L'histoire: Les hauts et les bas de la vie de Barberie Bichette, dite Barbie, mère célibataire de 55 ans (Agnès Jaoui). Ses enfants (Angelina Woreth, Édouard Sulpice) ne sont plus autour d'elle, elle n'a pas eu de relation amoureuse depuis belle lurette et ne s'accomplit pas vraiment dans son boulot de créatrice publicitaire. Après avoir rencontré une ancienne flamme, elle fait une grave dépression et se retrouve internée dans un établissement pour personnes atteintes de maladie mentale.
Passage à Cinemania: les 10 et 16 novembre 2024 - Sortie en salle au Québec: inconnue
Mon avis
Ma vie, ma gueule, ultime long métrage de Sophie Fillières, disparue en juillet 2023 suite à une longue maladie, est un regard touchant sur la solitude et la dépression chez une femme cinquantenaire, ancienne artiste, qui sent la vie lui échapper. L'intérêt du métrage et son côté particulièrement attachant va bien au-delà de ses dialogues faussement décalés, de ses quiproquos tordants, et de ses rencontres impromptues et improbables, notamment celle avec le dénommé " Katerine Philippe ", autre grand désynchronisé de la vie.
Sophie Fillières orchestre de main de maître un petit théâtre de l'absurde dans lequel se font jour les décalages de plus en plus grands qui séparent ce que la vie de tous les jours a à nous offrir de ce à quoi l'on aspire vraiment. Il y est question de perte de goût de vivre, de rapports humains biaisés ou de quête de sens dans un monde où progressivement, la protagoniste doit apprendre à retrouver le contrôle de son corps vieillissant et de sa vie vacillante, à s'écouter enfin et à se laisser aller à ses envies d'ailleurs. Le " lâcher prise ", tellement à la mode mais tellement galvaudé aussi, trouve ici une illustration particulièrement convaincante.
Au centre de cette petite vue douce-amère, Agnès Jaoui, parfaitement à l'aise dans des personnages lunaires, porte sur ses épaules le poids de cette comédie aussi légère que douloureuse, que l'on ne peut dissocier de l'autofiction; la cinéaste de 58 ans se sachant déjà condamnée lors de la production. Le film a du reste été terminé par ses deux enfants, Agathe et Adam Bonitzer.
Joyeux chant du cygne pour une cinéaste sensible et rare (sept films en trente ans) dont les œuvres sont très peu connues ici au Québec, Ma vie, ma gueule est peut-être un peu brouillon, plusieurs saynètes sont sans doute un peu trop longues. Mais c'est dans ses fractures et ses imperfections que le film atteint tout son potentiel. À ce chapitre, le dénouement campé dans les verdoyantes montagnes écossaises, est un bijou de douceur et de poésie.