Le
jour commence à se lever. Blotti dans les bras de ma
mère, je fixe le ciel de mon regard encore choqué par
tout ce qu'il vient de se produire.
Je constate en entendant les
gémissements de ma mère que nous sommes bien vivants
elle et moi.
Nous pleurons. De toute notre âme. Comme après un long et terrible cauchemar.
Le jour va se lever.
Mon
attention est attirée par le chahut violent qui se déroule
à l'extérieur, en bas de l'immeuble. Je passe la tête
pour regarder et ai juste le temps d'apercevoir « l'autre »
menotté, qui est forcé par trois hommes de pénétrer
à l'arrière de la voiture de police, avant que ma mère
ne me détourne la tête afin que je n'assiste pas à
ce sinistre dernier spectacle.
Les
policiers pénètrent dans l'appartement. Ils discutent
brièvement avec ma mère afin de lui donner les
instructions pour la procédure qu'elle doit établir,
afin d'ouvrir une enquête sur les faits.
Le
jour se lève peu à peu.
Voici les éléments :
A- Les policiers ont constaté que la vitre de la porte d'entrée de l'immeuble a été brisée afin de pénétrer par effraction.
B- Ils constatent des traces de coups de pieds sur la porte de l'appartement situé au-dessous, au 7 ème étage.
C
- Ils constatent les traces de nombreux coups sur la totalité
de la porte de notre appartement.
D - Ils
constatent les traces de balles sur la porte de notre appartement.
Les impacts montrent : 1 - un tir à bout portant d'une balle à
sanglier d'un diamètre de 5 centimètres qui a traversé
deux cloisons d'une épaisseur de huit centimètres
chacune avant de se perdre sur le sol de ma chambre. Cet impact est
situé à proximité de la poignée de la
porte, c'est-à-dire au niveau du bas ventre d'une taille
adulte; 2 - deux autres tirs à bout portant d'un diamètre
de 3,5 centimètres chacun, dont les balles ont été
retrouvées incrustées dans la cloison située en
face de la porte. Ils sont situés à 27 et 32
centimètres au-dessus du judas, c'est-à-dire au-dessus
de la tête d'un adulte de taille moyenne.
E- Ils constatent que l'arme est chargée de 2 cartouches, ainsi qu'une 3ème introduite dans l'un des 2 canons, ce qui a provoqué le blocage du fusil.
F
- Ils constateront un autre impact de balle dans la portière
arrière de la voiture de « l'autre ».
L'enquête
a révélé ceci :
Vers 3h40 du matin, sujet
à une violente colère, M. Jean-Marc B., se
trouvant à son domicile charge son fusil de chasse de deux
balles à sanglier et introduit dans la poche intérieure-gauche
de son blouson dix autres cartouches.
Il
sort de son domicile, armé, et se dirige vers son véhicule.
Lorsqu'il pénètre dans la voiture pour se mettre au
volant, il jette son arme sur la banquette arrière avec
violence, ce qui a probablement déclenché la gâchette
et provoqué le tir qui expliquerait l'impact retrouvé
dans la portière arrière-gauche du véhicule
(élément F). Un témoin auditif, voisin de M.
Jean-Marc B., a affirmé avoir été réveillé
par un coup de feu cette nuit-là, venant du parking situé
derrière l'immeuble (ce qui vient confirmer la thèse du
tir accidentel.)
Malgré ce premier incident, l'accusé
n'est pas refroidi et décide de continuer son entreprise.
Il
parcours 60 kilomètres afin de se rendre au domicile de son
ex-épouse et de son fils âgé de treize ans.
Pendant les 60 kilomètres qu'il parcours, avec un fusil armé
à l'arrière de son véhicule, il ne se refroidi
toujours pas.
Il arrive devant l'immeuble des victimes à 4h25. Il sort de sa voiture, prend son fusil alors chargé d'encore une seule balle et sonne à l'interphone de son ex-femme, qui par son silence, refuse de lui ouvrir. Après une demi-heure, toujours pas refroidi, l'individu déterminé, brise la vitre de la porte de l'immeuble à l'aide de la crosse de son fusil afin de pouvoir pénétrer par effraction dans celui-ci (élément A). Il est 5h07. Il appelle l'ascenseur, pénètre à l'intérieur, et se rend au dernier étage. C'est-à-dire le 7ème étage. L'appartement des victimes se situe au 8ème étage, et il faut donc monter un étage supplémentaire par les escaliers pour y accéder. M. Jean-Marc B. connait les lieux puisqu'il y a lui-même habité avant la deuxième séparation de son ex-femme, or il commet une deuxième erreur. Il confond les étages et frappe violemment à la porte de l'appartement qui se situe au bout du couloir, soit celui qui est juste au-dessous de celui des deux victimes (élément B). Après plusieurs coups de pieds et cris, Madame Pelloc, propriétaire et résidente de l'appartement qui a pris soin de conserver sa chaîne de sécurité enclenchée, lui ouvre la porte afin qu'il se rende compte qu'il s'est trompé d'appartement. Celui-ci lui présente ses excuses.
Après
ce deuxième incident, l'accusé n'est toujours pas
refroidi et décide malgré tout de monter au 8ème
étage afin de se rendre devant l'appartement de son ex-femme
et de son fils. Madame Pelloc qui a remarqué que l'accusé
était armé, appelle la police. Ce sera le premier appel
enregistré pour cette affaire sur les 11 totalisés,
effectués par les témoins auditifs, résidents de
l'immeuble ou des autres immeubles alentours, alertés par les
appels au secours des deux victimes à la fenêtre de leur
appartement.
Arrivé devant la porte qu'il trouve close, il
tente de la défoncer en frappant violemment à l'aide de
son pied et de la crosse de son fusil (élément C).
Son
ex-femme accompagné de leur fils, se tient derrière la
porte, refusant de lui ouvrir. Face à ce refus, M. Jean-Marc
B. tire dans la porte.
Contrairement à se qu'affirme
l'accusé ainsi que certains témoins auditifs, et
confirmant le témoignages des victimes et de certains voisins,
eux aussi, témoins auditifs, le premier coup porté est
bien celui dont l'impact a été retrouvé près
de la poignée et non pas l'un des deux autres impacts situés
à 30 cm au niveau supérieur de la porte. Ce qui
signifie que le premier tir avait une intention réelle de
donner la mort puisque les victimes étaient sensées se
trouvées derrière la porte à ce moment-là
et que l'impact se situe au niveau du bas ventre d'une taille humaine
adulte (élément D.)
L'enquête se base sur l'étude logique de la reconstitution chronologique des différents chargements du fusil qui ne peut contenir que deux cartouches.
Chargement
1 : à son domicile 2 balles à sanglier. Tir 1 : dans
la portière de la voiture – Tir 2 : dans la porte au niveau
de la poignée. La balle retrouvée dans la chambre de
l'enfant. Le chargeur est donc vide.
Chargement 2 : devant la
porte des victimes, 2 cartouches standard. Tir 3 et Tir 4 successifs
(attestés par certains témoignages auditifs) dans la
porte au niveau de la partie supérieure de la porte. Le
chargeur est donc vide.
Chargement 3 : devant la porte des
victimes, 2 cartouches standard.
L'accusé n'a pas le temps
de tirer puisqu'il est interrompu par l'interpellation des policiers.
Dans la panique, oubliant qu'il venait de charger le fusil, il
introduit une troisième cartouche dans le chargeur et bloque
le fusil (élément E), ce qui a permis l'intervention de
la police et de le maîtriser.
La totalité de ces éléments et des témoignages ont permis d'évaluer l'acte de l'individu comme : tentative de meurtre avec préméditation.
Il sera condamné à 18 mois de prison dont, 6 mois de sursis...
Le jour est maintenant levé.