Il en démontre tout le potentiel de manipulation et nous fait réfléchir sur l’apparente heureuse issue. Car si chacun aura trompé sa chacune la fin ne sera pas pour autant équitable. Le jeu des comédiens est absolument délicieux et on passe un excellent début de soirée à les observer se dépêtrer des fils qu’ils ont eux-mêmes noués.
La moquette est un tapis de fleurs jonchée de feuillages. Les boiseries sont moulurées et encadrent une double porte à petits carreaux en miroir dans laquelle -pour le moment- le public se reflète. Le décor en noir et blanc du sol au plafond conçu par Amélie Tribout est tout à fait judicieux puisque nous sommes dans l’artifice. De plus il est complètement dans l’air du temps avec la présentation au public d’une exposition très intéressante sur le sujet au musée Marmottan Monet. Les costumes d’Aurore Popineau concilient la modernité et l’invention en évoquant le XVIII° siècle, par leur forme et leur tissu, en particulier la toile de Jouy (et je recommande d’ailleurs vivement la visite du musée qui est consacré à cette industrie).
On se doute bien que leur condition sociale ne les a pas habitués à si bon traitement et les traitres suivront la progression de leurs manigances à travers les miroirs sans tain et sous les violons, lesquels résonneront avec de moins en moins de grincements à mesure que les victimes s’affaiblissent.
Comme ils sont rusés à jouer en même temps sur le ressort de la déculpabilisation : si mon amoureux/euse aime ailleurs alors ce ne sera pas tromper que de regarder moi aussi dans une autre direction …L’envie de prendre sa revanche devient naïvement naturel.
L’intrigante Flaminia fait mine de ne pas aimer sa cible mais, ne la haïssant pas elle pourrait en débarrasser le Prince. Voilà qu’Arlequin, amoureux par mégarde, n’y comprend plus rien : Sylvia croirait que je suis dans mon tors alors que je suis innocent.
Sylvia reconnaît ne plus aimer Arlequin et, surprise mais soulagée, ne se croit pas être blâmable. Le morceau de musique qu’on entend alors fait nettement référence au chant du coucou. Comme le souligne Jean-Paul Tribout dans sa note d’intention : le corrupteur s’avère suffisamment habile pour sauvegarder les apparences en laissant à l’abusé l’illusion qu’il ne trahit pas ses principes tout en le rendant complice ! Le dénouement semble heureux puisqu’il se termine par deux mariages mais, en réalité le temps de l’amour éternel est rétrospectivement démasqué comme une illusion (une double inconstance) et remplacé par le temps du plaisir éphémère. Pas sûr que les deux couples y trouvent leur compte !
Avec Baptiste Bordet (Le Prince), Marilyne Fontaine (Flaminia), Emma Gamet (Sylvia), Agathe Quelquejay ou Lou Noemie (Lisette en alternance), Thomas Sagnols ou Anthony Audoux (Arlequin en alternance), Xavier Simonin (Le Seigneur), Jean-Paul Tribout (Trivelin)Lumières Philippe LacombeCostumes Aurore PopineauDécor Amélie TriboutCollaboration artistique Xavier SimoninDu 18 septembre au 3 novembre 2024Du mardi au samedi à 19 heures, le dimanche à 16 heuresAu Lucernaire - 53, rue Notre-Dame-des-Champs - 75006 Paris