Ce livre de Rémi Larue qui vient de paraitre aux Editions « Le bord de l’eau » et qui s’intitule : Albert Camus face à la violence » a pour objectif d’analyser les positions de Camus sur la violence et c’est, en effet, une analyse complète de l’évolution de la pensée de cet écrivain sur la violence.
On peut dire d’abord que Camus a toujours été préoccupé par la violence et notamment la violence politique mais ce livre démontre bien l’évolution de sa pensée et il cite, notamment, cet extrait datant de 1947 et qui cerne assez bien la position de Camus.
« Ce n’est pas me réfuter en effet que de réfuter la non-violence. Je n’ai jamais plaidé pour elle. Et c’est une attitude que l’on me prête pour la commodité d’une polémique. Je ne pense pas qu’il faille répondre aux coups par la bénédiction.
Je crois que la violence est inévitable, les années d’occupation me l’ont appris. Pour tout dire, il y eu, en ce temps-là, de terribles violences qui ne m’ont posé aucun problème. Je ne dirai donc point qu’il faut supprimer toute violence, ce qui serait souhaitable, mais utopique, en effet. Je dis seulement qu’il faut refuser toute légitimation de la violence, que cette légitimation lui vienne d’une raison d’Etat absolue, ou d’une philosophie totalitaire. LA violence est à la fois inévitable et injustifiable. Je crois qu’il faut lui garder son caractère exceptionnel et la resserrer dans les limites qu’on peut. »
Et ailleurs il écrit : « J’ai commencé la guerre de 1939 en pacifiste et je l’ai finie en résistant. »
Comme on le voit dans ces extraits Albert Camus est toujours dans la nuance et dans l’analyse de la complexité des situations.
L’auteur examine aussi l’expression souvent employé par Camus : « Ni victime ni bourreau. » et montre les liens qui se nouent entre ces deux attitudes et Camus nous montre qu’en réalité , bien souvent, celui qui a été bourreau devient victime et l’inverse est également vrai. Il conste qu’à la « haine des bourreaux a succédé la haine des victimes et c’est contre cet enchainement qu’il lutte.
Voici une citation très claire à cet égard.
« Eh bien, c’est de cela que nous devons triompher d’abord. Il faut guérir les cœurs empoisonnés. Et demain, la plus difficile victoire que nous ayons à remporter sur l’ennemi, c’est en nous-mêmes qu’elle doit se livrer, avec cet effort supérieur qui transformera notre appétit de haine en désir de justice. Ne pas céder à la haine, ne rien concéder à la violence, ne pas admettre que nos passions deviennent aveugles, voilà ce que nous pouvons faire encore pour l’amitié et contre l’hitlérisme. »
Cet essai revient évidement longuement sur la position de Camus au moment de la guerre d’Algérie qui montre aussi, très clairement, cette dialectique ente victimes et bourreaux.
Je cite, ici, pour terminer cette phrase qui montre bien sa position :
« Le silence, la misère, l’absence d’avenir et d’espoir, le sentiment aigu d’une humiliation particulière au moment où les peuples arabes prenaient la parole, tout a contribué à faire peser sur les masses une sorte de nuit désespérée d’où fatalement devaient sortir des combattants. Alors a commencé à fonctionner une dialectique irrésistible dont nous devons comprendre l’origine et le mortel mécanisme si nous voulons lui échapper. »
Camus confronté à la violence du siècle et des totalitarismes a tout fait pour limiter cette violence et faire qu’elle épargne ,au moins, les innocents.