connaît pas encore la vraie nature de son cœur. Leur rencontre à l'Université de Shiz, dans le fantastique monde d'Oz, marque le début d'une amitié improbable mais profonde. Cependant, leur rapport avec Le Magicien d'Oz va mettre à mal cette amitié et voir leurs chemins s'éloigner. Tandis que Glinda, assoiffée de popularité, se laisse séduire par le pouvoir, la détermination d'Elphaba à rester fidèle à elle-même et à son entourage aura des conséquences aussi malheureuses qu'inattendues. Leurs aventures extraordinaires au pays d'Oz les mèneront finalement à accomplir leur destinée en devenant respectivement la Bonne et la Méchante Sorcière de l'Ouest.
Cette approche scénique permet de créer une immersion immédiate, comme si chaque scène était pensée pour une représentation en direct. Un parti pris audacieux qui fonctionne admirablement. Le réalisateur a également fait un travail remarquable en s'appuyant sur une direction artistique soignée. Chaque costume, chaque éclairage semble conçu pour renforcer l'ambiance magique et féerique. Cependant, cette richesse visuelle peut parfois s'avérer excessive, transformant certains moments en un véritable tourbillon où il devient difficile de se concentrer sur l'essentiel : l'histoire.Le casting était au cœur de nombreuses discussions avant la sortie du film, et à juste titre. Cynthia Erivo, dans le rôle d'Elphaba, se révèle être un choix judicieux. Sa performance vocale et sa capacité à transmettre les émotions complexes de son personnage sont impressionnantes.
Elle parvient à incarner une Elphaba à la fois puissante et vulnérable, en faisant un personnage profondément humain auquel il est facile de s'attacher. Ariana Grande, de son côté, surprend agréablement. Si ses premiers instants à l'écran peuvent sembler hésitants, elle trouve rapidement ses marques et apporte une légèreté comique et une excentricité savamment dosée à Glinda. La chimie entre Grande et Erivo constitue l'un des points forts du film, leurs interactions donnant lieu à des moments drôles, émouvants et parfois mémorables. En revanche, le personnage de Fiyero, interprété par Jonathan Bailey, souffre d'un manque de profondeur. Bien que son interprétation soit honnête et son charisme indéniable, son rôle semble sous-exploité, laissant un goût d'inachevé. Le film aurait gagné à développer davantage les motivations et les dilemmes de ce personnage central.
Les rôles secondaires, bien qu'interprétés avec professionnalisme, tombent souvent dans la superficialité, rendant difficile pour le spectateur de réellement s'y attacher. L'un des aspects les plus discutables de Wicked réside dans son scénario. L'intrigue, bien que fidèle à l'histoire originale, peine parfois à captiver sur la durée. Certains moments clés du récit semblent expédiés, tandis que d'autres s'étirent au point de diluer l'intensité dramatique. Cette inconstance dans le rythme nuit à l'expérience globale, créant une alternance entre scènes passionnantes et séquences où l'attention s'effrite. Le choix de scinder l'histoire en deux parties, bien qu'inattendu, s'avère finalement bénéfique. Cela permet une exploration plus approfondie des personnages et de leurs arcs narratifs, même si la première partie souffre d'un certain déséquilibre.
On ressent parfois que le film est avant tout un prélude à la seconde moitié, ce qui laisse une impression mitigée à la sortie de la salle. La musique est au cœur de l'ADN de Wicked, et l'adaptation cinématographique se devait de répondre à de hautes attentes dans ce domaine. Si certains morceaux, comme Defying Gravity, brillent par leur intensité et leur mise en scène spectaculaire, d'autres chansons s'avèrent moins marquantes. Plusieurs numéros musicaux donnent l'impression d'être insérés de manière mécanique, sans réelle valeur ajoutée pour le récit. Cette accumulation finit par alourdir le rythme, notamment dans le dernier acte où l'enchaînement de chansons devient redondant. Cela dit, les performances vocales des acteurs sont irréprochables. Cynthia Erivo, en particulier, transcende ses morceaux grâce à une interprétation magistrale.
Ariana Grande, bien que moins imposante sur le plan vocal, parvient à insuffler une fraîcheur et une personnalité distincte à ses chansons, ajoutant une touche de légèreté bienvenue. Malgré ses défauts, Wicked reste une expérience cinématographique mémorable. La richesse visuelle, la qualité des performances principales et le respect de l'esprit de la comédie musicale originale en font une œuvre digne d'être découverte. Pour les amateurs de comédies musicales, le film représente une occasion unique de revivre les émotions de Broadway dans une version réinventée. Pour les autres, il pourrait s'agir d'un premier pas dans cet univers singulier, à condition d'accepter ses quelques longueurs et son intrigue parfois inégale. En ce mois de décembre, Wicked tombe à point nommé pour offrir un moment de magie et d'évasion.
Bien que le film ne révolutionne pas le genre, il parvient à captiver grâce à son enthousiasme contagieux et à la passion évidente de ceux qui l'ont porté à l'écran. Une œuvre qui, malgré ses imperfections, mérite d'être vue et appréciée pour ce qu'elle est : une célébration de la musique, de l'émotion et de la créativité. En attendant la deuxième partie, il est certain que Wicked continuera de faire parler de lui, que ce soit pour ses points forts ou ses faiblesses. Une chose est sûre : la magie d'Oz a encore de beaux jours devant elle.
Note : 6.5/10. En bref, un moment d'évasion en ces temps moroses qui fait du bien. C'est très gourmand mais je ne vais pas bouder mon plaisir.
Sorti le 4 décembre 2024 au cinéma