La tentation de monétiser les données extraordinairement riches qu'elles détiennent sur leurs clients est décidément trop forte pour que les banques y résistent longtemps en dépit des obstacles rencontrés. C'est maintenant au tour de l'australe ANZ de se lancer dans l'aventure… non sans une certaine originalité dans sa démarche.
Les initiatives se succèdent, suscitant parfois l'indignation ou l'inquiétude des populations concernées (à moins que ce ne soit un phénomène médiatique), et finissent par se faire oublier, sans qu'on sache si elles tiennent leurs promesses. Parmi les pionnières, les offres liées aux cartes (ou aux comptes), qui distribuent des promotions ciblées selon les habitudes du détenteur, sont les plus courantes et elles rencontrent probablement le succès. La commercialisation directe, en revanche, reste rare.
C'est pourtant le choix fait par ANZ – en collaboration avec la startup DataCo, dont elle est plus ou moins à l'origine par l'intermédiaire de son studio d'innovation – qui n'hésite donc pas à affronter la complexité spécifique de ce modèle. En effet, afin d'éviter une levée de bouclier et, surtout, des sanctions réglementaires, il ne peut se concevoir que dans un respect strict des exigences éthiques et légales de protection de la confidentialité, ce qui tend, a priori, à limiter fortement les opportunités et les ambitions.
La réponse apportée à ces contraintes est classique, passant par l'anonymisation – c'est-à-dire l'élimination de toute information identifiant une personne ou une entreprise – et le partage par agrégation – qui retire par essence toute caractéristique élémentaire susceptible de ré-identification. Après ces traitements, seules des analyses statistiques sont possibles mais elles fournissent une matière première inestimable aux organisations désireuses de mieux connaître les comportements de leurs clients.
Or ANZ et DataCo ne s'en tiennent pas là. Afin de démultiplier la valeur de la solution, les données bancaires sont croisées – sans rupture de l'anonymat à la restitution, bien sûr – avec d'autres sources (dont la nature n'est toutefois pas détaillée). Le résultat est une mine de connaissance sur les consommateurs, certes pas à un niveau individuel mais avec une précision sans égale sur des segments qui, selon toute vraisemblance, peuvent être élaborés à la demande sur la plate-forme d'exploitation du gisement.
L'autre particularité – quoique pas totalement inédite – de l'approche retenue par ANZ est de s'appuyer sur une structure distincte pour une ligne d'activité nouvelle. La décision peut relever d'une volonté d'isoler sa marque afin d'éviter de potentiels risques d'image, notamment en cas de cyber-incident. Mais elle reflète plus certainement la perception de la faculté de transformer cet embryon en une future pépite génératrice de revenus et porteuse de croissance exponentielle pour une industrie « saturée ».