«Les paquets de cigarettes devraient afficher le label de mise en garde réservé aux produits radioactifs», réclame une équipe de chercheurs conduite par Monique Muggli (Mayo Clinic, Minnesota) dans la dernière livraison de l'American Journal of Public Health. Au terme d'une compilation des archives de grands cigarettiers américains, les scientifiques écrivent que les principaux fabricants «ont découvert il y a plus de quarante ans» la présence dans leurs produits de polonium 210, (la substance radioactive qui a tué l'ex-agent du KGB Alexandre Litvinenko en 2006), et «ont censuré la publication de leurs recherches internes afin de ne pas attirer l'attention».
La nouvelle aggraverait le dossier des fabricants de cigarettes, déjà plombé, si elle n'était gonflée et ne pesait qu'à la marge. Les cigarettiers n'ont en effet pas «découvert» la présence de polonium dans le tabac : celle-ci, accrue depuis les années 50 par l'apport de phosphates dans les cultures, a fait l'objet d'articles et débats scientifiques dès 1966 (1). Aussi le Po 210 est-il répertorié classiquement dans les inventaires des 4 000 composés du tabac. Enfin, sa toxicité, dans la cigarette, est relative : le polonium 210, toutes sources confondues (et pas seulement dans le tabac), serait la cause de 1 % des cancers du poumon. La nicotine reste donc le grand tueur des fumeurs... Mais, après tout, à la mention «fumer tue», on peut ajouter «radioactif» : le nucléaire est dissuasif.
(1) Rajewsky B. et W. Stahlhofen, «Polonium 210 activity in the lungs of cigarette smokers», Nature, 1966.