L’artiste a passé beaucoup de temps dans le musée afin de soigner la présentation qui se déploie dans plusieurs endroits. Ses
"Morceaux choisis" réunissent un ensemble d’œuvres de l’artiste, pour la plupart inédites, qui entrent en résonance avec les peintures de la dernière période de Claude Monet, le fonds Empire et les collections d’art du Moyen Âge de l’établissement.La découverte commence dès la montée de l’escalier d’honneur, menant au premier étage, avec cette Marilyn 1994, acrylique sur toile, 60 x 220 cm, collection Fondation Cartier pour l'art contemporain.Marylin entre en dialogue avec la Nature Morte aux fleurs de Verbruggen Le Jeune (1664-1730), composition florale aux tulipes. La facture classique du peintre flamand de nature morte contraste avec la gestualité de la touche et le chromatisme luxuriant de Carole Benzaken, qui conduit peu à peu le regard vers une abstraction expressive au-delà du figuré. L’œuvre porte une distance avec son sujet en même temps qu’elle insiste sur la persistance du motif codifié de la fleur dans l’histoire de l’art.
Carole Benzaken a débuté en 1990 sa série des Tulipes, à laquelle la Fondation Cartier consacre une exposition en 1994. Ce motif, tiré de catalogues d’horticulture ou de photographies personnelles, est répété sur la toile, frontalement, sous forme de gros plans, et ordonné en différentes séquences dans de grandes compositions. Plus qu’une tentative d’épuisement du sujet, le principe de sérialité qu’elle s’impose répond à un désir de débordement de l’image et de ses devenirs potentiels.Dans la salle des enluminures, on découvre le Rouleau à peintures, commencé en 1989 et destiné selon les mots de l’artiste à ”continuer à l’infini de sa longueur possible, dans le temps qu’il lui sera donné”. Sa longueur actuelle est de 104 mètres.Sur cette peinture acrylique sur toile elle transpose des extraits de ses archives personnelles provenant de photographies, de captures d’écran ou encore de coupures de journaux et de magazines avec le soin d’une miniaturiste.Chaque image est peinte avec le soin d’une peinture miniature traditionnelle. Le cadrage et le montage induits par la juxtaposition de ces peintures rappellent le format pellicule 35mm. L’œil circule dans un flux ininterrompu de fragments du réel.Pour cette exposition, elle a choisi de le mettre en correspondance avec les enluminures de la donation Wildenstein et deux sculptures médiévales : les mains de Sainte-Barbe où la lance de Saint-Georges terrassant le dragon se mêlent à d’autres détails tirés de photographies de l’artiste. Avec le temps, le Rouleau à peintures, devenu une mémoire picturale et un journal intime, dévoile les intérêts et l’évolution du style de l’artiste.Sur un des murs de la rotonde Boilly Carole Benzaken ajoute un lais de papier peint aux motifs schématiques de bibliothèque, telle une extension de son dispositif installé dans l’espace attenant à la salle Monet, au sous-sol du musée.Les deux portraits en médaillon sont attribués à Piaf Joseph Sauvage (1744-1818) représentant Gallien (vers 1800) et Appien (vers 1800 également). Ce sont deux huiles sur bis en trompe-l’œil restaurées à l’occasion de l’exposition Trompe-l’œil. Descendons donc au sous-sol. On y découvre un dispositif évoquant une bibliothèque de maison privée, en cohérence avec l’atmosphère intime et érudite du musée et fonctionne comme un prolongement des anciens espaces domestiques de l’hôtel particulier.Apparaît une ”nouvelle pièce à vivre” que l’artiste matérialise en articulant, sur les murs, des motifs schématiques de livres avec des monochromes à effet crayonné. Ce projet original, imprimé en lais de papier peint par la maison Isidore Leroy, accueille un ensemble de tableaux récents, pour la plupart spécialement réalisés pour l’exposition. A l’extrême gauche (ci-dessus) voici Olivier dans la nuit (4) encre de Chine et acrylique sur toile de 2024.De grand format, leur surface se compose de fragments abstraits, ou figuratifs, accordés les uns aux autres par des arrangements formels et chromatiques. La combinaison des peintures murales imprimées et des toiles, dans une sorte de brouillage illusionniste, produit un éclatement optique de l’espace. Les notions de miroitement, d’environnement et de fluidité font un subtil écho aux dernières recherches picturales du maître de Giverny, ainsi qu’à Joan Mitchell dont Carole Benzaken présente une œuvre (technique pastel et huile), faite à quatre mains avec l’artiste en 1992, intitulée Joan and I.Ce dispositif abrite une pensée multiple et réjouissante, faite de croisements de références, de récits et de lieux que Carole Benzaken se plaît à déplier. Sa sculpture inédite ”Conversations”, située dans une vitrine au centre de la pièce, s’inspire de deux chaises de Style Empire signées Jacob-Desmalter exposées au premier étage du musée.Les dossiers aux motifs variés sont pliés comme des couvertures de livres, démultipliés en différentes facettes disjointes, et reposent sur des assises inclinées dont les pieds sont en surnombre. En rendant hommage à la dimension humaine propre au musée ainsi qu’à la bibliothèque de Paul Marmottan située à Boulogne-Billancourt la sculpture devient l’endroit de tous les échanges, de toutes les paroles possibles, des plus triviales aux plus secrètes, passées et futures.Un des tableaux de la série Magnolia, encre de Chine et crayons, feuilleté sur verre, 2024Carole Benzaken invitée du 8e opus des dialogues inattendusDu 17 Octobre 2024 au 16 Février 2025. Commissaire de l’exposition : Sylvie Carlier, directrice des collections du musée Marmottan Monet, conservatrice en chefCommissaire associée : Anne-Sophie Luyton, attachée de conservation au musée Marmottan MonetAu musée Marmottan Monet, 2, rue Louis Boilly 75016 Pariswww.marmottan.frOuvert du mardi au dimanche de 10h à 18h - Nocturne le jeudi jusqu’à 21hFermé le lundi, le 25 décembre, le 1er janvier et le 1er mai