Ce matin, [Ndlr : la semaine dernière] alors que j’allais me lancer corps et âme dans ma journée dite « de gruyère » (une heure de cours-un trou-une heure de cours-un trou…), voilà que Noé me sort du fond de la gorge une sorte de râle rauque suivi d’une respiration étriquée à la manière des chiens qui se coincent un bout d’os de poulet dans la trachée. Oh oh… Ca sentait la crise de laryngite aiguë. Je suis une pro du diagnostique de crise de laryngite aiguë, le carnet de santé de Noé en est plein, une fois on a même sonné chez le médecin en pleine nuit parce qu’il ne pouvait plus respirer (médecin qui n’était autre que notre amie et voisine, et, si elle nous en a voulu de la tirer deux ou trois fois du lit plutôt que d’appeler le 15, elle ne l’a jamais dit ni montré : bisou, Martine !)
Je me dis : « Pas grave. Après tout, j’ai vu tous les élèves au moins une fois, c’est pas comme si c’était LE jour de la rentrée, c’est juste… le troisième jour depuis la rentrée… snif… arg… »
Je rassemble mes idées et mon énergie, je me dis : « On va voir le médecin dès l’ouverture du cabinet médical, comme ça je peux être au bahut en troisième heure de la matinée, allez, ouaaaais ! En voiture, Noé ! » Et là… je crois que j’ai su dès que j’ai vu la voiture, dès que j’ai remarqué la portière qui était restée entrouverte tout le week-end… Voiture + portière + ouverte + 48 heures = batterie à plat ! Noooooon ! Je me suis quand même installée au volant, priant au hasard St Jude et Ste Rita (je ne savais plus bien lequel des deux s’occupait des causes désespérées), j’ai mis le contact, tourné la clef… même pas un petit « bzzz » électrique, rien, que dalle, que tchi…
Ne pas sombrer, réfléchir, se concentrer… Jean-Lou ! Jean-Lou Payet est notre voisin, il est aussi menuisier, il a une grosse camionnette, il m’a déjà dépannée dans des circonstances étrangement similaires l’an dernier. Je dévale la pente qui mène chez lui, j’appelle : « Y a quelqu’un ? » (c’est le cri qui remplace la traditionnelle sonnette, ici, car personne n’en a - de sonnette.) « Y a quelqu’un ? Y a quelqu’un ? » C’est bien, tout le quartier est au courant que je « sonne » chez Jean-Lou à 7h30 du matin… Jean-Lou travaillait déjà (il a sa menuiserie sur place), il est monté avec la camionnette et m’a redémarré la voiture en moins de temps qu’il ne faut pour le dire, mais suffisamment quand même pour rater l’ouverture du cabinet médical : nous n’en sommes sortis qu’après le début de la troisième heure de cours, et puis de toute façon, la doctoresse a dit que Noé devait rester au chaud chez lui avec sa maman parce que s’il recommence à s’étouffer il faut réagir rapidos. Son fils fait la même chose, elle sait que c’est impressionnant. Je me demande si c’est elle ou le papa qui reste à la maison quand le fiston fait sa crise ?Allez, je vais finir par passer pour une mauvaise mère, à la conscience professionnelle hypertrophiée, insensible à la douleur de son pauvre petit chaton malade… Alors que, reconnaissons-le, une fois passé le coup de fil au bahut pour expliquer un peu piteusement que, eh oui, si si, on sera absente dès le premier lundi de l’année, un nouvel horizon s’ouvre soudain : cet inattendu prolongement du week-end, toutes ces heures-bonus qui dégoulinent en masse comme les jetons de la machine à sous, et nombreuses, en plus, vu qu’on s’est levé super tôt pour aller travailler, tout ce temps savoureux, qu’en faire ? Comment l’optimiser ? Bah. J’ai corrigé les évaluations de rentrée des 6ème, lu Garcia-Marquèz, peint un peu aussi, joué avec Noé, et puis me voilà qui vous narre ce petit épisode de ma vie tropicale, rien d’exotique, la même chose aurait pu m’arriver en métropole, à la différence que le voisin ne se serait pas appelé Payet et qu’il aurait eu une sonnette à sa porte.
Comme quoi, troisième rentrée ici, et déjà la routine…
Lod