Le ratio Price-to-Sales (P/S) compare le prix d'une action au chiffre d'affaires par action de l'entreprise. Contrairement au ratio Price-to-Earnings, le P/S n'est pas affecté par la structure des coûts des sociétés et par les artifices comptables.
Méthodologie
Pour déterminer l'efficacité de ce ratio sur le marché suisse et français, j'y ai effectué un test rétroactif entre 2004 et 2024. Les actions ont été classées du P/S le plus grand au plus petit, puis réparties en quintiles. Le processus a été reconduit tous les douze mois durant la période d'observation et la performance de chaque quintile analysée. Les résultats ont été ajustés pour tenir compte des dividendes, des splits d'actions et d'autres événements corporatifs pouvant affecter la valeur des actions.
Pour le chiffre d'affaires, j'ai pris en compte celui du semestre le plus récent, en l'annualisant. J'ai opté pour cette méthode, car les résultats sont légèrement meilleurs qu'en retenant les ventes des douze mois précédents.
Résultats du backtest en Suisse
En Suisse, les résultats de l'étude rétrospective montrent que les entreprises avec un ratio P/S faible surperforment celles avec un ratio élevé.
Marché global
Rentabilité annuelle en % par quintile depuis 2004 (en CHF)
Toutefois, la progression à travers les quintiles est loin d'être régulière. Le troisième quintile est ainsi le meilleur, tandis que le cinquième, qui compte les entreprises les moins chères du point de vue de leurs ventes, finit en avant-dernière position. Il affiche même une performance légèrement moindre que le marché.
Comparaison avec les pairs
Le ratio P/S a la réputation de mieux fonctionner en comparaison avec les pairs, au sein des industries. Effectivement, cette manière de faire fonctionne beaucoup mieux pour le 5ᵉ quintile. On obtient même un résultat sensiblement meilleur que le marché. En revanche, elle discrimine moins efficacement les actions les plus chères (1ᵉʳ quintile). Une nouvelle fois, on ne trouve pas de progression régulière à travers les quintiles.
Au sein des industries : rentabilité annuelle en % par quintile depuis 2004 (en CHF)
Les résultats obtenus s'avèrent moins efficaces et moins solides que ceux que nous avions réalisés pour le PER et le rendement des dividendes. Qu'en est-il si on détaille l'analyse en fonction de la taille de l'entreprise ?
Selon la capitalisation
Que l'on considère les grandes, les moyennes, les petites et les très petites capitalisations, les conclusions demeurent décevantes : les actions jugées les moins chères sur la base du rapport prix/ventes (P/S) affichent une performance inférieure à celle du marché. Dans le segment des grandes et moyennes entreprises, elles se classent même parmi les moins performantes !
Small, Micro et Nano-Caps : comparaison avec les pairs
La seule exception concerne les Small & Micro-Caps, lorsque leur P/S est comparé vis-à-vis de pairs, au sein des industries. Là, on peut observer des données un peu plus intéressantes.
Au sein des industries : rentabilité annuelle en % par quintile depuis 2004 (en CHF)
On retrouve ici un résultat très proche de celui obtenu sur le graphique précédent (toutes capitalisations confondues). Surtout, on y trouve une progression plus régulière, bien que loin d'être parfaite, entre les quintiles.
En résumé, lorsqu'on le compare au sein des industries, et plutôt pour les petites capitalisations, le P/S fonctionne en Suisse. Toutefois, il est moins efficace et moins solide que le PER ou le rendement en dividendes.
Analyse des résultats en France
En France, les résultats du backtest sont encore plus discutables.
Marché global
Les entreprises affichant des ratios prix/ventes plus bas ont tendance à sous-performer de manière significative. En fait, leur rentabilité est souvent négative, à peine supérieure à celle des sociétés les plus chères.
Rentabilité annuelle en % par quintile depuis 2004 (en CHF)
Comparaison avec les pairs
La situation est un peu meilleure lorsqu'on compare le P/S au sein des industries. Le 5ᵉ quintile affiche une meilleure performance que le marché, mais il se fait surpasser par tous les quintiles précédents, sauf le 1ᵉʳ.
Au sein des industries : rentabilité annuelle en % par quintile depuis 2004 (en CHF)
Big et Mid-Caps : comparaison avec les pairs
En prenant en compte la taille des entreprises, on constate qu'en France, contrairement à la Suisse, le ratio prix/ventes (P/S) est plus performant au sein des grandes et moyennes entreprises.
Au sein des industries : rentabilité annuelle en % par quintile depuis 2004 (en CHF)
C'est dans cette situation spécifique que le ratio prix/ventes (P/S) affiche ses meilleures performances en France, surpassant ainsi l'univers des grandes et moyennes capitalisations. Cependant, ces résultats manquent de solidité. En effet, on observe qu'il n'existe pas de progression régulière entre les différents quintiles. Plus surprenant encore, c'est avec le troisième quintile que l'on obtient la rentabilité la plus élevée.
Conclusion
Notre étude rétrospective du ratio Price-to-Sales sur les 20 dernières années en Suisse et en France nous fournit les enseignements suivants :
- le P/S est moins efficace que le PER ou le rendement pour prédire la rentabilité future d'un titre
- le P/S fonctionne mieux en Suisse qu'en France (à ne pas confondre avec le PS, mais on aurait pu en dire autant :-))
- le P/S est plus efficace lorsqu'on le compare parmi les pairs au sein des industries
- le P/S fonctionne mieux avec les petites entreprises en Suisse
- le P/S fonctionne mieux avec les moyennes et grandes entreprises en France
En tant que ratio de valorisation unique, que ce soit en Suisse ou en France, le P/S n'est donc pas optimal. Il s'agit pourtant d'un facteur qui a prouvé son efficacité dans diverses recherches (cf. mon ouvrage). On verra dans le futur si, combiné à d'autres indicateurs, il peut tirer son épingle du jeu.