(Sélection RELATIO-Europe sur les dna)
Qui est le va-t-en-guerre dans le Caucase ? Pour la plupart des capitales européennes, il ne fait aucun doute : la Russie. Elle a des visions impérialistes, cherche à redevenir une grande puissance, brandit l'arme du gaz et a renoué avec l'État autoritaire. De toute façon, parti est toujours pris pour David contre Goliath, pour un pays démocratique contre un régime qui l'est moins. Car la Géorgie est forcément une démocratie puisque gouvernée par un pro-occidental !
Les manifestations de novembre 2007 à Tbilissi, durement réprimées lorsque par dizaines de milliers les Géorgiens réclamaient la démission de Saakachvili, sont déjà oubliées. Que le président géorgien ait ensuite mis la presse et la télévision au pas après avoir bâillonné l'opposition n'importe plus. Saakachvili a été « démocratiquement » réélu en janvier. L'UE et Washington s'étaient empressés de reconnaître l'élection suivie en mai dernier par des législatives remportées triomphalement par le parti présidentiel... Mais lors d'un scrutin contesté par les observateurs internationaux.
L'imprudent Saakachvili a-t-il été tancé pour avoir lancé ses troupes à l'assaut de l'Ossétie du Sud le 8 août, en sachant que non loin de la frontière une armée russe guettait la moindre occasion pour intervenir ? Pas du tout. Le chef de l'État géorgien - un Etat où passe une partie de l'approvisionnement pétrolier de l'Occident - aurait été en droit de rétablir l'« ordre constitutionnel » dans une province séparatiste donnée en cadeau à la Géorgie par Staline. Que les Ossètes du Sud - il est vrai encouragés par les Russes - ne veuillent pas être géorgiens, n'intéresse pas. Le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes ne semble compter que lorsque les minorités ont les yeux rivés vers l'Ouest.
Cette politique qui jauge la démocratie, valeur universelle, selon deux poids et deux mesures en fonction des seuls intérêts à défendre était, jusqu'à présent, une « spécialité » surtout américaine. Que les Européens s'y mettent à leur tour ne pourra que les affaiblir. Ils n'ont pas la puissance militaire des États-Unis. La force de persuasion des vieilles démocraties réside en leur crédibilité. La galvauder en versant dans le manichéisme ravale les Européens au rang de supplétifs des États-Unis.
Et c'est déjà ce qui se passe en Afghanistan. Les soldats européens se battent contre le terrorisme islamiste et ce combat est légitime. Mais selon quelle stratégie ? Celle mise en oeuvre transforme les forces de l'Otan en armée d'occupation qui, par « dégâts collatéraux », tue plus de civils que de talibans.
Inutile, ensuite, de s'étonner si nos beaux discours sur la démocratie, l'État de droit et les droits de l'homme provoquent tout au plus des haussements d'épaule Jean-Claude KIEFER
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