Consternation dans les institutions financières : selon le rapport mondial de l'infonuagique élaboré par l'institut de recherche de Capgemini, les bénéfices attendus du « cloud » ne sont pas au rendez-vous pour 6 responsables sur 10. Mais leurs espoirs étaient-ils bien placés ? Ou ont-ils cru à un mirage technologique de plus ?
Il suffit d'entrer dans le détail des facteurs de déception exprimés pour comprendre que ces questions sont légitimes. Parmi les objectifs non atteints figure ainsi la réduction des coûts informatiques – alors que l'efficacité opérationnelle constitue justement un des principaux enjeux des mises en œuvre. Mais on peut également en citer quelques autres : la capacité à absorber les pics de charge (la « scalabilité » en bon franglais), l'accélération de l'innovation, l'amélioration de la sécurité et de la conformité…
Ce sont en fait tous les sujets épineux du secteur qui sont énumérés de la sorte, avec l'illusion qu'ils devaient disparaître grâce aux vertus quasiment magiques de l'infonuagique (comme le promettent d'ailleurs bien des fournisseurs…). Malheureusement, comme souvent avec les technologies à la mode, leurs adeptes aveuglés par le marketing oublient une réalité triviale : les outils ne sont que cela, des outils, et ils n'ont pas le pouvoir de transformer le monde par eux-mêmes.
En l'occurrence, nous avons ici affaire à un cas d'école de la mauvaise appropriation – sauf dans les 12% d'établissements en pointe identifiés par Capgemini – d'un concept qui ne peut procurer ses bénéfices qu'à travers une approche extensive. L'étude souligne par exemple les difficultés d'intégration avec les systèmes (pré)historiques qui opèrent toujours le cœur stratégique de la plupart des banques et compagnies d'assurance. Elles coûtent très cher et limitent la portée des avantages du « cloud ».
Plus généralement, le besoin de prendre en compte le patrimoine existant, avec toute son hétérogénéité, représente un obstacle à l'industrialisation, préalable à l'optimisation. Il en est de même pour les habitudes des équipes informatiques : si les pratiques en vigueur n'évoluent pas, le changement d'infrastructure seul n'aura guère d'impact. Pour ne prendre qu'une illustration : combien d'applications sont capables aujourd'hui de supporter un ajustement automatique à une brusque variation des sollicitations ?
Il faudrait également aborder la question des processus, qui, dans une large mesure, restent manuels et sur lesquels aucun gain direct n'est donc envisageable. Apparemment, les dirigeants misent sur les robots d'automatisation (« RPA ») et sur l'intelligence artificielle pour résoudre ce problème. Ou comment pallier les déficiences de l'organisation face à une technologie survendue par l'introduction de technologies supplémentaires, elles-mêmes appréhendées comme des remèdes miracles !
Ceux qui veulent dégager la véritable valeur de l'infonuagique ne se contentent pas d'implémenter un produit ou une plate-forme, qui ne va qu'ajouter de la complexité et des coûts à un édifice déjà fragile. Ils prennent d'abord le temps de comprendre les conditions nécessaires à la réalisation de leurs ambitions et ils s'efforcent de les reproduire avant toute autre action. Nous parlons ici d'écosystèmes (le « cloud » est un univers et pas une planète isolée), de méthodes et d'usages, de gouvernance…