Le 15 novembre dernier, la statue de la Sainte Vierge, Notre Dame de Paris, a quitté l'église Saint Germain l'Auxerrois, où elle avait trouvé refuge après l'incendie non élucidé de sa cathédrale le 15 avril 2019.
Le 15 décembre 1979, je me suis marié en l'église de Saint Germain l'Auxerrois. Le 15 avril 2019 je me trouvais, retraité depuis le 1er avril, dans un train à destination de Paris, quand j'ai appris le sinistre.
Aurais-je été à Paris, ce quinze du mois, j'aurais participé à la procession qui a conduit ND d'une maison de Dieu à l'autre, mais je subissais ce jour-là, au même moment, une IRM dans une clinique de Lausanne...
Notre Dame de Paris est un lieu sacré où la prise de parole par un profane, fût-ce le Président de la République, me paraît déplacée, même sous le prétexte d'une ultime visite de chantier avant réouverture.
Après avoir écouté le discours convenu que Micron y a prononcé hier, je pense qu'il aurait mieux fait de s'abstenir de tirer une nouvelle fois la couverture à lui, sous couvert de remercier ceux qui y ont oeuvré.
À la suite de Péguy, j'ai fait neuf fois le pèlerinage de Notre Dame de Paris à Notre Dame de Chartres, organisé à la Pentecôte par Notre-Dame de Chrétienté, sous la bannière de Notre Dame des Armées.
Celui de 1991 m'a inspiré, trois semaines après, un Chant à Notre Dame, dédié à Joseph Porta, curé de cette chapelle de Versailles, à Roger Morandi, son vicaire, et aux autres pèlerins de son chapitre.
En le publiant aujourd'hui, j'entends rappeler que les cathédrales ne sont pas des musées, mais des lieux catholiques où la Sainte Messe est célébrée et où sont rendues grâces à Dieu et à Sa Très Sainte Mère.
Francis Richard
Chant à Notre Dame
Nous revoici au pied de votre cathédrale.
Une année a passé, nous éloignant de vous,
Et nous tremblons de froid dans la bise qui râle
Parce que Mai l'oblige à se moquer de nous.
Nous sommes prêts à partir et à quitter Paris.
Nous n'attendons qu'un ordre et nous mettons en route.
Sur le dur asphalte nous faisons le pari
De marcher tout du long sans avoir aucun doute.
Nous savons bien pourtant ce qui lors nous attend.
Nos pieds endoloris qui se couvrent d'ampoules;
Le soleil qui nous brûle ou le très mauvais temps;
La chaleur ou le froid donnant la chair de poule;
Les chemins caillouteux succédant au bitume;
L'herbe foulée au pied par ceux qui vont devant
Et qui le lendemain suivant notre coutume
Se trouveront derrière à marcher dans le vent;
Les villes bien serrées de la proche banlieue;
Le bois de Verrières où nous sera donné,
Après avoir franchi seulement quelques lieues,
Le Corps de votre Fils qui fut abandonné,
Puis fut ressuscité pour votre grande gloire;
Les maisons qui cèdent la place aux premiers champs;
Les gazouillis d'oiseaux, nous voulons bien le croire,
Qui accompagneront les plus beaux de nos chants;
Le damier jaune et vert du colza et du blé,
Qui sera le blason princier de nos bannières,
Dont les hautes couleurs font fuir les endiablés,
Et qui nous soutiendront de toutes les manières.
Tandis que nous irons, nous traînant bien parfois,
Nous serons emportés, en disant le rosaire,
Par le souffle divin, jailli de notre foi,
Qui nous soulagera de toutes nos misères.
Le soir des premiers jours, parvenus au bivouac,
Nous dresserons enfin vaillamment notre tente.
Tout se déroulera sans le plus petit couac.
Nous aurons répondu en somme à votre attente.
Nous regrettons un peu le camp de Gallardon.
Il nous reste Choiseul et sa vaste prairie.
Nous découvrons ravis le site d'Épernon,
Où nos repas frugaux n'ont rien d'une féerie.
Qu'importe le chemin s'il mène jusqu'à Vous.
Nous Vous suivons partout, Ô Dame des Armées !
Et nous ne craignons pas d'être traités de fous,
Car Vous ne laissez pas nos âmes désarmées.
Pendant ce long parcours, quand le coeur nous en dit,
Nous pensons aux prêtres servant votre chapelle,
Le Chanoine Porta, le Père Morandi,
Qui ramassent pour Vous les âmes à la pelle.
Sans eux serions-nous là, pour notre conversion ?
Ils ont su provoquer la petite étincelle,
Qui pour les tentations donne de l'aversion
Et embrase d'amour toute âme qui chancelle.
Enfin, à l'horizon, deux flèches se dessinent.
Elles nous apprennent que nous touchons au but.
Leur vision céleste sans cesse nous fascine.
Nous en oublions presque que nous sommes fourbus.
L'arrivée à Chartres est notre récompense.
Nous nous sentons légers, délivrés d'un fardeau.
Nos coeurs se savent purs, tout gonflés d'espérance.
Nos sacs ne pèsent plus que nous portons au dos.
Nous revoici au pied de votre cathédrale,
Où pour nous accueillir, nous, pauvres pèlerins,
Un homme tout vêtu de pourpre cardinale,
De la part du Pape, nous salue tout serein.
Chatou, le 10 juin 1991