Voilà un livre que j’ai découvert à la faveur d’une mise en avant à la médiathèque d’Antony (92). Je me souvenais encore très bien du premier roman de Mathieu Palain lu pendant le festival d’Avignon en 2019. Sale gosse m’avait marquée, par son thème et son côté militant car l’auteur l’avait écrit en se basant sur l’expérience d’éducateur de son père complétée par un stage en immersion en brigade policière.
Être journaliste et écrivain lui permet peut-être de mieux parvenir à alerter les consciences, en usant soit de vérité dans la première configuration, soit en s’autorisant la fiction comme écrivain. Il a poursuivi dans la même veine et présente aujourd’hui son quatrième ouvrage, Les hommes manquent de courage, lui aussi rédigé à partir de faits réels, mais comme il le qualifie lui-même “déployé dans la fiction“ pour respecter l’anonymat de la femme qui lui a confié son histoire après avoir entendu les six épisodes d’un podcast intitulé Des hommes violents, qu’il avait créé sur France Culture en 2019 sur le thème des violences conjugales.
Je l’ai commencé en me disant que je le terminerais plus tard mais je n’ai pas réussi à quitter la voiture de Jessie dans laquelle j’avais le sentiment d’être bouclée sous la ceinture de sécurité. Ou alors juste le temps de bricoler un sandwich avec les restes trouvés dans le frigo avant de reprendre la lecture en hâte.
On ne peut pas dire que ce soit haletant, distrayant, romantique, feel-good ou dans l’air du temps. Mais impossible de décrocher des paroles de cette femme qui se confie avec tant de sincérité. On sait depuis l’avertissement qui précède le début qu’il s’agit d’une histoire vraie alors ça inspire le respect et impose en quelque sorte d’aller jusqu’au bout sans se débiner.
Au cours de la longue -très longue- confidence de la mère à son fils de 15 ans, elle tente de justifier ses propres erreurs en l’alertant sur le nombre de filles qui couchent avec des connards parce qu’elles crèvent d’être regardées (p. 124). Derrière la brutalité de l’analyse on doit admettre qu’on ne fait pas toujours -loin de là- les bons choix, pour tout un tas de mauvaises raisons, à commencer par le manque d’estime de soi. Il n’y a qu’un pas pour en déduire qu’il suffirait d’aimer nos filles pour qu’elles soient vaccinées de s’offrir aux hommes qui font semblant de les apprécier pour obtenir juste ce qu’ils veulent.
On ne dira jamais assez à nos enfants qu’on les aime. S’il y a un risque éducatif ce n’est pas celui-là qu’il faut craindre. Il serait plus salutaire de s’interroger sur tout ce qu’on induit avec les contes qui conditionnent les filles à croire que l’homme de leur vie, nécessairement charmant, les attend quelque part.
Mathieu Palain attire notre attention sur des comportements qui peuvent être faussement interprétés. Comme celui de feindre le consentement pour éviter la violence (p. 104) et ne pas se plaindre au motif qu’il serait légitime d’être punie pour sa connerie. Une mise en garde qui résonne avec force à une époque où la question du consentement est à l’ordre du jour.
A la réflexion l’auteur a bien raison de stigmatiser les mères qui nous mettent dans le crâne cette sale idée. Andersen, Perrault, Walt Disney, et tous les conteurs d’histoires de filles sauvées par l’homme qui allait donner un sens à leur existence (…) mon existence aurait été moins chaotique sans cette obsession pour le prince charmant (p. 163).
Le fils a appelé sa mère au secours en pleine nuit. Pour qu’elle le tire d’un mauvais pas. Surtout pas pour qu’elle lui déballe son passé. Elle a compris les enjeux et même si elle accepte de l'aider elle va s’acharner à lui ouvrir les yeux, et le chemin passe par la révélation de son propre passé, et l’aveu de chacun des épisodes qui l’a anesthésiée. L’addition est terrible et laisse apparaître combien les hommes manquent de courage, comme elle nous le dira en conclusion dans la page finale en comprenant qu’ils n’assument pas la naissance de leur enfant, le vieillissement de leurs parents, et cette habitude qu’ils ont de fuir les problèmes au lieu de les affronter, et de se donner -peut-être- une opportunité de les régler.
Le gosse n’est pas prêt à entendre malgré l’adrénaline de la curiosité. Pose pas de question si tu n’es pas capable d’encaisser les réponses (p. 121).
N’ouvrez pas ce roman si vous non plus vous n’êtes pas disposé à recevoir cette vérité qui claque comme alarme.
Les hommes manquent de courage de Mathieu Palain, L’Iconoclaste, en librairie depuis le 22 août 2024