Mouvement radical féministe lesbien, les Gouines Rouges sont fondées en 1971 à l'initiative des lesbiennes du MLF (Monique Wittig, Marie-Jo Bonnet ou Christine Delphy pour ne citer qu'elles). Ces femmes n'avaient à l'origine pas d'autres revendications que d'exister, de vivre leur amour au grand jour, de sortir du silence et de ne plus avoir honte. Elles voulaient s'affranchir en se rendant visible, affirmer leur homosexualité comme choix politique et plus comme une quelconque malédiction.
« Il y a des homosexuelles sur la scène mais il y en a aussi dans la salle. Si nous montons sur scène, c'est parce que nous n'avons plus honte de nous. On nous a enfermées dans le silence, on nous a insultées parce que nous refusons de nous soumettre à la loi des phallocrates et des hétéroflics. Nous sommes fondamentalement subversives. Nous sommes homosexuelles par choix de jouissance. Notre jouissance n'est ni une masturbation à deux, ni un infantilisme psychosexuel, ni une caricature des rapports hommes-femmes. Nous sommes créatures de jouissance en dehors de toute norme. Nous sommes lesbiennes, et nous sommes heureuses de l'être. »
Les Gouines Rouges, in Gulliver n°1, novembre 1972.
Même si le groupe n'a survécu que quelques années, sa présence au sein même du MLF va marquer et transformer la pensée féministe jusqu'ici plutôt tournée vers des reformes (néanmoins nécessaires: contraception, IVG, nouvelle pénalisation du viol, égalité salariale etc..). Les gouines rouges vont lui donner une nouvelle direction, la conduire vers une nouvelle façon de concevoir les femmes, elles vont déconstruire son mythe.
De cette expérience avec les féministes du MLF, ces "nouvelles" homosexuelles, vont acquérir une certitude, l'opposition entre hétérosexualité et homosexualité ne sert à rien, et ne se justifie pas. La limite qui existe entre ces deux façons de vivre devient très floue une fois les conventions sociales dépassées. L'idée que l'identité sexuelle se construit par rapport à une norme (ici l'hétérosexualité) imposée par la domination masculine fait son chemin, c'est la Pensée Straight de Monique Wittig (publié en 1992 et récemment réédité aux éditions Amsterdam). L'hétérosexualité n'est pas "naturelle" et ne va pas de soi, les différenciations des sexes se sont construites autour de cette norme et pour cette norme. Monique Wittig ira jusqu'à dire que la lesbienne n'est pas une femme et qu'elle n'aime pas une femme parce qu'elle vit au delà de ces principes communément admis, elle échappe au deuxième sexe. La libre disposition de notre corps était une revendication qui a fait l'unanimité chez toutes les femmes révoltées de l'époque mais qui c'est petit à petit perdu vers d'autres considérations (tendre vers la généralisation de la bisexualité ou de l'homosexualité? Revenir vers l'hétérosexualité mais différemment?) tout en maintenant finalement la binarité des sexes.
Aujourd'hui ces femmes nous ont permis de comprendre qu'au delà de l'identité sexuelle ce sont deux genres, féminin et masculin qui se sont construit socialement sur une logique d'opposition de complémentarité et de hiérarchie et qui contribuent à l'inégalité.
Pour reprendre une phrase de Monique Wittig en modifiant le mot lesbienne par individu: "Un individu doit être quelque chose d'autre, ni femme, ni homme, un produit de la société et non un produit de la "nature" parce qu'il n'y a pas de "nature" dans la société"Le trouble est jeté..