Voilà une nouvelle formation française plus si nouvelle puisque, même si "Pop Moderne" est leur premier album, ça fait déjà de nombreuses années que les strasbourgeois de Sinaïve officient, dans l'ombre (2015 précisément), connus uniquement d'une poignée de happy few. Leur musique est assez inclassable, même si elle fait irrémédiablement penser à celle de My Bloody Valentine. Ces derniers n'ont guère connu de vrais suiveurs, surtout après l'étape cruciale de "Loveless" en 1991. Même eux ont mis plus de 20 ans avant d'en faire un petit frère. Il faut dire que plus encore qu'au début des années 90, il faut être un peu fou pour en 2024 attacher une importance aussi maladive au son. "Pop Moderne", c'est donc d'abord un travail méticuleux sur le son. Chaque chanson propose une ambiance différente à l'inverse des disques Kevin Shields plus mono maniaques et homogènes. "Dasein (Oder Nie Sein)" est une tuerie krautrock. "Elégie" est le meilleur titre shoegaze entendu de ce côté-ci de la Manche. "Velvetine" est, comme son nom l'indique, du Velvet made in French. Et pour une fois, ce n'est pas juste un vulgaire décalque dans la langue de Molière. On peut regretter que les textes soient à l'inverse mis en retrait. Souvent on ne distingue pas le propos, même si on le devine mélancolique, le chant faisant partie intégrante du maelström sonore, comme s'il était lointain. Il faut sans doute que nos oreilles s'habituent, distinguent chaque élément. Voilà un album qui devrait nous suivre quelques temps avant de pouvoir en faire le tour. Dire ça d'un disque en français n'est pas si courant. D'ailleurs, je me rends compte qu'en 2024, j'ai écouté très peu de musique hexagonale. A tort ou à raison, je ne saurais dire. Je suis forcément passé à côté de choses. Mais je n'ai pas entendu depuis le début de l'année de chansons françaises qui soient comparables à cette pop tranchée à la guillotine - cf. la pochette. Une formidable révolution sonore. A la française. Pas si naïve. Passionnante.