J’ai reçu en cadeau ce livre de Rilke « Les élégies de Duino » qui sont suivies par « Les Sonnets à Orphée ». C’est dans ce deuxième recueil que j’ai choisi deux poèmes à vous présenter pour le défi des Feuilles Allemandes, organisées par Éva et Patrice du blog « Et si on bouquinait un peu » et par Fabienne du blogue « Livr’Escapades« .
Ces poèmes de Rilke – aussi bien les élégies que les sonnets – sont parfois d’un abord difficile, un peu hermétiques, aussi j’ai choisi des textes parmi les plus accessibles (tout étant relatif), l’un sur le thème du temps et l’autre sur celui de la mort ou du rapport entre la vie et la mort, si je ne me trompe. Bien sûr, ces sonnets sont rimés, dans leur version originale allemande, mais leur traduction en français n’est ni mesurée ni rimée. Une certaine musicalité semble cependant conservée.
Quatrième de Couverture
Les Élégies de Duino et Les Sonnets à Orphée sont deux des plus beaux monuments de la poésie allemande, que Rilke a sans nul doute enrichie de nouvelles possibilités d’expression.
Ces deux cycles se présentent par groupes de poèmes ou de thèmes fondamentaux – la mort, l’amour, la naissance, l’enfance, la métamorphose, la terre et l’ange – se développent comme autant de leitmotive et parfois se répondent ou s’opposent, avec des rappels comparables aux rappels de teintes des peintres.
Courte biographie de Rilke
Né en 1875 à Prague, mort en 1926 dans le sanatorium de Val-Mont en Suisse, Rainer Maria Rilke est un écrivain autrichien. Après des études d’art, de littérature et de philosophie, il se lie avec Lou-Andreas-Salomé et exerce le métier de journaliste. Il rencontre des artistes comme Paula Moderssohn-Becker. Il voyage beaucoup : Italie, Russie, France. Il est durant quelques années (1904-1906) le secrétaire de Rodin. Il voyage en Afrique du Nord, en Europe. Il met dix ans à écrire « Les Elégies de Duino« , l’un de ses principaux chefs d’œuvre. Il participe rapidement à la Première Guerre Mondiale, en 1916. A partir de 1919, il s’installe en Suisse et encourage les débuts du peintre Balthus, ayant une liaison avec sa mère, Baladine Klossowska. Il meurt d’une leucémie à l’âge de 50 ans.
Note Pratique sur le livre
Éditeur : Flammarion
Première publication en allemand : 1923
Première publication en français : 1943 ; date de cette édition ci : 1992
Traduction, présentation et commentaires de Joseph-François Angelloz
Nombre de pages : 314
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CHOIX DE DEUX SONNETS
Page 193
XXII
Nous sommes les trépidants.
Mais le pas du temps,
prenez-le comme une bagatelle
parmi ce qui toujours reste.
Tout ce qui se hâte
déjà sera passé ;
car ce qui demeure
seul nous initie.
Garçons, ô ne jetez pas votre courage
dans la vitesse,
dans l’essai de voler.
Tout est reposé :
obscurité et clarté,
fleur et livre.
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Page 227
XIII
Devance toute séparation, comme si elle était derrière
toi, semblable à l’hiver qui à l’instant s’en va.
Car parmi les hivers, il en est un sans fin, tel
que, l’ayant surmonté, ton cœur en tout survivra.
Sois toujours mort en Eurydice – monte en chantant plus fort,
en célébrant plus haut remonte dans le pur rapport.
Ici, parmi ceux qui passent, sois, au royaume du déclin,
sois un verre qui tinte et dans le tintement déjà se brise.
Sois et connais en même temps la condition du non-être,
la raison infinie de son intime vibration,
afin de l’accomplir entièrement cette unique fois.
Aux réserves, employées aussi bien que voilées et silencieuses,
de la nature totale, sommes indicibles,
ajoute-toi avec allégresse et anéantis le nombre.
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