La première saison de Nemesis, la série inspirée du livre de Simon de Waal et mise en scène par Willem Bosch, est une proposition audacieuse sur le papier. Elle plonge dans l'univers complexe des crimes financiers aux Pays-Bas, mêlant magouilles financières, sociétés-écrans, comptes cachés aux îles Caïmans, et liens potentiels avec le crime organisé. Cependant, malgré son potentiel, Nemesis échoue à captiver pleinement et à rendre justice à un thème aussi riche et complexe. L'un des aspects les plus frappants de Nemesis est son scénario alambiqué, difficile à suivre et volontairement confus. La protagoniste du podcast fictif de la série, Nina, résume bien cette complexité lorsqu'elle conclut chaque épisode par : " Si quelque chose reste flou dans nos discussions, c'est bien là tout l'intérêt. "
La procureure Sylvia van Maele et Lars van Deurnen, du service d'information et d'enquête fiscales, unissent leurs forces pour s'attaquer à la criminalité financière : un univers opaque fait de sociétés boîtes aux lettres, de blanchiment d'argent, et d'entorses aux réglementations fiscales internationales. Lorsque les frontières entre la vie personnelle et la vie professionnelle de Sylvia s'effondrent, elle doit faire confiance à son intuition pour survivre, et mener à bien son enquête.
Cette approche pourrait bien refléter une critique de notre époque où les crimes financiers sont devenus de plus en plus sophistiqués et difficiles à démêler, mais l'exécution ici manque de clarté et laisse le téléspectateur dans un flou artistique peu agréable. Bien que le brouillard soit un choix délibéré, il ne parvient pas à renforcer l'intrigue de manière constructive. Au lieu d'inviter à la réflexion, cette confusion crée une distance et empêche une immersion totale dans l'histoire. Une série policière devrait normalement amener le public à tenter de résoudre les énigmes aux côtés des personnages, mais ici, les spectateurs peuvent finir par se désintéresser du déroulement. Le duo Sylvia et Lars est certainement au cœur de l'intrigue, mais leur dynamique semble hésitante. Les deux personnages vont et viennent entre des rapports de collègues et de potentiels partenaires de vie.
Or, au lieu de créer une tension intrigante, ce va-et-vient paraît souvent artificiel. Sylvia, en particulier, reste très attachée à son passé avec Ed, un homme impliqué dans le réseau de malversations qu'elle doit combattre. Bien que ce lien personnel soit censé ajouter une couche d'intensité émotionnelle, il finit par embrouiller encore plus les enjeux et rend difficile une empathie véritable pour son dilemme. Ce manque de profondeur dans leur relation nuit au récit. Au lieu de s'appuyer sur des personnages bien construits pour explorer le monde complexe des crimes financiers, la série semble se contenter de relations superficielles qui, sans être inintéressantes, manquent de cohérence et de complexité. Les crimes financiers sont rarement représentés de façon captivante dans les séries télévisées, et Nemesis ne fait malheureusement pas exception.
Malgré les tentatives de Bosch pour rendre l'intrigue plus palpitante en ajoutant des éléments dramatiques - des corps retrouvés de manière inattendue, des arrestations spectaculaires - le cœur de l'histoire reste centré sur des mécanismes financiers comme les sociétés-écrans et les comptes offshores. Ce choix narratif, aussi prometteur soit-il, manque de profondeur et de rythme pour porter une saison entière. Plutôt que de traiter les crimes financiers comme une véritable énigme à résoudre, la série en fait un tableau général sans vraiment entrer dans les détails qui pourraient captiver le public. Les notions de malversation, de fraude fiscale et de blanchiment d'argent, bien qu'intéressantes sur le plan intellectuel, ne sont pas présentées de manière palpitante, et ce manque de soin dans l'approche finit par ennuyer plus qu'il ne fascine. En outre, Nemesis souffre d'un problème majeur de développement des personnages.
Si la série met en avant la diversité raciale et la représentation de différentes orientations sexuelles, ces aspects, bien que louables, semblent ici servir plus de vitrine que d'outils pour enrichir les personnages et l'histoire. Plutôt que d'offrir une vision nuancée et approfondie de chacun, la série semble s'arrêter à des stéréotypes superficiels, ce qui diminue l'impact émotionnel de l'histoire. À vouloir trop cocher les cases de l'inclusivité sans y ajouter la profondeur nécessaire, la série se prive d'un potentiel narratif plus subtil. Cet aspect superficiel donne parfois l'impression que les personnages sont au service d'un agenda social plutôt que d'une intrigue réellement captivante et sophistiquée. L'un des points les plus dérangeants dans cette saison est l'accumulation de choix scénaristiques qui défient la logique et la crédibilité. À plusieurs reprises, des situations clé sont résolues de manière brusque et incohérente.
Par exemple, une opération en cours est soudainement annulée suite à un simple coup de téléphone, ce qui brise l'immersion en rappelant au spectateur que l'intrigue est plus dictée par les besoins du scénario que par des motivations réalistes. Ces faiblesses dans la construction de l'intrigue sont d'autant plus frustrantes que les actions de certains personnages, comme la procureure qui semble imperméable à la gravité des informations qui lui sont transmises, semblent irréalistes. Cette procureure, censée être une figure forte et compétente, apparaît davantage comme un personnage déconnecté, si bien que ses décisions perdent en crédibilité. Ce genre de détails, apparemment anodins, fragilise le réalisme de la série et compromet la tension narrative. Outre le scénario, les détails techniques et les accessoires utilisés manquent également de précision et de réalisme.
Les documents que les personnages examinent semblent souvent disposés de manière aléatoire, tandis que les écrans d'ordinateur que l'on aperçoit montrent des interfaces sans rapport avec des enquêtes financières réelles. Ce type de détails peut paraître insignifiant, mais il contribue fortement à l'authenticité d'une série. Dans le cas de Nemesis, ces approximations nuisent à l'immersion et rappellent le côté artificiel du récit. Le vrai problème de Nemesis ne réside pas dans le jeu des acteurs ou dans la réalisation. En effet, le casting offre de solides performances, et les choix esthétiques de la série sont, pour la plupart, bien réalisés. Ce qui manque cruellement, c'est un scénario solide et une écriture qui parvienne à transformer cette intrigue complexe en une aventure captivante. Il est d'autant plus décevant de constater le potentiel gâché de la série, qui aurait pu devenir un thriller intelligent, mêlant astucieusement suspense et réalité.
Mais en négligeant des éléments fondamentaux de la narration, Nemesis finit par offrir une expérience inaboutie, où le spectateur se retrouve spectateur d'un monde qui semble déconnecté de la réalité. En fin de compte, Nemesis est une série qui avait le potentiel de devenir une fresque captivante sur les crimes financiers et la corruption, un univers rarement exploité de manière réaliste à la télévision. Malheureusement, cette première saison, au lieu de s'ancrer dans le réel, s'égare dans des choix narratifs discutables et des personnages qui manquent de profondeur. L'impression qui reste est celle d'une occasion manquée, où le mystère de départ s'est noyé dans des éléments accessoires. Malgré ses qualités visuelles et le talent de ses interprètes, Nemesis ne parvient pas à convaincre, et la confusion qui entoure chaque épisode finit par rendre la série difficile à suivre et peu engageante.
Le public aurait sans doute préféré un thriller financier plus clair et authentique, un récit qui, au lieu de se perdre dans des méandres inutiles, saurait captiver en explorant véritablement la complexité des crimes financiers. Pour résumer, Nemesis est une série ambitieuse dans ses intentions, mais qui s'effondre sous le poids de ses propres faiblesses.
Note : 4/10. En bref, une première saison qui se perd dans ses propres filets.