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Marchant sur un trottoir la nuit, à ses pieds son ombre grandit. Noire et pleine, elle perd soudainement son opacité et disparaît. Elle recommence son cycle au fil des lampadaires.
Ce poème en prose illustre le titre du recueil de poèmes d'Adèle de Montvallon et sa façon de voir les êtres et les choses, de la dire.
Un autre exemple montre qu'elle sait suggérer au lecteur ce qu'elle voit d'une manière précise, tout en le laissant libre d'imaginer:
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Des vagues de pluie s'écrasent sur la vitre. La maison d'en face éloignée seulement de quelques mètres est voilée par un rideau d'eau. Les arbres dansent dramatiquement, fouettés, ballottés par le vent et la pluie. Un éclat lumineux déchire le ciel couleur brouillard, suivi d'un grondement.
Son art de la mise en scène, le lecteur le retrouve dans ces quelques lignes où tout semble tranquille alors que ce n'est qu'apparence:
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Rien ne change dans ce champ de pierres. Un détail trahit ce faux calme, quelques herbes sauvages ploient sous une force invisible.
Chaque texte raconte une histoire, plus ou moins longue - les morceaux choisis ici sont volontairement courts -, pour donner un aperçu.
Souvent le lecteur se demande où elle veut en venir et est tout heureux de trouver à la fin, comme dans une devinette, de quoi il s'agit:
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Cette succession de ronds noirs, blancs, reliés ou détachés, mis bout à bout, forme des phrases mélodieuses, diffusées au travers d'un instrument minutieusement manipulé.
Après cette entrée en matière sur la partition, elle ne s'arrête pas là et, mine de rien, partage avec le lecteur une réflexion philosophique:
Ces feuillets peuvent contenir des milliers de fois la même note, pourtant elle ne dira jamais la même chose. Une langue universelle et pourtant si personnelle.
Dans cet autre texte, le lecteur voit très bien le tableau et sourit au fait que l'homme n'a simplement pas demandé au tronc son avis:
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Un tronc renversé et creusé contre son gré, posé sur deux rondins séparés par de l'herbe, héberge géraniums et herbes sauvages.
En espérant que ces exemples auront donné envie de lire le recueil, ce dernier texte est aussi illustration de son titre et de sa profondeur:
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Plongé dans la lumière,
on ne distingue rien de l'obscurité.
Plongé dans l'obscurité,
on distingue tout de la lumière.
Francis Richard
Ce que dit l'ombre de la lumière, Adèle de Montvallon, 108 pages, Olivier Morattel Editeur