Mardi 12 novembre la médiathèque d'Enghien les Bains organisait une rencontre avec Nicolas Mathieu. Rencontre inspirante qui a permis de mieux connaître l'écrivain.
Le ciel ouvert est le premier récit autobiographique de l'auteur, qui se présente sous la forme d'un recueil de micro-fictions publiées sur Instagram et adressées à son amour clandestin.
"Il s'agissait d'une déclaration d'amour à quelqu'une. Rappelons que cette relation était illicite puisque la jeune femme était mariée, ainsi les posts sur Instagram permettaient de lui déclarer "vois comme je t'aime même si tu es loin". Les mots pouvaient suppléer au silence imposé par l'infidélité. Chaque like était comme une preuve que cette relation avait de la valeur. Puis cela devient une chronique. Les réseaux sociaux me permettent de mettre en mots des idées qui restent vagues tant qu'elles ne sont pas incarnées dans des mots. C'est un moyen de fixer des d'émotion et de pensées.
Pour moi, parler de l'intime n'est pas impudique car si cela est bien conçu, toute plongée dans l'intime se hausse vers quelque chose de collectif.
Dans ce recueil, j'évoque aussi mon fils de 11 ans. Pour moi, la vie est toujours un peu au-dessus de nos forces. Être père est aussi difficile, mais intense. Je suis marqué en effet par le passage du temps, je vis les choses au futur antérieur en me disant "ça aura été". Je tente de retenir le sable qui coule inexorablement entre nos doigts.
Mon père était un taiseux, j'ai constaté l'inefficacité du langage entre mes parents, comme si la langue ne pouvait pas aller chercher ce qui est fondamental. L'écriture est là pour tenter de combler ces silences. Je mets des mots sur ce qui n'était pas dit quand j'étais enfant. C'est une forme de thérapie, même si je vois aussi un psy, et d'ailleurs mes livres me permettent de régler mon psy...
Ce thème du temps qui passe est un motif qui me hante et que l'on retrouve dans tous mes livres, le vrai personnage de mes romans jusqu'à un certain point est là, dans le passage du temps, la mélancolie. Le texte est un climat, un agencement de sensations dans lequel on entre, et je voulais montrer combien le temps qui passe peut affecter. Je vis avec l'idée constante de ce "c'est déjà fini".
La littérature doit faire prendre conscience, elle doit nous désespérer pour nous faire agir en connaissance de cause, pour qu'on comprenne que notre temps n'est pas infini et qu'il ne faut rien lâcher, il faut se cabrer. Elle n'est pas là pour nous remonter le moral, on est là pour en découdre, pour se battre !"
Connemara raconte la relation entre deux personnages aux trajectoires très différentes : Hélène est un modèle de réussite, de succès quand Christophe se laisse vivre.
"Ce roman est une réflexion sur la réussite, sur la question de savoir ce que signifie l'accomplissement. J'ai créé deux personnages aux trajectoires différentes pour réfléchir sur cette réussite. Au lieu de faire un essai, je crée un personnage et je vois ce qui arrive. Hélène incarne une certaine idéologie managériale que j'ai pu subir par le passé. Mes personnages sont aussi une façon de me venger de ce qui m'accable au quotidien."
"Pour moi l'écriture n'est pas un don initial, elle demande des efforts, un apprentissage, un entrainement. Elle demande disponibilité et discipline. Elle est comme un muscle. Pour me relancer entre deux romans, cela me coûte à chaque fois. Il s'agit d'un métier dans le sens où on a acquis des compétences, mais à chaque fois, on est face à sa nullité car en écriture il existe beaucoup de mauvais gestes. Je réécris beaucoup. "
"On a tous des moments, surtout le dimanche, où on regarde sa vie et on se sent seul face à elle. Mais la solitude et l'ennui ont des fonctions d'élucidation de la réalité qui nous aide à faire les bons choix. Si nous sommes toujours dans le divertissement, on ne voit pas ce qui se passe dans notre vie, pour choisir ce qu'on doit faire, cela exige de l'ennui."
"Il est adapté au cinéma en ce moment. Je n'ai pas contribué au scénario des frères Boukherma. Je voulais juste que ce soit une fresque, pas seulement un petit film social, je voulais un souffle, une ivresse, beaucoup de musique."
"Le recevoir c'était cap Canavéral, vous décollez pendant deux ans, toute votre vie change en une journée vous vendez beaucoup plus, le regard des gens change sur vous. On devient un objet, comme Miss France, on vous fait tourner, il faut faire le job dans les salons mais après il faut se remettre à bosser, et là c'est dur. On sait qu'on ne fera plus jamais autant de ventes, et c'est difficile à digérer. On vous attend au tournant, on sait qu'on fera un truc moins bon. Il faut avoir une bonne santé mentale, et avouons-le, ce n'est pas tout à fait mon cas..."