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Effet désirable

Publié le 11 novembre 2024 par Morduedetheatre @_MDT_
Effet désirable

Critique de Effets secondaires, de Arthur Deschamps, vu le 7 novembre 2024 au Théâtre du Chariot
Avec Anthony Audoux, Marilyne Fontaine ou Anna Sorin, Lucas Hérault, Marieva Jaime Cortez, Benjamin Paillou, Nicolas Rouleau, mis en scène par Arthur Deschamps

Parfois on se force un peu pour aller au théâtre. On repère ce spectacle quelques semaines avant avec cette comédienne qu’on adore et on prend les billets sans se poser de question et lorsque le jour arrive on se dit mais pourquoi j’ai réservé dans ce petit théâtre loin de chez moi un spectacle au titre pas du tout engageant de base et peut-être encore moins pour l’hypocondriaque que je suis. Et puis on y va. Parce que quand même, on a réservé. Et puis qui sait. Qui sait.

J’ai su au bout de deux répliques. C’est l’avantage du grand âge, on n’arrive pas encore à déterminer si un spectacle est bon rien qu’à son titre ou son affiche, mais parfois quelques paroles suffisent. J’ai su tout de suite que j’étais tombée dans un spectacle particulier, original, et qui allait m’emporter. A peine le temps de comprendre l’univers dans lequel on est tombé que déjà le rythme s’impose. On sent l’engrenage, on sent l’emballement potentiel, et on savoure ce début de spectacle comme celui d’un bon couplet où, sans s’en rendre compte, on tape déjà du pied en rythme.

C’est bien beau tout ça, mais où est-ce qu’on est tombé, exactement ? Dans un monde qu’on n’a pas trop envie de croiser dans le réel mais qui se prête si bien à un plateau de théâtre : le milieu médical ! Tom, notre personnage principal, a mal aux yeux et à la tête depuis quelques temps, mais impossible de poser un diagnostic sur ses symptômes. Il se fait balader de médecin en médecin et chacun croyant ajouter une pierre à l’édifice donne en réalité un bon coup de pied dedans. Le voilà épuisé au bout de plusieurs mois de consultations, toujours terriblement migraineux, et sans solution. Mais chez nous, on en a une de solution : quand la science ne trouve pas, c’est que le problème ne se trouve pas de son côté. Elle se trouve donc du côté du patient. Sa maladie, c’est sûrement dans la tête qu’elle se passe. Bienvenue en HP !

En venant, en fait, j’avais surtout une crainte, c’était le texte. Même avec une bonne troupe, c’est difficile de convaincre avec un mauvais texte. Je ne vois pas tant de texte contemporains, j’en vois heureusement des bons, mais je crois que ça faisait longtemps que je n’avais pas découvert un texte aussi excellent. Un vrai bon texte de théâtre, qui fait confiance au plateau, qui mise sur des scènes courtes et pas trop dense qui prennent vie par leur existence même et par tout ce qui s’ajoute à la parole. Oui, j’ai peut-être l’ai un peu tarée en écrivant ça, mais ça fait plaisir de voir un texte aussi bien construit.

Avec un tel matériau, ils peuvent faire des ravages. Et c’est ce qu’ils font. J’ai beau avoir conscience de ce biais bien connu qui voudrait que le talent des comédiens est proportionnel à la taille de la salle, je trouve ça toujours aussi époustouflant d’avoir une troupe de si haut niveau dans un si petit lieu. En fait, je crois que c’est tellement inattendu (parce que je suis biaisée, oui oui oui) que c’en est encore meilleur. Quelle performance ! Quelle maîtrise ! Le premier mot qui vient, c’est absurde, mais c’est en réalité l’arbre qui cache la forêt. Sur des tonalités très différentes, jamais appuyé, ils apportent tous, à leur façon, une dose de folie à cet univers qui n’en manque pas, et qui se colore sans cesse au fil du spectacle : folie douce, cruelle, drôle, triste, acérée, loufoque, mélancolique, tendre, moderne, les saveurs ne manquent pas.

Allez, encore un tout petit peu et je m’arrête. Je crois que ce qui m’a particulièrement marquée, dans ce spectacle, c’est la musique. C’est rare que ça me marque autant, au théâtre, alors que j’y suis très sensible au cinéma. Mais elle n’est pas utilisée juste dans des transitions de scène, ici. C’est un élément à part entière du spectacle. Elle participe à l’emballement du rythme, au changement d’ambiances, et aussi à le rendre complètement unique. Pourtant on avait déjà vu, hein, de la musique live sur scène et du rap qui s’invite à la fête. Mais peut-être jamais de cette manière-là.

L’effet secondaire est simple : vous allez en parler à tout le monde. ♥ ♥ ♥


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