[Cinemania] La prisonnière de Bordeaux de Patricia Mazuy

Par Mespetitesvues

L'histoire: Alma (Isabelle Huppert) vit à Bordeaux dans sa grande maison bourgeoise, remplie de tableaux de maîtres, de quiétude, mais aussi d'ennui et de solitude. Mina (Hafsia Herzi) est une jeune mère de famille qui habite à Narbonne. Toutes les deux se rendent régulièrement à la prison de Bordeaux pour visiter leurs maris emprisonnés, l'un pour délit de fuite, l'autre pour braquage de bijouterie. A l'occasion d'un de leurs rendez-vous au parloir, elles se rencontrent et tissent rapidement des liens d'amitié. Alma propose à Mina de venir habiter chez elle avec ses enfants, et, comme elle connaît pas mal de monde dans le coin, lui trouve un travail non loin de l'établissement carcéral.

Passage à Cinemania: les 11 et 13 novembre 2024 - Sortie en salle au Québec: 15 mars 2025 (K-Films Amérique)

Mon avis

La cinéaste, scénariste, monteuse et actrice française Patricia Mazuy est peu connue au Québec. De ses sept films en tant que réalisatrice, seuls deux sont sortis en salle ici, Peaux de vaches (1989) et (2000). Difficile donc de placer La prisonnière de Bordeaux, son dernier essai, dans sa filmographie et ses thèmes. Disons simplement qu'il s'agit d'un mélange de drame social vériste, de film de genre et de satire mettant de l'avant la solidarité de deux femmes esseulées appartenant à des classes sociales aux antipodes.

Mazuy orchestre la fusion de deux mondes qui ne se côtoient d'ordinaire qu'assez peu en leur donnant des attributs très reconnaissables. D'un côté, la France des nantis dans laquelle vit Alma, avec sa Range Rover et ses œuvres d'art de grande valeur, et de l'autre, celle du milieu ouvrier dans lequel se débat Mina, avec ses voyages en train pénibles, ses horaires harassants et ses maigres espoirs de jours meilleurs.

Pour dresser le portrait de sa lutte des classes - et de toute l'ambiguïté qu'elle charrie -, Mazuy s'en remet à un humour noir corrosif et très chabrolien, au risque de sombrer sous le poids des clichés. Elle parvient néanmoins à limiter les stéréotypes en se concentrant sur l'amitié (la sororité presque) qui s'installe entre les deux protagonistes.

Dans la mesure où leur rapprochement est plutôt tiré par les cheveux, c'est surtout grâce au duo Huppert/Herzi que le charme opère. Du reste, les deux actrices - qui sont aussi les vedettes de Les gens d'à côté de André Téchiné (2024), drame policier basé sur une histoire très semblable - font preuve d'une belle complicité d'où ressort aisément la vérité de leurs émotions.

Au mitan, La prisonnière de Bordeaux opère un changement de ton radical qui fait basculer le film dans une sorte de suspense totalement impensable. Toute la crédibilité qui s'était installée tombe à l'eau dès que Mina se met en tête de régler seule les démons qui planent encore sur le sort de son mari. Mazuy essaye avec toutes les peines du monde à nous faire croire à son retournement de situation, mais ne livre qu'une bancale histoire de série B. Le dénouement libératoire, aussi abrupt que déconnecté, achève de sceller le sort de ce récit mi-figue, mi-raisin, racheté, en partie seulement, par les solides prestations de ses deux comédiennes.